Rétention administrative : un nouvel allongement inutile de la durée d’enfermement
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le mardi 8 juillet 2025, une proposition de loi « visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive » déposée au Sénat le 1er février 2025 et adopté par la Haute assemblée le 18 mars 2025 en première lecture.
Forum réfugiés regrette le résultat de ce scrutin (303 voix pour, 168 voix contre) portant sur un texte qui aura un impact majeur sur les droits fondamentaux des étrangers, consacrera un nouveau détournement de l’objet initial de la rétention, et rendra assurément moins efficace l’objectif politique visé en matière de placement et d’éloignement des personnes depuis les centres de rétention.
Le texte adopté permettrait, s’il était adopté définitivement, d’étendre jusqu’à 210 jours la durée maximale de rétention pour des étrangers ayant commis certaines infractions, bien au-delà de la durée actuelle (90 jours) qui ne pouvait être étendue à 210 jours qu’en cas de condamnation pénale pour des faits de terrorisme. La liste étendue des infractions désormais concernées laisse craindre qu’un nombre important d’étrangers pourront être soumis à cette privation de liberté. Alors que le dispositif pénal permet déjà de priver de liberté une personne suite à une instruction puis un jugement, ce texte entretient par ailleurs une confusion sur l’objectif de la rétention administrative : celle-ci ne vise pas à écarter de la société des personnes dangereuses, mais à poser un cadre coercitif dans l’attente d’un retour, lorsqu’il existe des perspectives d’éloignement. Le Conseil constitutionnel pourrait d’ailleurs être amené à rappeler ce cadre juridique au législateur s’il est saisi sur ce texte.
Enfin, et contrairement à certaines idées reçues, l’allongement de la durée de rétention ne permet pas d’éloigner davantage de personnes, bien au contraire. Les données, disponibles notamment dans le rapport inter-associatif publié chaque année, révèlent que si l’éloignement n’a pas lieu dans les premiers jours de la rétention il n’intervient que très rarement au-delà. En 2024, 78% des éloignements ont ainsi eu lieu dans les 45 premiers jours de la rétention et seulement 13% au-delà de 60 jours. Étendre ainsi la durée de rétention aura pour seul impact prévisible en matière d’éloignement de réduire la capacité de placement pour des situations où les perspectives d’éloignement seraient plus élevées, et donc de limiter les éloignements.
Les députés ont par ailleurs amendé la proposition de loi en y ajoutant des mesures sans lien avec l’objet initial limité à la rétention des « personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive ».
Forum réfugiés déplore ainsi l’adoption dans ce texte de reculs pour les droits des personnes qui concerneront l’ensemble des étrangers retenus : possibilité d’un relevé d’empreinte et de prise photographies sous la contrainte lors du placement en rétention, suppression d’un contrôle du juge sur la légalité du maintien en rétention de 75 à 90 jours (qui sera désormais saisi pour valider le maintien de l’ensemble de la période allant de 60 à 90 jours), et rétablissement de la possibilité de placer en rétention un demandeur d’asile dont le comportement constitue une menace à l’ordre public (mesure pourtant jugée inconstitutionnelle en avril 2025).
En conséquence, Forum réfugiés appelle les parlementaires lors des nouvelles lectures à venir à rejeter ce texte, consacrant un allongement inutile de la durée de rétention, ajoutant des dispositions possiblement inconstitutionnelles et qui ne mesure nullement les conséquences délétères sur les personnes.
Contact presse : Maryline COSCO – Responsable Communication Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 06 15 78 35 09

