Refonte de la Directive Retour : vers une baisse des garanties procédurales et un recul des droits fondamentaux ?
La Commission européenne a annoncé en septembre 2018 la révision de la directive Retour qui établit des normes et des règles communes pour le retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. Alors que la Commission souhaite améliorer l'efficacité des taux de retour, plusieurs dispositions sont marquées par d'importants reculs pour les droits des personnes.
Lors du discours sur l’Etat de l’Union européenne (UE) en septembre 2018, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a annoncé un nouvel ensemble de réformes dans le cadre de la politique migratoire européenne, dont la révision de la directive Retour adoptée en 2008.
Entrée en vigueur en 2010, la directive Retour établit des normes et des règles communes pour le retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière. En complément de la directive, le plan d’action de l’UE en matière de retour de septembre 2015 proposait un certain nombre de mesures afin d’améliorer l’efficacité des politiques de retour, incluant la promotion de bonnes pratiques sur les retours volontaires, la mise en place d’un formulaire européen de document de voyage, une réforme des bases de données européennes et l’amélioration de la coopération entre les Etats membres. Cette approche a été renforcée par la publication en 2017 d’un document de recommandations par la Commission pour améliorer l’efficacité des retours lors de la mise en œuvre de la directive retour. Ces recommandations mettent l’accent sur l’usage de la rétention, la limitation de l’étude du risque de refoulement et de l’accès au départ volontaire s’il y a une opposition au retour et une définition plus large des risques de fuite. En parallèle, une politique de coopération dans la gestion des migrations a été engagée depuis 2016 avec les pays d’origine par le biais des cadres de partenariats pour les migrations. Enfin, cette révision s’intègre également dans une politique globale de la Commission d’utiliser tous les moyens disponibles, y compris la politique des visas et les relations diplomatiques, afin d’améliorer l’efficacité des retours. (voir notre article de newsletter d’avril 2018 )
Dans sa proposition de refonte de la directive , la Commission déplore que « son application incohérente en droit interne par les États membres nuit à l'efficacité de la politique de l'UE en matière de retour » et constate que « les Etats membres continuent de rencontrer des difficultés et des obstacles pour faire appliquer en intégralité les décisions de retour. » Ainsi, les nouvelles règles proposées par cette refonte permettront selon la Commission « d'accélérer les procédures de retour, empêcheront les fuites et les mouvements secondaires et accroîtront le taux global de retour, dans le plein respect des droits fondamentaux. »
La Commission propose tout d’abord la mise en place de critères communs pour définir le risque de fuite pouvant justifier une décision de rétention ou le retrait du délai de départ volontaire. Certains critères proposés restent très vagues (« manque de moyens financiers ») ou tendent à criminaliser le ressortissant de pays tiers en situation irrégulière (« existence d’une condamnation pour infraction pénale »). En outre, la volonté de la Commission de lier les procédures de retour avec les procédures d’asile risque de réduire les garanties procédurales pour les demandeurs d’asile ayant reçu un refus définitif. Il est proposé qu’une décision de retour soit adoptée immédiatement après une décision définitive de rejet de demande d’asile, ou idéalement que la décision de retour soit incluse dans la même décision définitive de rejet de protection internationale. De plus, l’accès à un recours suspensif serait considérablement restreint et porterait atteinte au contrôle effectif de la décision de retour. La Commission propose que le caractère automatiquement suspensif du recours contre une décision de retour ne soit automatique que s’il existe un risque de violation du principe de non refoulement. Une demande de suspension temporaire de l’exécution d’une décision de retour ne sera pas appliquée si le motif de la suspension invoqué a été évalué dans le contexte de la procédure d’asile.
L’approche globale de cette révision est également marquée par une augmentation de l’utilisation de la rétention, par l’introduction d’une durée minimale de rétention de 90 jours et le maintien d’une durée maximale de 18 mois déjà présente dans l’actuelle directive. La Commission propose également la mise en place d’une procédure de retour à la frontière liée à la procédure d’asile à la frontière encadrée par la directive Procédures, et par le développement de l’interdiction d’entrée sur le territoire.
Enfin, la Commission souhaite également améliorer les taux de retour des Etats membres. Dans le cadre d’une refonte du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union européenne (Frontex), la Commission propose d’élargir les prérogatives de l’agence européenne en matière de soutien aux procédures de retour, telles que l’identification de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière, l’obtention de documents de voyage et la préparation des décisions de retour. La proposition laisse cependant aux Etats membres la décision finale relative au retour de personnes en situation irrégulière. La Commission propose également que l’agence puisse déployer du personnel au-delà des seuls pays voisins de l’UE dans les pays d’origine et de transit afin d’assister les activités liées aux retours.