Le 16 avril 2025, la Commission européenne a proposé un règlement visant à inclure une liste de pays d’origine sûrs au règlement « procédure », afin d’accélérer l’examen des demandes d’asile des personnes provenant de certains pays tiers et de les examiner dans le cadre d’une procédure à la frontière, tout en harmonisant les pratiques des États membres.

Le 16 avril 2025, la Commission européenne a publié une proposition de règlement pour amender le règlement 2024/1348, dit « procédure », du Pacte de l’Union européenne (UE) sur la migration et l’asile.   Cette proposition a pour but d’établir une liste de pays d’origine sûrs, qui s’incorporerait au règlement « procédure ».

Le nouveau règlement « procédure », qui entrera en application en juin 2026, permet en effet, et pour la première fois, de désigner des pays d’origine sûrs à l’échelle de l’UE (auparavant, l’utilisation de ce concept était permise à l’échelle nationale).

En vertu du règlement « procédure », lorsqu'un demandeur de protection internationale provient d'un pays d'origine sûr, l'examen de sa demande est accéléré et achevé dans un délai maximum de trois mois. En outre, si le demandeur n'a pas encore été autorisé à entrer sur le territoire d’un État membre, la demande peut être examinée dans le cadre d'une procédure à la frontière. Les ressortissants de pays désignés comme sûrs et les apatrides anciennement résident habituel de ces pays verront, par conséquent, leurs garanties procédures et conditions d’accueil amoindries.

Conformément audit règlement « procédure », un pays tiers ne peut être désigné comme pays d'origine sûr que lorsque, sur la base de la situation juridique, de l'application de la loi dans un système démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré qu'il n'y a pas de persécutions au sens de l'article 9 du règlement 2024/1347 (règlement relatif aux conditions requises), ni de risques réels d'atteintes graves au sens de l'article 15 de ce règlement.

Après une étude des pays d'origine des demandeurs d’asile qui représentent un nombre important de demandes dans l'UE, mais avec un taux de reconnaissance de 5% ou moins à l'échelle de l'UE, des pays qui figurent sur les listes de pays d'origine sûrs établies par les États membres, ainsi que des informations sur les pays d’origine de l’agence de l’UE pour l’asile, la Commission propose de désigner les pays candidats à l’adhésion (qui sont l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la Moldavie, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine) et six pays, qui sont le Bangladesh, la Colombie, l’Égypte, l’Inde, le Maroc, la Tunisie, ainsi que le Kosovo (désigné comme candidat potentiel à l'adhésion à l'UE), comme pays d’origine sûrs au niveau de l’UE.

Pour la Commission, les pays candidats à l'UE ont suffisamment « progressé vers la stabilité des institutions garantissant la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect et la protection des minorités », raison pour laquelle ces derniers devraient être considérés comme sûrs à l’exception des cas suivants : la vie ou la personne d'un civil est gravement et individuellement menacée en raison d'une violence aveugle dans des situations de conflit armé international ou interne dans le pays, des mesures restrictives au sens du titre IV du traité sur le fonctionnement de l'UE ont été adoptées en raison des actions du pays (comme l’interruption des relations économiques par exemple), ou lorsque le taux de reconnaissance dans l'UE concernant les demandeurs du pays en question est supérieur à 20%. Ces exceptions permettraient donc d’exclure l’Ukraine des pays d’origine sûrs.

Il est important de souligner le fait que les États membres ne peuvent appliquer la notion de pays d'origine sûr que lorsque le demandeur ne peut fournir d'éléments justifiant que la situation évaluée comme sûre ne lui est pas applicable, dans le cadre d'une évaluation individuelle. La proposition indique en ce sens « qu’une attention particulière devrait être accordée aux demandeurs qui se trouvent dans une situation spécifique, tels que [(liste ouverte)] les personnes LGBTIQ, les victimes de violences fondées sur le genre, les défenseurs des droits de l'homme, les minorités religieuses et les journalistes ».

D’après la Commission, si les États membres conservent le droit d'appliquer ou d'introduire une législation permettant de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux désignés au niveau de l'Union, cette désignation commune devrait garantir que le concept est appliqué par tous les États membres de manière uniforme à l'égard des demandeurs dont les pays d'origine sont désignés comme sûrs au niveau de l'Union. De surcroît, cette proposition viserait « à avancer l'application de la procédure frontalière ou accélérée aux demandes des ressortissants de pays tiers pour lesquels la proportion de décisions prises au niveau de l'UE par les autorités responsables accordant une protection internationale est inférieure ou égale à 20 %. » [disposition du règlement « procédure »], ainsi qu’à « veiller à ce que les ressources consacrées à l'asile soient affectées en priorité aux cas de protection réelle ».

Il est à noter qu’en vertu du règlement « procédure », la Commission, assistée par l'agence de l’UE pour l’asile, a l'obligation de réexaminer la situation dans les pays tiers désignés comme pays d'origine sûrs au niveau de l'Union. En cas de changement significatif de la situation dans un des pays, la Commission est tenue de suspendre la désignation du pays en question pour une période de six mois. Les États membres ne pourront plus désigner ledit État comme sûr, sauf exceptions. La Commission devra alors, dans un délai de trois mois, présenter une proposition, conformément à la procédure législative ordinaire, visant à modifier la liste, afin de supprimer la désignation comme pays d'origine sûr au niveau de l'Union.

Pour le moment, la proposition est entre les mains des colégislateurs (Parlement européen et Conseil de l’UE), qui ont le pouvoir de l’amender. Ces derniers peuvent, par exemple, insérer des exceptions pour des catégories de personnes ou limiter la portée à une seule partie d’un territoire, comme permis par le règlement « procédure ». Ils ont aussi la possibilité de simplement rejeter la proposition.

Par ailleurs, cette proposition ne préjuge pas de la désignation future éventuelle d'autres pays comme pays d'origine sûrs.

Une liste de l’UE de « pays tiers sûrs » serait également en préparation (voir notre article sur le sujet de cette notion dans le pacte), liste qui amoindrirait davantage les garanties procédurales.