Rétention administrative : un dispositif qui connaît toujours des atteintes aux droits fondamentaux des personnes
Après la publication il y a quelques mois de la première partie de leur rapport annuel 2021 sur la rétention administrative, les cinq associations assurant une mission d’aide à l’exercice des droits dans ces lieux de privation de liberté en publient ce 14 septembre 2022 la seconde partie, qui détaille l’activité de chaque centre.
Le communiqué commun publié le 17 mars 2022 par le Groupe SOS Solidarités - Assfam, Forum réfugiés, France terre d’asile, La Cimade et Solidarité Mayotte, soulignait un défaut de discernement constaté dans certaines décisions de placement en rétention, l’insuffisante protection de la santé des personnes retenues dans le contexte de la crise sanitaire, ou encore un allongement de la durée de rétention bien souvent inutile, dès lors que l’immense majorité des éloignements ont lieu au cours des trente premiers jours. Plus généralement, les associations constatent que « le primat de l’enfermement peut conduire au non-respect des droits des personnes ».
Le rapport complet (lien hyper texte à ajouter) publié le 14 septembre 2022 vient préciser l’analyse, qui repose sur les données de chacun des 23 centres de rétention administrative (CRA). Dans les CRA où Forum réfugiés remplit la mission d’aide à l’exercice effectif des droits, on retrouve l’incidence de plusieurs problématiques relevées à l’échelle nationale.
C’est ainsi qu’à Marseille, les placements de personnes atteintes de pathologies psychiatriques ont augmenté en 2021, parmi lesquelles certaines placées en rétention en raison de soupçons de radicalisation, sans nécessairement faire l’objet de poursuites pénales en ce sens. À Nice, la non prise en compte de demandes d’asile formulées au CRA a conduit le tribunal administratif à sanctionner l’administration à plusieurs reprises. À Nîmes, le manque récurrent d’effectifs de police a compliqué l’exercice de la mission de l’association, tandis que des difficultés de notification des ordonnances du juge des libertés et de la détention ont affecté négativement les droits des personnes retenues. À Perpignan, la direction du CRA a interdit à l’association l’accès à la zone de vie tout au long de l’année pour des motifs « sécuritaires et sanitaires », empêchant les salariés de vérifier la réalité des conditions matérielles de rétention. À Sète, les conditions matérielles de rétention se sont améliorées, mais le juge des libertés et de la détention a été amené à annuler de nombreux placements qu’une meilleure prise en compte de la situation des personnes de la part des services en charge de l’éloignement aurait permis d’éviter. À Lyon, la réouverture annoncée en 2023 de l’ancien centre de 140 places, à côté de celui ouvert en janvier de cette année d’une capacité identique, pourrait amplifier des difficultés déjà constatées, comme par exemple certains placements en rétention qui ont paru inspirés par la volonté de surveiller plus que d’éloigner.
Les annonces portant sur le contenu d’une nouvelle loi relative à l’immigration, qui serait présentée d’ici la fin de l’année, laissent présager de nouvelles restrictions apportées aux droits des étrangers dans le cadre des procédures d’éloignement, et entretiennent une confusion sur le rôle de la rétention, laquelle ne devrait constituer qu’une mesure de dernier ressort lorsqu’il existe des perspectives d’éloignement. En l’absence de réelles perspectives, les placements relevant de situations concernant l’ordre public compliquent le mandat de l’ensemble des acteurs présents en CRA, sans pour autant améliorer l’efficacité des éloignements, laquelle repose principalement sur la délivrance des laissez-passer consulaires, qui ne relève pas du cadre législatif.
Forum réfugiés rappelle la nécessité de développer les alternatives à la rétention, l’enfermement ne garantissant ni une meilleure exécution des mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière, ni l’effectivité des droits dans les procédures d’éloignement.
L’association poursuit au quotidien, grâce à ses équipes d’intervenants juridiques, sa mission d’aide à l’exercice des droits fondamentaux des personnes retenues, dans le cadre des garanties apportées par l’état de droit et d’un dialogue vigilant, ouvert et transparent.