Le rôle clé de l'interprétariat dans la procédure d'asile
Le droit à bénéficier d'un interprète est indispensable pour permettre la bonne expression des craintes en cas de retour et l'examen des besoins de protection. Alors que cette garantie n'est pas assurée à toutes les étapes de la procédure, l'OFPRA a publié mi-novembre une "charte de l'interprétariat" qui rappelle plusieurs exigences nécessaires au bon déroulement des entretiens avec des interprètes.
L’expression des craintes en cas de retour pour obtenir une protection au titre de l’asile peut s’avérer complexe pour les demandeurs d’asile lorsqu’ils entament une procédure auprès des autorités françaises. Au regard des enjeux majeurs qui entourent cette démarche, il est indispensable qu’ils puissent s’exprimer dans leur langue natale ou dans une langue qu’ils maîtrisent parfaitement. Le droit à bénéficier d’un interprète varie cependant selon les étapes de la procédure.
Lorsqu’ils se présentent en préfecture pour l’enregistrement de leur demande d’asile, les demandeurs d’asile ne bénéficient pas d’un interprète pour effectuer les démarches requises à cette étape (réponses aux questions sur l’arrivée en France, vérification des éléments d’état civil, etc.). Un document d’information sur la procédure d’asile et les conditions d’accueil est cependant remis au demandeur, « dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser [qu’il] la comprend ». Aucun interprète n’est présent par ailleurs lors de l’entretien avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) visant à déterminer les conditions d’accueil qui peuvent être accordées pendant la procédure.
Les demandeurs pour laquelle la France estime qu’elle n’est pas responsable de leur demande au titre du règlement européen Dublin, doivent se voir remettre une brochure d’information dans une langue qu’ils comprennent, et être reçus en entretien individuel. Le règlement Dublin indique que cet entretien, dont l’objet est de permettre au demandeur de comprendre les informations fournies, doit être mené « dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer », si nécessaire en ayant recours à un interprète (article 5-4).
Les demandeurs admis à présenter une demande d’asile en France se voient remettre en préfecture un formulaire de demande d’asile qui doit être envoyé à l’OFPRA, dans un délai de 21 jours. Cette première étape permettant d’indiquer les raisons justifiant la demande de protection doit être effectuée en français. La majorité des demandeurs d’asile n’étant pas orienté vers un hébergement à ce stade, ils peuvent bénéficier d’un accompagnement au sein d’une plate-forme d’accueil pour demandeurs d’asile (PADA) où le recours à des interprètes est possible. En pratique cependant, le délai restreint et la charge de travail importante dans les PADA peuvent compliquer la mise en œuvre de cette garantie.
Jusqu’alors, les demandeurs d’asile indiquaient la langue dans laquelle ils souhaitaient être entendu par l’OFPRA dans ce formulaire de demande d’asile. Pour les demandes déposées à partir du 1er janvier 2019, ils devront indiquer cette préférence dès l’enregistrement de la demande en préfecture et ce choix sera opposable pendant toute la durée de la procédure. Afin que cette disposition n’affaiblisse pas le droit à l’interprétariat et rende donc plus difficile l’expression des craintes en cas de retour, il sera nécessaire que les préfectures informent clairement – en français ? - les demandeurs de l’importance de leur choix.
L’interprétariat revêt en effet une importance toute particulière lors l’entretien à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui constitue l’étape la plus importante de la procédure d’asile. Bien que prévue par la loi, la mise en œuvre de cette garantie suppose une attention particulière de l’Office sur la qualité de l’interprétariat et l’indépendance des personnes assurant ces missions vis-à-vis des autorités des pays d’origine. Les interprètes jouent en effet un rôle déterminant dans la communication lors de l’entretien, et la restitution des propos du demandeur d’asile comme des questions de l’officier de protection repose sur eux. Afin d’améliorer cette prestation, l’OFPRA a publié le 12 novembre une « Charte de l’interprétariat ». Celle-ci pose certaines exigences envers les prestataires de l’OFPRA concernant le recrutement des interprètes, leurs compétences et l’adéquation du choix de l’interprète aux besoins de l’entretien. Une partie importante de la Chartre indique les prescriptions générales relatives à l’entretien ainsi que le rôle de l’interprète au cours de celui-ci. Il est ainsi précisé que l’interprète ne peut discuter avec le demandeur en aparté hors de la présence de l’officier de protection, qu’il n’est pas habilité à commenter le questionnement de l’officier de protection ou l’attitude du demandeur, ou encore qu’il est tenu de détruire les notes qu’il aurait prise en présence de l’officier de protection à l’issue de l’audition. Une partie sur la déontologie rappelle enfin que les interprètes doivent rester neutres et qu’ils « n’entretiennent pas de liens directs ou indirects, ni avec les autorités d’un Etat d’origine de la demande d’asile, ni avec les demandeurs d’asile ou personnes protégées pour lesquels ils sont appelés à traduire, ni avec les agents de l’Office ».
Pour les demandeurs d’asile qui forment un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), un interprète est également présent lors de l’audience. Bien qu’il n’existe pas de lignes directrices à ce sujet émanant de la Cour, les exigences posées par l’OFPRA sont également nécessaire à ce stade pour assurer une procédure d’asile juste et équitable permettant d’identifier au mieux les besoins de protection.