Asile : la réforme législative précisée par des textes réglementaires
Quelques mois après l’adoption définitive de la loi « pour une immigration contrôlée, une intégration réussie » en date du 26 janvier 2024, de nombreuses dispositions concernant l’exercice du droit d’asile sont entrées en vigueur cet été suite à la publication de plusieurs textes réglementaires, qui ont par ailleurs précisé certaines modalités d’application de cette réforme législative.
Certains aspects du système d’asile français ont été modifiés par la loi du 26 janvier 2024 (voir notre article de février 2024). L’essentiel de ces changements n’étaient cependant pas encore applicables, leur mise en œuvre dépendant de textes réglementaires visant à apporter les précisions opérationnelles qui ne relèvent pas du champ de la loi. Une série de décrets, publiés entre le 2 et le 16 juillet 2024, permet désormais d’en savoir plus sur l’ampleur des évolutions attendues.
Concernant l’accès à la demande d’asile, un décret du 8 juillet 2024 permet l’entrée en vigueur à partir du 17 juillet des dispositions législatives permettant une utilisation élargie de l’assignation à résidence ou du placement en rétention pour les demandeurs d’asile. Un arrêté du 14 août 2024 a complété ce dispositif à travers la publication un « formulaire d’information sur les droits et obligations du demandeur d’asile assigné à résidence ».
Un décret du 16 juillet 2024 évoque quelques modalités de fonctionnement des pôles France asile, qui remplaceront à terme les actuels guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA).
La création des sites pilotes et des pôles territoriaux France asile qui suivront, et en particulier chaque date d’entrée en fonctionnement, est décidée par un arrêté spécifique du ministre de l’asile
À compter de la remise de l’attestation de demande d’asile, lorsque la première demande d’asile ou la demande de réexamen est enregistrée dans un pôle France asile, elle est introduite, dans ce pôle, auprès de l’OFPRA le même jour que l'enregistrement ou à une date ultérieure fixée par la convocation remise au demandeur lors du dépôt de sa demande.
Pour toutes les demandes d’asile, y compris enregistrées dans un GUDA, une seule photographie d’identité est désormais requise. Par dérogation, lorsque la demande d’asile est enregistrée dans un pôle France asile, l’OFPRA recueille les pièces et les informations nécessaires à l'introduction de la demande en présence du demandeur. Le demandeur est entendu, si nécessaire, avec l'assistance d'un interprète de l’OFPRA, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Dans les pôles France asile, le demandeur est informé par l’agent de l’OFPRA affecté au pôle de la liste des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de l'entretien personnel mené par l’OFPRA.
En plus des informations déjà délivrées sur les possibilités d’accompagnement à l’OFPRA, le demandeur est également informé du délai et des moyens dont il dispose pour compléter sa demande d’asile. Le formulaire complété des éléments recueillis est signé par le demandeur puis mis à sa disposition par voie électronique. Si le demandeur établit qu'il n'est pas en mesure d'accéder au procédé électronique ou lorsque la demande est déposée dans un département qui ne figure pas sur la liste des départements dans lesquels ce procédé est en place, ou si l’OFPRA décide également ne pas recourir à ce procédé notamment pour des motifs liés à la situation personnelle du demandeur ou à sa vulnérabilité, une copie du formulaire complété est remise au demandeur.
La réforme de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est détaillée dans un décret du 8 juillet 2024. La cour compte désormais 5 chambres territoriales (nouveauté introduite par la loi) situées à Bordeaux, Lyon (2 chambres), Nancy et Toulouse, ainsi que 18 chambres dans ses locaux actuels de Montreuil. Conformément à la volonté du législateur, ce même décret indique par ailleurs que par principe tous les recours seront affectés à un président de formation de jugement statuant seul, avec une généralisation de la procédure applicable jusqu’alors aux procédures accélérées qui relevaient seules du juge unique. Le sens des décisions n’est plus affiché au siège de la CNDA, il est désormais uniquement publié sur le site Internet de la Cour pendant 15 jours. Un arrêté du 22 août 2024 liste les 17 présidents de formation de jugement dans les chambres territoriales nommés par le vice-président du Conseil d’État.
La loi du 26 janvier 2024 a également impacté les modalités de recours contre les décisions de refus ou cessation des conditions matérielles d’accueil (CMA). Un décret du 5 juillet 2024 rappelle que seul le nouveau recours contentieux prévu par la loi peut désormais être exercé, supprimant ainsi le recours préalable obligatoire. En cas de refus des CMA, le demandeur d’asile doit être mis en mesure de présenter à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ses observations écrites dans un délai de 15 jours, mais la décision prend effet dès sa signature.
En matière de contentieux sur l’application du règlement dit « Dublin » (qui fixe les critères de responsabilité d’une demande d’asile à l’échelle européenne), un décret du 2 juillet 2024 précise que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort concernant les arrêts de transfert « Dublin » ce qui revient à supprimer la possibilité de faire appel (le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État demeure possible).
Alors que le législateur avait prévu d’imposer un délai contraignant pour la délivrance d’une décision d’éloignement à un débouté de l’asile, un décret du 8 juillet 2024 fixe ce délai à 15 jours et précise que la préfecture est tenue d’examiner dans ce délai les demandes de titre de séjour déposées concomitamment à la demande d’asile tandis que d’éventuels éléments nouveaux justifiant une demande de titre tardive doivent être portés à la connaissance de la préfecture avant l’expiration des 15 jours.
Un autre décret du 8 juillet 2024 rend par ailleurs les dispositions relatives au nouveau « contrat d’engagement au respect des principes de la République » applicables depuis le 17 juillet 2024. Comme les autres étrangers pour leur première demande de titre de séjour ou son renouvellement, les bénéficiaires d’une protection internationale (réfugiés ou bénéficiaires de la protection subsidiaire) doivent ainsi s’engager à respecter septe principes fondamentaux en imprimant puis signant un document à partir du portail Administration numérique des étrangers en France (ANEF).