Une année marquée par une utilisation abusive des centres de rétention administrative et par la réduction des droits des personnes enfermées
Alors que la loi Asile-immigration du 26 janvier 2024 risque d’augmenter le recours à la rétention, La Cimade, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, France terre d’asile, Forum réfugiés et Solidarité Mayotte alertent, dans leur rapport annuel, sur le recours fréquemment abusif à l’enfermement, sur le manque de prise en compte des besoins des personnes et notamment de leur état de santé, et sur les cas de non-respect du cadre légal des expulsions.
En 2023, près de 47 000 personnes ont été enfermées dans les centres de rétention administrative de l’Hexagone et d’Outre-mer, un chiffre en augmentation depuis plusieurs années. Une tendance s’est confirmée : l’utilisation détournée et disproportionnée de ces lieux à des fins sécuritaires. La notion de menace pour l’ordre public est en effet plus fréquemment utilisée pour enfermer alors même qu’elle est peu encadrée juridiquement. Des personnes font ainsi l’objet de décisions d’éloignement et sont enfermées en raison de suspicions ou de faits pour lesquels elles n’ont pas été condamnées.
L’année 2023 est aussi marquée par un tournant important en matière de non-respect du cadre légal de l’enfermement et des expulsions. Des préfectures ont ainsi procédé à des éloignements en toute illégalité, alors que le juge administratif n’avait pas encore rendu sa décision, que la demande d’asile des personnes était en cours, ou que la Cour européenne des droits de l’homme avait suspendu le processus.
De plus, nos associations alertent sur le danger que représentent les conditions d’enfermement pour la santé physique et mentale des personnes retenues. Les centres étant de plus en plus cloisonnés, y faire valoir ses droits devient plus difficile. Nos associations rencontrent par ailleurs un nombre croissant de personnes vulnérables souffrant de lourdes pathologies ou d’addictions non prises en charge, pour lesquelles l’enfermement en CRA, pourtant jugé incompatible par le corps médical, est maintenu.
En Outre-Mer, notamment à Mayotte qui concentre la majorité des enfermements, l’administration peut retenir et éloigner massivement les personnes étrangères grâce à un régime dérogatoire qui n’offre que peu de garanties. Ainsi, 84% des personnes enfermées ont été éloignées, bien souvent sans avoir eu la possibilité d’être entendues par un juge.
Ces pratiques, que nous voyons émerger depuis plusieurs années, risquent de s’accentuer avec la loi Asile-immigration du 26 janvier 2024, qui a encore assoupli les modalités de placements et de maintien en rétention, qui permet un contournement du juge judiciaire, supprime les protections contre l’éloignement des personnes disposant de liens familiaux intenses et anciens en France, et permet l’éloignement de demandeurs d’asile.
Nous appelons le gouvernement à prendre en compte nos observations, documentées et chiffrées, et à mettre un terme à une politique qui génère de nombreux cas d’enfermement abusif et disproportionné.