Crise politique et terrorisme en Somalie
La Somalie traverse depuis le printemps 2021 une grave crise politique, qui s’ajoute à un important défi sécuritaire auquel le pays fait face depuis plusieurs années : le terrorisme mené par le groupe Al-Shabaab qui étend son influence sur des larges territoires. Par ailleurs et de façon moins visible, d’autres groupes armés et facteurs de déstabilisation menacent aussi la sécurité des populations.
En avril 2021, la prolongation pour deux ans du mandat du président Mohamed Abdullahi Mohamed, dit Farmaajo, qui avait expiré le 8 février, a provoqué de fortes tensions au sommet de l’État somalien ainsi que de violents affrontements à Mogadiscio. En mai, Farmaajo charge son Premier ministre d’organiser les élections parlementaires puis présidentielles (selon la Constitution somalienne, le président est élu par les parlementaires, or, celles-ci n’avaient pas été organisées avant la fin du mandat de Farmaajo). En octobre 2021, les élections n’ont toujours pas eu lieu. Les causes avancées : la complexité du découpage administratif et du système électoral (qui repose sur des délégués de chaque clans et sous-clans) et l’accumulation de divers « problèmes techniques ». Les tensions entre le président et son Premier ministre sont à leur apogée, attisant les oppositions entre leurs partisans respectifs qui se traduisent par des violences dans la rue.
Les dissensions au sein de l’exécutif menacent la stabilité du pays mais surtout retardent et limitent les capacités de lutte contre le terrorisme qui sévit dans le pays. Le groupe Al-Shabaab, très actif depuis 2006-2007, continue de mener des attaques contre des soldats des forces armées somaliennes, de l’Union africaine, mais également contre les civils.
Le gouvernement de Mogadiscio ne contrôle qu'une faible portion du territoire, avec l'aide de la force de l'Union africaine, l'Amisom (environ 20 000 soldats). Les Shebabs (ou Al-Shabaab), affiliés à Al-Qaïda, contrôlent de vastes étendues de territoire du Centre et du Sud de la Somalie. Leur objectif est d’installer un État islamique en Somalie. Selon certains commentateurs dans la presse, la crise au sommet de l’Etat leur offre l’occasion d’étendre leur influence. En septembre dernier, ils ont diffusé des vidéos dénonçant le chaos politique et une élite au pouvoir « avide et incompétente », soutenue par l’Occident. Ils profitent également des divisions dans les forces armées nationales.
Les civils sont à la fois des cibles intentionnelles et des « dommages collatéraux » d’attaques à la bombe. Un rapport de l’agence européenne d’appui en matière d’asile (EASO) sur la situation sécuritaire en Somalie, daté de septembre 2021, indique qu’il y aurait eu 2 276 attaques attribuées au groupe Al-Shabaab, entraînant 2 278 décès, entre janvier 2020 et juin 2021 (selon les données de l’organisation Armed Conflict Location and Event Data Project - ACLED qui ne distingue pas les décès de civils des non-civils).
Le groupe Al-Shabaab est la source d'insécurité la plus visible et la plus dangereuse en Somalie mais il existe d’autres facteurs de violences et de déstabilisation du pays : d’autres groupes terroristes, comme l’État islamique basé dans la région du Puntland, les rivalités entre les clans et les milices claniques armées, les disputes de territoires dans le Somaliland et la Puntland, une grande criminalité dans tout le pays et les violences issues de oppositions politiques.
Selon EASO, plus de 1,1 million de personnes vivent dans des zones touchées par les conflits, principalement les zones rurales du Sud et du Centre de la Somalie. Ces communautés, exposées à l’insécurité, aux attaques aveugles, mais également aux pratiques d’extorsions par les groupes armés anti-gouvernementaux et gouvernementaux, sont aussi particulièrement vulnérables aux risques d’insécurité alimentaire, de malnutrition, d’épidémies, au manque de soins et de services. Selon UNOCHA, le nombre total de personnes dans le besoin a augmenté ces dernières années, passant de 4,2 millions en 2019, à 5,2 millions en 2020, jusqu’à environ 5,9 millions en 2021. Certaines personnes parviennent à fuir. Fin 2020, plus de 2,6 millions de personnes étaient déplacées à l'intérieur de la Somalie. Les camps de déplacés internes, souvent en périphérie des grandes villes, sont sur des sites informels, privés, sans organisation officielle et surpeuplés. Selon l’EASO, les déplacés font face à « de graves risques de marginalisation, d'expulsion forcée et d'exclusion ». À la fin de l’année 2020, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recensait par ailleurs 0,8 millions de Somaliens réfugiés hors du pays.
Dans un communiqué daté du 7 octobre 2021, le Conseil de Paix et de Sécurité de l'UA, « gravement préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire en Somalie, qui a vu une résurgence inquiétante des activités d'Al Shabaab et d'autres groupes d'insurgés dans de vastes régions du pays », dit vouloir transformer l'Amisom en une mission conjointe avec l'ONU, qui permettra à « d'autres membres de l'UA volontaires et intéressés » de rejoindre les opérations.
Photo d'illustration : UN Photo/Tobin Jones