Témoignages & paroles de réfugiés
« Il existe encore de nombreux endroits sur Terre où le mal triomphe, où il est dangereux de dire la vérité ou d’exiger la justice, où l’appartenance ethnique ou toute autre différence crée une menace pour la vie ou la liberté. Malheureusement, s’échapper de tels endroits est le seul moyen de se préserver. Ce n’était pas facile de perdre tout ce qui était ma réalité du jour au lendemain. Les parents et amis, le travail préféré, le statut, le respect et tout le reste appartenaient au passé au moment où j’ai appris que la chasse avait commencé. Je n’avais plus le droit de risquer ma vie et celle de ma famille. Nous avons réussi à nous échapper de Russie. Le choix de l’endroit où courir était prédéterminé pour moi. La France, dans les affres sanglantes de la révolution, a donné au monde cette idée de liberté qui saisit le cœur des bonnes personnes. De plus, la culture et la littérature française ne laissent pas les cœurs romantiques indifférents. Grâce à l’aide d’Amnesty International et du ministère français des Affaires étrangères, ma famille a obtenu l’asile en France. Et aujourd’hui, à Aurillac, nous commençons notre nouvelle vie. Nous ne sommes qu’au début du processus d’intégration, nous maîtrisons encore mal le français et ne connaissons pas beaucoup les démarches administratives. Le CPH nous aide beaucoup dans ce domaine. Je suis conscient que le chemin vers la réalisation de soi risque d’être difficile. Mais en même temps, je suis sûr que nous réussirons. Et j’espère que dans un proche avenir nous pourrons être utiles à la France qui nous a accueillis."
Monsieur B., Russie
"Je m’appelle Abdoulaye, je suis Soudanais, j’ai eu 18 ans le 1er janvier 2020. J’ai quitté mon pays pour un camp au Tchad en 2005 et je suis arrivé en France en décembre 2019 dans le cadre d’un programme de réinstallation.
J’habite à Givors dans un appartement avec ma mère et mon petit frère. Les équipes de Forum réfugiés-Cosi s’occupent de nous. J’ai fait un test pour rentrer à l’école en janvier 2020 mais j’ai beaucoup attendu, j’ai même eu le temps de faire 600h de français avec l’OFII (l’Office français de l'immigration et de l'intégration) et quelques heures en plus avec la mission locale. J’ai beaucoup attendu mais j’ai été patient car je savais que c’était une chance pour moi d’apprendre à l’école et ensuite de pouvoir travailler.
Finalement en septembre 2020 j’ai pu rentrer dans une classe MLDS ans un lycée à Villeurbanne. Ma professeure principale est très patiente et bienveillante avec moi. C’est un peu loin donc je dois prendre le train et le tram mais je suis content car maintenant j’ai des cours de français, d’histoire, de mathématiques et encore plus. Pendant les vacances je vais faire des stages de découverte pour choisir quel métier je veux apprendre l’année prochaine, même si les stages sont un peu difficiles à trouver à cause du covid. Il y a plein de jeunes comme moi à Givors et on a tous attendu très longtemps avant d’aller à l’école, il y a même deux amis à moi qui sont syriens qui ont attendu un an et demi. C’est long quand on a attendu toute notre vie."
Abdoulaye, réfugié réinstallé dans le cadre du programme RACINE
Ils se sont mobilisés pendant la crise du Covid-19...
"Je m'appelle Eduard, j'ai 42 ans. Je suis arrivé en France en 2016 et en 2018, j'au été reconnu réfugié. Je suis auto-entrepreneur en interprétariat / traduction depuis mai 2019. Je suis interprète-traducteur en russe, géorgien et arménien. Pendant le confinement, j'ai traduit bénévolement pour les autres réfugiés, et aussi pour Forum réfugiés-Cosi, la police, l'hôpital, etc."
"Je m'appelle Bony, je suis arrivé en France en 2018. En cours de procédure de demande d'asile, je suis hébergé dans un CADA géré par Forum réfugiés-Cosi. Je suis bénévole à la Croix Rouge Française depuis septembre 2018, mlais aussi au Secours Catholique depuis février 2019. Dès mon arrivée en France, je me suis investi dans le bénévolat car c'était le seul moyen de me protéger contre l'isolement, de m'intégrer progressivement dans la société française, parce qu'en étant demandeur d'asile je n'ai pas le droit de travailler.
A la Croix Rouge française, je suis responsable de l'éctivité "soutien scolaire" / aide aux devoirs pour les enfants de primaire. Au Secours Catholique, je suis chargé de l'accueil convivial des personnes migrantes en situation de précarité. Je participe également à l'organisation des différentes activités culturelles et événements sportifs pour migrants isolés.
Pendant la période de confinement, j'ai continué à m'investir de manière importante, je me suis occupé de l'accueil (écoute et orientation), de la préparation de colis alimentaires, de leur distribution, et j'ai aidé les personnes âgées isolées qui ne pouvaient pas sortir de chez elles.
Le bénévolat, c'est également la possibilité de montrer qu'en tant que demandeur d'asile, je peux être utile au pays qui m'accueil malgré mes souffrances.
La victoire n'est pas le fruit du hasard !"
Ehsan et Ange Kelly sont deux réfugiés accompagnés par le programme d'intégration Accelair en Occitanie. Pendant la période de confinement, ils ont tous les deux confectionnés des masques.
"Journaliste, correspondant de plusieurs médias occidentaux, particulièrement français, j'ai visité plusieurs camps de déplacés et rencontré des demandeurs d'asile durant ma carrière. A aucun moment je n'ai imaginé qu'un jour j'allais vivre cette expérience; celle d'être forcé de quitter mon pays, d'abandonner tout ce que j'avais construit... C'est difficile psychologiquement et moralement de se retrouver dans cette situation, celle de demandeur d'asile... C'est angoissant, la nuit comme le jour... Depuis février 2019, je suis arrivé au CAES. Cette souffrance psychologique et morale a été soulagée par la gentillesse, la patience, la compréhension et l'humanisme du personnel de Forum réfugiés-Cosi. Cela m'a permis de surmonter mes angoisses. Depuis septembre 2019, je suis reconnu réfugié. L'existence d’associations comme Forum réfugiés-Cosi, est un soulagement indéniable pour les demandeurs d'Asile. Elle doit être encouragée, et surtout soutenue non seulement par la République Française, mais aussi et surtout par les institutions européennes et internationales."
"Je m’appelle Sidra, j’ai 14 ans, j’étudie en classe de 4ème, je suis les cours de français UPE2A, anglais, sport et arts plastiques. Je suis arrivée en France le 21 mars 2019 avec mes parents, mon grand frère, mon petit frère et ma petite sœur. Des personnes sont venues nous chercher à l’aéroport et nous sommes allés dans notre appartement. A., F. et C. sont d'une grande aide et très gentils, heureusement qu’ils sont là ! Le premier jour où je suis arrivée j’étais à la fois heureuse d’être ici car j’étais en sécurité et que je pourrai étudier mais aussi très triste, car je quittais le reste de ma famille et mes amis. Maintenant je me suis aussi fait des amies ici, même si au début ce n’était pas facile. En plus, ici, il y a des supermarchés syriens donc je peux encore manger la nourriture qui me plaît et ça me rappelle les plats du pays. Je sais que si je suis ici je peux étudier et je voudrai vraiment devenir médecin plus tard. Quand même, quand il a fait très froid c’était un peu dur d’être ici, car en Syrie et au Liban un froid comme ça, ça n’existe pas."
Maria, arrivée en France en 2010 et réfugiée depuis 2 ans témoigne : « Il y a tellement d’obstacles pour venir se mettre en sécurité en France. Moi et mon petit de 9 ans on a eu tellement peur dans le camion avec les passeurs. Et puis j’ai bien cru perdre mon autre fils dans le naufrage du bateau à Izmir… Il faut que l’Europe aide les Syriens. Je sais que la France a un grand cœur. »
Maria a décidé de fuir la Syrie avec trois de ses fils, Milat, Blint et le petit dernier de 9 ans après l’emprisonnement puis la disparition de son mari qui était actif en politique. Ils sont d’abord partis en camion jusqu’en Turquie avec des passeurs qui lui ont pris 2 000 euros pour le voyage.
« Une fois en Turquie, le passeur m’a fait comprendre que je ne pouvais continuer qu’avec un seul enfant. J’ai décidé d’emmener le plus jeune avec moi mais c’était horrible de devoir laisser mes deux autres fils se débrouiller seuls. »
Maria et Ali sont donc restés sept jours à l’arrière d’un camion remorque avec deux autres familles.
« L’air manquait et on avait très peur, les passeurs nous disaient sans arrêt de nous taire. »
Une fois arrivée en France, les passeurs lui ont dit de prendre un taxi et elle est arrivée à Lyon. Elle ne parlait pas français et ne savait pas comment trouver de l’aide.
« Mes vêtements étaient tout tachés, je voyais bien que les gens dans la rue avaient peur de nous. »
Une dame lui a quand même indiqué l’association Le Mail à Perrache. Là, un interprète lui a expliqué par téléphone qu’elle pouvait avoir confiance en la France. Depuis, son parcours ressemble à celui de beaucoup de demandeurs d’asile : d’hôtels, en foyers temporaires puis en Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) le temps de l’examen de sa demande d’asile. Après un refus de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), elle a obtenu le statut de réfugié en décembre 2011.
Dès son arrivée en France, la préoccupation de Maria était de retrouver la trace de ses deux fils abandonnés au cours de son exil. Milat avait pu partir en avion depuis la Turquie assez rapidement mais s’est retrouvé à Paris en zone d’attente. Il y est resté 21 jours avant d’être autorisé à entrer en France. Si Maria et Milat ont fini par se retrouver, Blint, lui, n’a pas encore pu quitter la Turquie. Il a fait pourtant plusieurs tentatives et a même cru mourir en septembre 2012 lors du naufrage d’un bateau de pêche au large d’Izmir. Il était monté dans ce bateau à destination de l’Europe mais il a coulé, tuant 61 personnes, dont son cousin.
Maria savait que son fils devait prendre ce bateau.
« J’ai tellement pleuré en voyant les images à la télévision et en cherchant mon fils dans la liste des survivants. »
Lors de cet accident la police turque a confisqué le passeport de Blint. Il n’a aujourd’hui pas d’autre choix que de tenter de quitter la Turquie avec l’aide de passeurs. Mais :
« Comme les passeurs savent que je suis en France, ils pensent que je suis riche. Ils demandent 20 000€ pour faire passer Blint. Comment je peux faire avec mes 700 euros de RSA ? »
Maria aimerait emprunter cette somme mais elle s’inquiète de la confier à des gens qui pourraient bien disparaitre sans aider son fils. Depuis plusieurs mois, Blint ne veut plus parler à sa mère car il ne comprend pas qu’elle ne l’aide pas davantage. Maria ne sait pas comment va son fils aujourd’hui.
Maria a également des filles au Liban et en Turquie. Elle a envoyé une attestation d’hébergement pour que sa fille – qui est en Turquie et qui vient d’accoucher – puisse obtenir un visa pour venir la voir en France. La réponse de l’ambassade de France est pour le moment négative.
« Je me sens tellement seule en France, je voudrais voir mes petits-enfants. C’est très difficile de penser à quelque chose d’autre que la guerre. Je ne regarde plus la télévision sinon je fais des cauchemars. »
Elle est très heureuse d’avoir trouvé Fadia, une amie en France qui la soutient et l’aide beaucoup.
Le témoignage de Maria a été recueilli en 2014 à l'occasion de la campagne Europe Act Now qui plaidait pour donner aux réfugiés les moyens de rejoindre l'Europe en toute sécurité, pour protéger les réfugiés qui arrivent aux frontières de l'Europe et pour réunir les familles déchirées par la crise.