Des observations publiées en octobre 2024 par la Cour des comptes soulignent certaines défaillances de l’État en matière de pilotage des places d’hébergement pour demandeurs d’asile, avec notamment une sous budgétisation des crédits en loi de finance initiale et des versements tardifs qui conduisent à des surcoûts supportés par les associations.

Dans un rapport publié le 1er octobre 2024, la Cour des comptes a rendu publiques ses observations sur « les relations entre l’État et les gestionnaires de structures d’hébergement ». Ce document fait suite à la réalisation de plusieurs contrôles d’associations et analyse le pilotage par l’État d’un dispositif totalisant 334 000 places dédiées aux deux tiers à l’hébergement d’urgence de droit commun et à un tiers à l’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés au sein du dispositif national d’accueil (DNA).

Au-delà des considérations transversales sur les défaillances de l’État en matière de pilotage de ces places d’hébergement, la Cour des comptes apporte quelques éclairages spécifiques sur le volet asile. En 2023, on recensait 119 993 places d’hébergement pour demandeurs d’asile (incluant les dispositifs créés spécifiquement pour les réfugiés d’Ukraine) au sein de 889 établissements gérés par 338 organisations pour un budget total de 916 millions d’euros. À cela s’ajoutent 11 585 places au sein de dispositifs d'accompagnement des bénéficiaires de la protection internationale (BPI). Le nombre de nuitées hôtelières hors Ile-de-France dans le DNA a fait l’objet d’une diminution progressive, passant progressivement de 3 728 au 1er janvier 2016 à 1 824 au 1er janvier 2023, contribuant selon la Cour à la maîtrise des dépenses.

La Cour relève que si le nombre de places a connu une augmentation ces dernières années, cette dynamique a augmenté la part des établissements d’urgence (principalement les centres d’accueil et d’évaluation des situations – CAES, et les hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile – HUDA) par rapport aux centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) qui entrent dans la catégorie des « établissements ou services sociaux ou médico-sociaux » (ESSMS) auxquelles s’appliquent des règles qui facilitent le pilotage par l’État et la gestion par les associations en termes de contractualisation, de financement et d’évaluation. Ainsi, au sein du dispositif national d’asile, les structures hors ESSMS représentent 55 % des places disponibles en 2023, contre un peu moins de 50 % en 2017 et 43 % en 2009. On constate également une légère diminution de la part des places dédiées à l’asile sur l’ensemble des places d’hébergement pour sans-abris qui ont connu une plus forte croissance : en 2023, l’hébergement asile représentait 28% du total contre 30% en 2013. La part des hébergements pour BPI sur l’ensemble a cependant augmenté de 3 points sur cette période, passant de 1 à 4%.

Le nombre d’acteurs est resté stable depuis 2017, avec un mélange que la Cour des comptes juge « difficile à piloter pour l’État » entre de nombreux organismes locaux de petite taille et de grandes associations en forte croissance. Elle relève qu’au niveau central, l’État a face à lui de grands acteurs qui ne sont pas toujours équipés pour disposer d’une vue d’ensemble de leurs activités, en raison des lacunes de leur système d’information en matière financière, comptable ou de ressources humaines, tandis que le grand nombre de petits acteurs locaux contraint les services déconcentrés à une gestion administrative lourde.

La Cour des comptes souligne que les crédits attribués en loi de finances initiale sont, de manière récurrente, inférieurs à ceux exécutés en fin d’année, une sous-budgétisation (qui remonte a minima à 2007 et qu’elle a déjà relevée dans plusieurs rapports) qu’elle juge contre-productive sur le plan de la maîtrise des dépenses. Si  les dépenses en matière d’hébergement des demandeurs d’asile entre 2018 et 2021 ont été globalement conformes aux crédits alloués en loi de finances avec un taux d’écart moyen de 2,6% sur cette période, les moyens alloués n’ont pas suivi la demande d’hébergement ce qui a entraîné une augmentation de l’allocation pour demandeurs d’asile (du fait de l’octroi plus fréquent du pécule complémentaire versé aux demandeurs non hébergés), dont l’écart moyen entre l’exécution et la budgétisation initiale s’élevait à 17 % entre 2017 et 2022,  et un déport de financement vers le sans-abrisme de droit commun du fait de l’accueil inconditionnel légalement garanti pour les personnes sans abri.

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Le coût moyen par place au sein des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile est par ailleurs plus faible que dans l’hébergement généraliste, et n’a pas suivi l’évolution des prix : entre 2017 et 2023, la baisse en euros constants est de 1% pour les HUDA, 3% pour les CADA et 6% pour les centres provisoires d’hébergement (CPH). Selon la Cour, « la tentative de maîtrise de la dépense se heurte à la nécessité d’ouvrir de nouvelles places et s’accompagne d’une baisse de la qualité de l’offre en matière d’accompagnement ».

Elle constate également un cycle de paiement, entre la délégation de crédits aux services déconcentrés et le versement aux organismes gestionnaires, qui « pèse à la fois sur les premiers en charge de travail et sur les seconds en trésorerie ». Cette situation avait déjà été dénoncée par la Cour mais demeure reconduite d’année en année « avec des résultats toujours plus contreproductifs, y compris dans un objectif de maîtrise des dépenses ». La tardiveté de la délégation de crédits est particulièrement marquée pour les HUDA, financés par subvention avec par exemple 24 % des crédits de paiement de l’année 2023 mis à disposition seulement début décembre de la même année. Pour les CADA, 12 % des crédits de l’année étaient versés en novembre 2023 et 13 % en décembre, contre respectivement 10,5 % et 10,2 % en 2022. Ces défaillances entraînent ainsi un report de la charge de trésorerie sur les organismes du secteur de l’hébergement ce qui entraîne des surcoûts supportés par les associations : plusieurs organismes contrôlés ont ainsi été conduits à ouvrir des lignes de trésorerie auprès des banques afin de compenser la tardiveté du versement des crédits budgétaires par l’État.