Pacte sur la migration et l’asile : la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne peut-elle faire aboutir les négociations ?
Depuis le début du mois de juillet 2023, l’Espagne préside; pour 6 mois, le Conseil de l’UE, avec comme objectif d’avancer sur le Pacte sur la migration et l’asile, afin qu’il soit adopté avant février 2024 et la fin de la législature du Parlement européen. Les élections générales espagnoles et les divergences entre le Conseil et le Parlement pourraient toutefois remettre en cause ce calendrier.
Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a récemment présenté le programme de la présidence espagnole du Conseil. Il a simplement été indiqué que la présidence souhaite « avancer sur les débats comme le Pacte sur la migration et l’asile », alors que ce sujet avait précédemment été présenté comme une priorité. Le manque de précision est sans doute lié à l’approche des élections européennes et aux élections générales espagnoles convoquées pour le 23 juillet, qui pourraient mener à un changement de gouvernement.
Le pays ayant un régime parlementaire à la proportionnelle, il est possible qu’aucune majorité ne se dégage et que de nouvelles élections soient convoquées si les partis ne s’accordent pas pour former un gouvernement. Le gouvernement sortant serait alors en intérim et ne pourrait gérer que les affaires administratives ordinaires. Les négociations du Pacte pourraient se voir fortement impactées dans la mesure où l’Etat membre présidant le Conseil a la tâche de proposer et de recueillir des amendements formulées par les États sur les propositions de la Commission, ainsi que de rédiger les documents de travail et présider les réunions des groupes de travail et les réunions de haut niveau (COREPER II : réunion d’ambassadeurs ; Conseil Justice et affaires intérieures : réunion des ministres ; et Conseil européen : réunion des chefs d’Etats et de gouvernements).
A ces difficultés, s’ajoutent les désaccords entre Institutions et entre Etats membres.
La proposition de règlement « filtrage », qui vise à identifier les demandeurs d’asile parmi les migrants, est actuellement en phase de trilogues, c’est-à-dire de négociations informelles entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Alors que le Conseil approuve la proposition de la Commission de refuser l’entrer sur le territoire pendant le filtrage, le Parlement plaide pour la suppression de ladite mesure.
La proposition de règlement « gestion », qui détermine l’État responsable de la demande d’asile, devrait prochainement entrer en phase de trilogues. Le 8 juin 2023, le Conseil est parvenu à s’accorder, à la majorité qualifiée, sur une position, bien que la Pologne et la Hongrie refusent l’idée d’un mécanisme de solidarité obligatoire les obligeant à relocaliser des demandeurs ou à payer une contribution financière. Désormais, le Conseil doit négocier avec le Parlement. L’un des points de divergence est, par exemple, l’ajout de la prise en compte de la présence d’un frère ou d’une sœur dans un État membre dans les critères de détermination de la responsabilité de l’examen de la demande d’asile. Le Parlement est pour, tandis que le Conseil rejette la disposition.
La proposition de règlement « procédure », qui, comme son nom l’indique, a pour objectif d’établir une procédure d’asile unique dans l’UE, devrait elle aussi entrer en phase de trilogues. La position du Conseil date également du 8 juin 2023, et est en contradiction avec la position du Parlement sur un certain nombre de points, dont la procédure à la frontière des ressortissants de pays dont le taux de protection est inférieur à 20% dans l’UE. Le Conseil est, contrairement au Parlement, pour son application obligatoire.
La proposition de règlement « crise », qui prévoit des dérogations en période de grandes arrivées, n’est pas encore à la phase des trilogues. Une position du Conseil est toujours attendue. Cependant, il semble que ce dernier souhaite unir ladite proposition à la proposition de règlement « instrumentalisation », qui vise à pallier des situations d’instrumentalisation politique de migrants. Cette dernière ne fait pas partie du Pacte et n’a pas obtenu la majorité nécessaire au sein du Conseil pour avancer par le passé. Il est probable qu’elle se confronte de nouveau à des obstacles, au sein du Conseil, mais aussi du Parlement (même si aucune position formelle sur l’instrumentalisation n’a été adoptée au Parlement). Un point de concordance entre les Institutions est le souhait de maintenir la protection temporaire, ce qui est à saluer. D’après le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), le Conseil de l’UE aspire à une position d’ici fin juillet.
Enfin, la réforme du règlement Eurodac, relatif au système informatisé pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile dans l’Union, se trouve elle aussi en phase de trilogues. Son adoption devrait avoir lieu avec l’adoption des autres textes, conformément à l’approche de paquet, et devrait résulter en une augmentation de son champ d’application, permettant, par exemple, la prise d’empreintes et de photos d’enfants de plus de 6 ans, ainsi que la prise d’empreintes et de photos de personnes en situation irrégulières déboutées de l’asile ou ne demandant pas l’asile.