Le nord du Mozambique, cible des djihadistes
Les populations de la région de Cabo Delgado sont prises au piège entre le groupe djihadiste Al Shabaab, les forces de sécurité mozambicaines et une milice privée qui combat aux côtés du gouvernement. Tous trois commettent des crimes de guerre, causant la mort de centaines de civils et l’exil de centaines de milliers de personnes en grande vulnérabilité.
La région de Cabo Delgado dans le Nord-Est du Mozambique est une province pauvre, isolée, à majorité musulmane. En 2011, des gisements de gaz ont été découvertes au large de ses côtes, attirant des grandes compagnies internationales. C'est dans cette province que les groupes armés islamistes ont lancé une insurrection en 2017 et depuis, c'est l'escalade de violences. Les combattants islamistes d’Al-Sunna wa Jama'a (ASWJ), également appelés Al Shabaab (qui ne sont pas liés à Al Shabaab en Somalie) mènent des attaques contre des civils et des institutions du gouvernement. Les forces armées mozambicaines ripostent et les populations civiles sont prises au piège. Ce conflit armé a entraîné de sévères violations des droits humains, l’interruption des services essentiels et de graves répercussions sur les civils. Selon une enquête d’Amnesty International publié le 2 mars 2021, les terroristes ont incendié des villages et des villes, et se sont livrés à des actes odieux à coups de machettes, de nombreuses décapitations et profanations de cadavres. En mars 2020, ils ont mené une attaque majeure dans le district de Mocímboa da Praia. Selon Amnesty International, les forces gouvernementales ont aussi mené des attaques brutales contre des civils accusés de collaborer avec Al Shabaab ou de les soutenir. L’armée et la police ont commis des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture et de mauvais traitements.
Les forces de sécurité ayant perdu plusieurs affrontements avec Al Shabaab, le gouvernement a embauché une société militaire privée sud-africaine, Dyck Advisory Group (DAG), pour combattre à leurs côtés avec des hélicoptères. Des agents du Dyck Advisory Group ont tiré à coups de mitrailleuses depuis les hélicoptères et largué des grenades sans discernement sur les foules. Ils ont tiré à maintes reprises sur des infrastructures civiles, dont des hôpitaux, des écoles et des habitations. Selon l’Armed Conflict Location and Event Data Project (Base de données sur le lieu et le déroulement des conflits armés – ACLED), plus de 1 300 civils ont été tués durant le conflit.
Selon un communiqué du 30 avril 2021 du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le conflit au nord du Mozambique a déplacé plus de 700 000 personnes dans les provinces de Cabo Delgado, Nampula, Niassa, Sofala et Zambezia, depuis 2017. Récemment, près 30 000 personnes ont dû quitter précipitamment la ville côtière de Palma après une attaque commise par des groupes armés le 24 mars 2021.
Les personnes fuient à pied, démunies, sans affaire personnelles ou papiers d’identité. Elles sont pour la plupart accueillies chez des proches, dans les régions voisines, le gouvernement étant dans l’incapacité de protéger ces personnes.
Nombreux sont ceux également qui ne peuvent pas quitter leurs villages. Certains sont privés d'électricité depuis des mois. Les bâtiments administratifs, les écoles et les centres de santé sont fermés. Tout déplacement pour récolter ou cultiver est un tel risque que peu l’entreprennent. Les familles sont séparées, les femmes et les enfants, isolés et vulnérables, sont menacés d’enlèvement, de recrutement, de détention, de viol et de mariage forcé avec des combattants d’Al Shabaab.
Dans un communiqué du 18 mai 2021, le HCR explique avoir reçu « des informations inquiétantes - y compris des témoignages directs - selon lesquelles plusieurs milliers de Mozambicains ont été refoulés de Tanzanie vers le nord du Mozambique depuis l'année dernière ».
Photo d'illustration : © UNHCR/Martim Gray Pereira