Budget 2022 : une augmentation incertaine des capacités d’accueil pour demandeurs d’asile, un déploiement national des programmes d’intégration
Le projet de loi de finances pour l’année 2022 prévoit une légère augmentation du budget consacré à l’asile et à l’immigration. Des nouvelles places d’hébergement pour demandeurs d’asile pourraient être créées, si le budget de l’allocation pour demandeurs d’asile demeure conforme aux prévisions. En matière d’intégration, 800 nouvelles places en centres provisoires d’hébergement devraient être financées tandis que les programmes d’accompagnement global devraient être largement déployés.
Le projet de loi de finances, actuellement débattu au Parlement, détermine chaque année les recettes attendues par l’État et les dépenses prévues. Il permet notamment de déterminer moyens affectés à la politique d’asile et d’immigration. Le budget de l’État est divisé en plusieurs « missions », lesquelles sont composées de « programmes ». Parmi les documents budgétaires, on trouve ainsi une annexe détaillant les crédits de la mission « Immigration, asile, intégration », elle-même divisée en deux programmes (303 « Immigration et asile » et 104 « Intégration et accès à la nationalité française »). Certains crédits se trouvent dans d’autres programmes, notamment celui relative à la « Compétitivité » dans la mission « Plan de relance » ou encore au « Conseil d’État et autres juridictions administratives » pour le budget de la Cour nationale du droit d’asile.
Le projet de loi de finances prend pour hypothèse une hausse de 10% des demandes d’asile adressées à l’OFPRA en 2022 par rapport au niveau constaté en 2019 (considérée comme année de référence avant la crise sanitaire) soit 145 700 demandes. La réduction des délais de traitement de la demande d’asile, l’optimisation de la prise en charge des demandeurs d’asile et l’amélioration de l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière sont les trois objectifs de la mission « immigration, asile, intégration ».
L’un des enjeux majeurs dans le domaine de l’asile porte sur l’hébergement des personnes en cours de procédure, la moitié d’entre elles environ n’étant pas orientée vers un lieu dédié en raison du sous dimensionnement du dispositif national d’accueil. En 2022, 4 900 places pourraient être créées dans des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, dont 3 400 places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et 1 500 places en centre d’accueil et d’évaluation des situations (CAES). Il est prévu que l’outre-mer bénéficie d’une partie des places d’hébergement qui pourraient être crées.
Ces créations de places demeurent cependant incertaines. Elles sont conditionnées au non-dépassement des crédits dédiés à l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) en 2022. En plus d’une dotation initiale de 466,96 millions d’euros (+4% par rapport à 2021), une provision de 20 millions d’euros constituée pour couvrir un dépassement du budget ADA sera consacrée à la création de places si le montant de l’ADA reste conforme aux prévisions à mi-année. C’est la première fois qu’est instauré un tel mécanisme, qui peut paraître paradoxal : si le budget de l’ADA est dépassé c’est que le niveau de la demande d’asile est élevé, ce qui justifie d’autant plus la création de places. Si ces places sont créées, le parc d’hébergement pour demandeurs d’asile atteindrait 108 169 places à la fin 2022.
La dotation pour l’ADA inclut une généralisation des aides matérielles versées aux demandeurs d’asile à Mayotte, à hauteur de 3,1 M en 2022, pour prendre en compte la jurisprudence du Conseil d’État de mars 2021 à ce sujet.
La part des demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil (CMA) – une partie des demandeurs d’asile se voit refuser, suspendre ou retirer les CMA - hébergés fin 2021 devrait être de 59% (contre 52% fin 2019) alors qu’il était prévu d’atteindre 65%. L’objectif pour 2022 est fixé à 62% et une « cible » à 90% est évoquée pour 2023 (comme les années précédentes), grâce à « plusieurs leviers » : réduction des délais d’instruction, création de places d’hébergement, renforcement de la fluidité du parc d’hébergement, et renforcement de l’orientation directive dans le dispositif national d’accueil.
Concernant l’instruction des demandes, le projet de loi de finances précise que 153 165 décisions devraient être rendues en 2021 par l’Office français de la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au lieu de 170 800 prévues initialement. Un budget de 93,2 millions d’euros est prévu pour l’OFPRA en 2022, soit 0,4 M de plus que la loi de finances initiale 2021. Aucun recrutement n’est prévu pour 2021.
Alors qu’il était prévu d’atteindre un délai moyen de traitement de 112 jours à l’OFPRA en 2021, cette prévision a été actualisée à 150 jours. Pour 2022, un objectif de 75 jours est fixé. Le délai de 60 jours, qui figurait dans le « plan migrants » de 2017, est à atteindre pour la fin de l’année 2023. L’OFPRA devrait être en mesure de prendre 170 000 décisions en 2022 soit le maximum de ses capacités décisionnelles. À partir de 2023, l’OFPRA devrait être en capacité de rendre chaque année autant de décisions qu’il y a de demandes.
Au niveau de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le délai moyen constaté de jugement des affaires en procédure normale devrait être de 9 mois et 20 jours à la fin de l’année 2021 alors que l’objectif fixé par la précédente loi de finances était de 7 mois. Il est à nouveau prévu d’atteindre 7 mois, à la fin 2022, puis 5 mois à l’horizon 2023. Pour les procédures accélérées, le délai fin 2021 devrait être de 17 semaines, loin de l’objectif de 7 semaines fixé par la précédente loi de finances et qui redevient l’objectif pour fin 2022 (cible de 5 semaines à l’horizon 2023).
Comme les années précédentes, les efforts budgétaires portent principalement sur l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale. En 2022, il est prévu de financer 800 places supplémentaires en centre provisoire d’hébergement (CPH) dans le cadre du plan de relance, ce qui portera la capacité des CPH à plus de 9 900 places à la fin de l’année. Il est également prévu de déployer à partir de 2022 un programme nommé « AGIR », dans 27 départements. Il s’agit de proposer un accompagnement global des BPI sur une durée de 20 mois maximum. Ce dispositif prendra « à terme » le relais des programmes actuels d’accompagnement comme ceux de type « Accelair » (créé en 2002 par Forum réfugiés-Cosi).
Enfin, le projet de loi de finances détermine les crédits dédiés à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière. Pour ceux qui optent pour un départ volontaire, les dispositifs de préparation au retour (DPAR) sont financés à hauteur de 9,4 millions d’euros pour 2021 (+1,2M) sur les crédits de la mission « immigration asile intégration », pour 1 100 places. À cela s’ajoutent 1 100 nouvelles places de DPAR financées depuis 2021 au titre du plan de relance et dont le financement sera poursuivi en 2022. Dans le cadre des retours forcés, la capacité des centres de rétention administratives (CRA) reste stable (1 719 places en métropole). Les crédits dédiés au CRA dépassent les 102 millions d’euros.
Photo d'illustration : ©By Richard Ying et Tangui Morlier - Own work, CC BY-SA 3.0