Il convient tout d’abord de distinguer, comme pour tout phénomène migratoire, les flux sur une période donnée et la présence à une date déterminée. Ces deux données, qui apportent un éclairage différent sur la situation, sont souvent confondues, tandis que des statistiques approximatives sur la présence des MNA pris en charge en fin d'année ont été largement relayées ces derniers mois.

L’ensemble de ces statistiques comportent une part d’incertitude constituée par la présence de MNA  qui ne sont pas identifiés et ne sont donc pas enregistrés dans le dispositif de protection de l’enfance. Certains étrangers peuvent par ailleurs voir la minorité qu’ils revendiquent être contestée, et ne sont donc pas considérés comme mineurs non accompagnés. Enfin, l’ensemble des chiffres cités ici concernent la France métropolitaine et ne doivent pas occulter la situation outre-mer et notamment à Mayotte, où le Défenseur des droits indiquait la présence de 3 000 mineurs non accompagnés en 2015.

Les arrivées de mineurs non accompagnés en France métropolitaine

La mise en place d’un mécanisme de répartition des mineurs non accompagnés dans l’ensemble des départements métropolitain depuis 2013 a entraîné la création d’une cellule dédiée au ministère de la Justice chargée de piloter le dispositif. Les rapports annuels qu’elle publie ainsi que les tableaux de suivi mis à jour régulièrement permettent de connaître le nombre de MNA ayant fait l’objet d’une décision judiciaire de placement auprès d’un service d’aide sociale à l’enfance (ASE), et portés à la connaissance de la cellule ministérielle. Une part d’imprécision peut venir du fait que certains magistrats prennent encore des décisions de placement sans l’indiquer à la cellule, en contradiction avec le cadre réglementaire en vigueur.

Le rapport d’activité 2017 de la cellule indique que 14 908 personnes reconnues mineures non accompagnées ont été portées à sa connaissance sur l’ensemble de l’année 2017, contre 8 054 l’année précédente (+ 85%).

Au 24 août 2018, la cellule ministérielle avait eu connaissance de 10 424 confiés par décisions judiciaires aux services départementaux d’aide sociale à l’enfance.

Ces chiffres portent sur les jeunes dont la minorité et l’isolement ont été reconnus au terme du parcours d’évaluation dédié à ce public (accueil provisoire d’urgence et évaluation par le conseil départemental sur une période de 5 jours, puis poursuite éventuelle de l’évaluation et décision de placement par l’autorité judiciaire). Un nombre plus important de jeunes a sollicité une protection, sans que celle-ci ne soit accordée. D’après un rapport de plusieurs services d’inspection et de l’Assemblée des départements de France (ADF) publié en en février 2018, 54 000 évaluations de la minorité et de l’isolement auraient été réalisées en 2017. Ce chiffre demeure approximatif, le rapport soulignant qu’il inclut des évaluations multiples pour les mêmes jeunes.

La présence de mineurs non accompagnés en France métropolitaine

Les arrivées sur une période donnée ne permettent pas de connaître le nombre de MNA pris en charge à un instant donné : certains jeunes arrivés dans le courant de l’année ou les années précédentes sortent régulièrement du dispositif de protection de l’enfance, notamment parce qu’ils atteignent la majorité.

Les départements sont tenus de communiquer au ministère de la Justice le nombre de MNA qu’ils prennent en charge à la fin de l’année, cette donnée étant notamment prise en compte pour le calcul de la clé de répartition. Ce chiffre ne fait cependant l’objet d’aucune communication officielle. Pour 2016, un rapport sénatorial publié en juin 2017 indiquait que 13 008 MNA étaient pris en charge par les départements au 31 décembre. Un arrêté du 23 juillet 2018 fixant le montant du financement exceptionnel de l'Etat pour la prise en charge des mineurs non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance  révèle que les département accueillaient 8 005 MNA en plus fin 2017, par rapport à fin 2016. Au 31/12/2017, il y aurait donc 21 013 MNA pris en charge en France métropolitaine.

Plusieurs biais statistiques peuvent cependant être relevés. D’une part, le ministère de la Justice ne peut vérifier la véracité des chiffres qui lui sont transmis par les départements. D’autre part, les textes réglementaires ne sont pas clair sur le fait de savoir si les départements doivent inclure dans ce chiffre l’ensemble des mineurs pris en charge au 31 décembre, y compris ceux mis à l’abri au titre de l’accueil provisoire d’urgence à cette date, ou seulement ceux confiés par une décision judiciaire. L’interprétation et donc les chiffres diffusés doivent ainsi varier d’un département à l’autre.  

En tout état de cause, l’absence de données officielles et fiables sur le sujet donne régulièrement lieu à des approximations regrettables. On a ainsi pu lire fréquemment que 25 000 MNA étaient pris en charge en France, une estimation fournie par le rapport sénatorial précité. Ce chiffre imprécis a été relayé de toutes parts : discours du Président de la République (janvier 2018), communication de l’Assemblée des départements de France (février 2018), rapports d’organisations nationales ou internationales, articles de médias nationaux et locaux etc.