Asile : les Nations unies soulignent plusieurs défaillances du système français
Le 2 mai 2025, le Comité contre la torture des Nations unies a publié ses observations finales sur le respect, par la France, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il dénonce notamment des obstacles pour accéder à la demande d’asile aux frontières, les insuffisances du dispositif national d’accueil ou encore le régime d’exception à Mayotte.
Composé de dix experts indépendants, le Comité contre la torture des Nations unies est chargé de surveiller régulièrement l’application et le respect de la Convention par les pays signataires. En principe, chaque État partie est soumis à une évaluation quadriennale dans le cadre duquel il soumet d’abord un rapport périodique sur sa législation et sa pratique au regard de la Convention. À partir de cet élément, et à la lumière d’avis complémentaires et indépendants, le Comité effectue une analyse de conformité puis émet des observations finales.
Les 16 et 17 avril 2025, le Comité contre la torture des Nations Unies a procédé à l’examen de la France qui avait documenté la situation nationale en soumettant quelques années auparavant son 8ème rapport périodique. En amont de cette évaluation, Forum réfugiés avait également soumis un rapport alternatif auprès du Comité afin d’attirer son attention sur certains aspects des procédures d’asile et d’éloignement pouvant mener à un renvoi vers des situations de torture ou de traitements inhumains. Aux côtés d’autres organisations ayant aussi soumis des rapports alternatifs, elle a ensuite échangé oralement avec les membres du Comité lors d’une réunion qui s’est tenue à Genève le 15 avril 2025.
Dans les observations finales du Comité publiées le 2 mai 2025, les experts ont soulevé plusieurs défaillances du système d’asile français et ont appelé les autorités à agir pour y remédier.
Le Comité se dit tout d’abord préoccupé par la pratique de refoulement des migrants et demandeurs d’asile, y compris des mineurs non accompagnés, à la frontière franco-italienne, ainsi que par le refus d’accès à la procédure d’asile par les autorités présentes sur place. Il remarque que les migrants sont renvoyés « de force de façon expéditive » sans que les risques de torture ou traitements inhumains dans leur pays d’origine soient évalués et que le droit d’asile soit appliqué. Les violences policières à la frontière franco-britannique sont également dénoncées dans le document, renvoyant implicitement aux situations tendues dans les campements à Calais. Le Comité s’inquiète de ces mauvais traitements et demande à la France d’y mettre fin. Il en va de même pour les violences à la frontière italienne.
Le collège d’experts a ensuite porté son attention sur les conditions d’hébergement dans le cadre du dispositif national d’accueil (DNA). Il évoque des « insuffisances », des « difficultés pour accéder à des lieux d’hébergement » et des « conditions matérielles inadéquates ». Il convient alors, selon le Comité, d’intensifier les efforts français en vue de garantir des lieux d’hébergement convenable et des conditions dignes.
En ce qui concerne les outre-mer, le régime dérogatoire à Mayotte en matière d’asile et d’immigration est vivement dénoncé. Le Comité insiste notamment sur les recours sans effets suspensifs ayant pu conduire à l’expulsion de migrants et demandeurs d’asile avant même d’avoir bénéficié d’un « accès effectif au droit d’asile ». Il recommande donc de mettre fin à l’application du régime d’exception à Mayotte, au profit de celui appliqué sur le reste du territoire français.
Enfin, dans le cadre de la procédure nationale de demande d’asile, les experts relèvent certaines lacunes. Ils mettent notamment en avant le délai trop bref de la procédure accélérée appliquée aux frontières, qui ne permet pas aux demandeurs une préparation de qualité et qui entrave l’évaluation des risques de tortures ou de mauvais traitements en cas de renvoi à la suite d’un rejet. Des inquiétudes sont aussi portées sur la phase d’appel auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). La généralisation du juge unique permise par la loi du 26 janvier 2024 implique un délai de traitement plus court, et donc des garanties procédurales et une préparation limitée pour le demandeur d’asile. Ainsi, le Comité demande aux législateurs français d’abroger les dispositions qui permettent le recours à la procédure accélérée aux frontières et au juge unique, par principe, à la CNDA.
La France, comme d'autres États, a donc été rappelée à l'ordre par le Comité sur certaines de ses pratiques en matière de droit d’asile, jugées non conformes à la Convention contre la torture. Bien que le Comité ait formulé plusieurs recommandations visant à aligner la France sur les normes du droit international, ces dernières ne revêtent pas de caractère contraignant, la Convention reposant essentiellement sur l’application volontaire des États signataires, sans mécanisme d'obligation juridique directe. Néanmoins, les observations du Comité offrent un appui supplémentaire aux constats déjà formulés par plusieurs acteurs du droit d’asile. Par ailleurs, la perspective d’une nouvelle évaluation dans quatre ans pourrait inciter les autorités françaises à prendre des mesures concrètes, afin de démontrer leur volonté de progrès sur ces enjeux essentiels.