Pendant les six prochains mois, la France aura pour rôle d’assurer l’organisation et la coordination des réunions des ministres de l’UE afin de faire avancer les différents dossiers législatifs et d’atteindre des positions communes entre les différents États membres. Il est important de rappeler que la présidence tournante d’un Etat s’intègre dans un programme de trio regroupant les trois Etats membres qui se succéderont pendant 18 mois afin d’assurer une cohérence entre les différentes présidences. Ainsi, la France, la République tchèque et la Suède se sont accordés sur un programme commun qui définit les priorités des trois pays. En matière de migration, le programme souligne que « le trio fera avancer les travaux consacrés au Pacte sur la migration et l’asile », notamment sur la dimension intérieure où « un accord fondé sur un équilibre entre responsabilité et solidarité est nécessaire ». Les trois Etats affirment également leur soutien aux efforts visant à éviter les pertes de vies humaines et à assurer une protection internationale à ceux qui en ont besoin. La coopération avec les pays d’origine et de transit devra également être approfondie pour lutter contre la migration illégale, la traite des êtres humains et assurer une mise en œuvre des accords et des arrangements de réadmission. 

Pour la présidence française, cinq axes de travail ont été présentés : une Europe plus souveraine, verte, numérique, social et humaine. Les enjeux de migration et d’asile apparaissent en particulier dans l’axe relatif à la souveraineté avec la réforme de l’espace Schengen. Le président français a souligné l’importance de maîtriser et de protéger les frontières face au défi migratoire et aux « guerres hybrides » auxquelles l’UE a été confrontée ces derniers mois aux frontières avec la Biélorussie ou encore dans la Manche, et pour éviter le « dévoiement » du droit d’asile. À ce titre, la Commission européenne a publié le 14 décembre ses propositions afin de réformer le code frontières Schengen et mettre en place un nouveau règlement visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et l’asile. Ses propositions visent à renforcer la gouvernance de l’espace Schengen à travers une limitation des mesures de réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, de nouveaux outils de gestion des frontières extérieures en cas de crise santé publique mais aussi face à « l’instrumentalisation des migrants ». Parmi les mesures prévues dans la réforme du code frontières Schengen, les États pourront par exemple limiter le nombre de points de passage frontaliers et intensifier la surveillance des frontières. Par ailleurs, le nouveau règlement incluent des mesures supplémentaires qui impactent l’accès au droit d’asile. Tout en garantissant un accès effectif à la procédure d’asile, la Commission souhaite donner la possibilité aux États de prolonger le délai d’enregistrement des demandes d’asile jusqu’à 4 semaines et d’examiner toutes les demandes d’asile à la frontière (sauf les cas médicaux). L’accès des organisations humanitaires devra être garanti et une procédure d’urgence pour gérer les retours pourra être mise en place. Les propositions de la Commission européenne doivent maintenant être étudiées et débattues par les co-législateurs européens, le Conseil de l’UE et le Parlement européen. La France devra initier l’organisation et la coordination des discussions entre les États membres sur ces réformes.

Dans l’axe relatif à une Europe plus souveraine, la France indique qu’elle souhaite organiser un sommet entre l’UE et l’Union africaine les 17 et 18 février 2022. À l’agenda, seront discutés l’avenir de la jeunesse africaine, les décès en mer Méditerranée, et les échanges entre sociétés civiles et jeunesse. Les Balkans occidentaux seront également au cœur d’une conférence en juin où l’enjeu migratoire sera probablement abordé compte tenu de la route migratoire existante dans cette région. Par ailleurs, sur la dimension extérieure, la présidence prévoit l’organisation d’une réunion de hauts fonctionnaires et d’experts le 10 mars 2022 visant à favoriser le renforcement de la politique européenne matière de coopération avec les pays tiers d’origine et de transit.

Sur le Pacte européen, si le programme du trio souligne la nécessité d’atteindre un accord, les objectifs annoncés de la présidence française sont moins ambitieux sur ce dossier. Seul le règlement sur l’Agence européenne pour l’asile a été partiellement adopté. Les négociations sur les autres textes avancent au ralenti. Selon le discours d’Emmanuel Macron, la présidence souhaite harmoniser les règles européennes pour éviter les mouvements secondaires. Le règlement filtrage pourrait notamment être un des dossiers prioritaires de la France qui voit en ce règlement un outil pour renforcer les contrôles aux frontières et une garantie au mécanisme de solidarité. Cependant les négociations en cours sur ce règlement au sein du Conseil de l’UE tendent à restreindre l’accès aux droits fondamentaux pour les personnes souhaitant déposer une demande d’asile, et à réduire les garanties procédurales a minima. Les voies légales d’accès pourraient être un autre objectif de la présidence alors que les Etats membres se sont engagés auprès de la Commission à accueillir 40 000 réfugiés afghans par le biais des programmes de réinstallation. Ce sujet sera également abordé lors du sommet UE-UA en février où Emmanuel Macron a annoncé souhaiter « offrir à la jeunesse africaine des opportunités en Europe ». La présidence française devra également composer avec la campagne présidentielle qui se tiendra en France au premier semestre 2022, hasard de calendrier qui ne devra pas empêcher la France de jouer un rôle clé dans le développement d’une politique européenne d’asile à la hauteur des enjeux et des besoins.

 

Photo d'illustration : ©Ghislain Mariette / Présidence de la République