Le parcours de chaque personne apatride est différent, mais beaucoup se heurtent à des problèmes spécifiques car elles sont apatrides. Les apatrides sont marginalisés, victimes de discrimination et exposés à des violations du droit international des droits de l’homme. Ils se voient refuser leurs droits fondamentaux, comme le droit d’aller à l’école, de travailler, de se marier, de déclarer la naissance d’un enfant ; plus largement, le droit à une existence légale.

Marginalisation des minorités

Les minorités sont particulièrement exposées au risque d’apatridie, représentant deux tiers des populations apatrides du monde. En Europe, plusieurs milliers de Roms sont impactés de manière disproportionnée par l’apatridie, exacerbée par un anti-tsiganisme profondément enraciné. Sans certificat de naissance ou tout autre document d’identification pour affirmer leur nationalité, les personnes rencontrent des difficultés pour accéder à leurs droits tels que l’éducation, les soins de santé, l’emploi et le logement. Leurs droits de citoyens sont également profondément impactés et ils sont confrontés à de nombreux obstacles pour accéder à la justice.

Les systèmes administratifs complexes sont un obstacle majeur à l’obtention de documents. Lorsque les barrières juridiques techniques et l’anti-tsiganisme se combinent, ces systèmes deviennent presque impossibles à appréhender sans aide juridique, ce qui sous-tend et renforce le risque d’apatridie.

Des centaines de milliers de personnes parmi les populations russophones des États baltes, en particulier en Estonie et en Lettonie, sont devenues apatrides après l’éclatement de l’Union soviétique. Exclus de la citoyenneté, ils bénéficient de certains droits et de la résidence légale, mais ne sont pas considérés comme des ressortissants et ne jouissent donc pas de droits politiques, ne peuvent pas travailler dans certaines professions et ne bénéficient pas de la citoyenneté de l’UE.

Accès à la santé

Bien que le Comité des droits économiques et sociaux de l’ONU ait affirmé que le droit à la santé est « indispensable à l'exercice des autres droits » et s'applique universellement à tout être humain sans distinction de race, de religion ou d'autres critères, y compris le statut juridique, l'exercice du droit à la santé des apatrides varie considérablement d'un pays à l'autre en raison de l’absence de cadre juridique permettant de résoudre l’apatridie.

Les personnes apatrides reconnues comme tel ou les apatrides bénéficiant de la protection internationale ou d’une résidence permanente sont généralement autorisés à accéder aux soins de santé au même titre que les nationaux.

Cependant, les personnes bénéficiant d'un séjour temporaire, ou d'une forme de séjour « toléré » ou en situation irrégulière, sont souvent confrontées à d’importantes difficultés pour accéder aux soins de santé. Enfin, les populations in situ touchées par l'apatridie, qui n'ont pas de documents d'identité et/ou de statut légal, sont également confrontées à des difficultés dans l'accès aux soins de santé.

Droit des enfants

La Convention relative aux droits de l’enfant oblige tous les États européens à respecter le droit de chaque enfant d’acquérir une nationalité. Pourtant, l’apatridie chez les enfants persiste. En 2017, plus de 2 000 enfants enregistrés comme apatrides ont fait une demande d’asile en Europe, soit quatre fois plus qu’en 2010.

Ne pas avoir de nationalité peut rendre difficile l’accès des enfants à certains des droits les plus fondamentaux, tels que l’enregistrement des naissances, l’éducation, les soins de santé, la sécurité sociale et le logement. Lorsqu’ils sont plus âgés, beaucoup ont du mal à accéder à des possibilités d’emploi et de subsistance. Les enfants apatrides migrants peuvent également être particulièrement exposés au risque de rétention. Il est plus difficile de protéger les enfants contre les abus et l’exploitation tels que la traite, le travail des enfants et le mariage précoce et infantile s’ils sont apatrides et n’ont pas de documents d’identité.

Quelles que soient les circonstances dans lesquelles l’apatride infantile survient, la grande majorité des enfants touchés sont apatrides depuis leur naissance. Ils n’ont jamais connu la protection ou le sentiment d’appartenance qui accompagne une nationalité.

Accès à la protection internationale

L’accès à la protection peut être difficile pour les personnes apatrides à cause de leur marginalisation et de l’absence de documents d’identité. À leur arrivée en Europe, les réfugiés apatrides se voient souvent assigner une nationalité erronée par les autorités, ou sont enregistrés sous une « nationalité inconnue », ce qui peut poser des problèmes dans la procédure. Le manque de données précises dissimule également l’ampleur du problème. La nationalité peut déterminer le type de procédure d’asile appliquée. Des doutes sur la nationalité ou le manque de connaissances sur le traitement des apatrides dans leur pays d’origine peuvent également impacter la prise de décision. La faible sensibilisation des professionnels à l’apatridie ne permet pas d’assurer un soutien adapté aux demandeurs d’asile apatrides en attente d’une décision ou lorsqu’ils tentent de reconstruire leur vie dans un nouveau pays.

Le manque de preuves sur les liens familiaux crée également des barrières pour accéder à la réunification familiale et à la naturalisation, ce qui est aggravé par des critères d’éligibilité très strictes.

Apatridie et rétention

Les apatrides font parfois face à de longues périodes de rétentions répétées et prolongées. Sans document d’identité et reconnus par aucun État comme leurs ressortissants nationaux, ils ne peuvent être éloignés par les autorités nationales, bloqués dans un vide juridique et administratif. La vulnérabilité associée à la situation d’apatridie est largement ignorée des autorités. Ainsi, sans le développement de procédures d’identification et de protection des apatrides, les États échouent à prévenir la rétention arbitraire de ces personnes.