Alors que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides fête en septembre son 70ème anniversaire, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime le nombre d’apatrides dans le monde à plus de 4 millions fin 2023.

Selon l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des apatrides signée le 28 septembre 1954, le terme apatride désigne « toute personne qu’aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». En 2024, ce texte fondateur en la matière fêtera ses 70 ans.

La population mondiale en situation d’apatridie a été estimée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à 4,4 millions à la fin 2023. Ce chiffre fourni dans le chapitre consacré à l’apatridie du rapport sur les personnes déracinées dans le monde en 2023 ne reflète pourtant pas la réalité. Tous les pays ne communiquent pas leurs données sur l’apatridie, y compris de nombreux pays avec d’importantes populations apatrides connues. Ainsi, le HCR précise qu’il est probable que la véritable population apatride mondiale soit « considérablement plus grande » que celle signalée.

Le rapport du HCR précise qu’environ un tiers des apatrides dans le monde est en situation de déplacement. Les Rohingyas du Myanmar constituent ainsi la plus importante population apatride et déplacée : 155 500 Rohingyas ont dû quitter leur foyer et sont déplacés à l’intérieur du Myanmar, 971 900 se sont installés au Bangladesh voisin.  Les plus grandes populations apatrides non déplacées sont enregistrées en Côte d’Ivoire (931 000) et en Thaïlande (586 500).

En général, les personnes acquièrent automatiquement une nationalité à leur naissance, par leurs parents ou par le pays dans lequel ils sont nés. Les causes de l’apatridie sont cependant multiples. Il peut s’agir de lacunes dans les lois sur la nationalité ou des obstacles pratiques et administratifs à l’enregistrement des naissances. L’apatridie peut s’expliquer aussi par des conflits de lois sur la nationalité entre différents pays. Un vide juridique suite à la succession d’États peut entrainer des personnes vers le statut d’apatride (par exemple, des personnes originaires d’anciens États soviétiques ou yougoslaves qui n’ont jamais acquis la nationalité depuis l’éclatement de l’ancienne Union soviétique et de l’ex-Yougoslavie, en particulier les Roms et autres groupes minoritaires).

On peut également devenir apatride en étant déchu de sa nationalité, ou par un refus d’enregistrement civil volontaire et à cause des discriminations fondées sur le sexe, la race, l’origine ethnique, les religions ou la langue. Par exemple, comme on peut le lire dans une note d’information du HCR datée de 2021, dans certains pays comme Djibouti ou la Tunisie, les femmes ne sont pas autorisées à enregistrer la naissance de leurs enfants. Les mères d’enfants nés hors mariage en Malaisie se voient souvent dissuader d’enregistrer leur enfant.

Dans le cas de la Côte d’Ivoire (au moins 931 000 apatrides), la situation s’explique par deux raisons principales : pendant la période coloniale, de nombreuses personnes venues de pays voisins (aujourd’hui Burkina Faso, le Mali et la Guinée) travaillaient dans les plantations ivoiriennes et n’ont pas reçu de nationalité quand le pays a acquis son indépendance. Leurs descendants n’ont toujours pas de nationalité bien qu’ils vivent dans le pays depuis plusieurs générations. L’autre raison est que la loi ivoirienne n’a prévu aucune disposition pour accorder la nationalité aux enfants abandonnés.

Les apatrides sont souvent privés de la jouissance de leurs droits humains, tels que l’accès à l’éducation, aux soins de santé, la participation civile et politique, ainsi que l'accès aux services publics essentiels et au marché du travail. C’est pourquoi la Convention de 1954 a consacré un statut d’apatride qui permet, sous réserve de la mise en place par les États signataires de procédures de détermination de ce statut (menées en France par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides), d’accorder à ces personnes des droits fondamentaux.

Le HCR explique dans son rapport que depuis le début de la campagne #IBelong (2014-2024) visant à mettre fin à l’apatridie à l’horizon 2024, près de 565 900 apatrides ont pu accéder à la citoyenneté grâce à la reconnaissance de certains Etats d’apatrides ou de personnes de nationalité indéterminée en tant que nationaux. Des octrois de nationalités ont été menés par exemple par le Kenya, la Thaïlande, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan.

Pour en savoir plus sur les risques d’apatridie et l’accompagnement des personnes apatrides, voir le guide d’identification, d’accompagnement et d’orientation des personnes exposées au risque d’apatridie publié par Forum réfugiés en 2022, accessible à tous en ligne.