Dans l’Union européenne, un accueil des demandeurs d’asile variable malgré un cadre juridique commun
Le régime d’asile européen commun prévoit des normes communes pour les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile. Si des standards sont définis au niveau européen, leur mise en œuvre au niveau national varie. Des systèmes d’accueil différents sont ainsi établis dans chaque État membre. Ces disparités ont été soulignées dans une note récente de l’Agence européenne pour l’asile.
Les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile dans l’Union européenne (UE) sont définies et encadrées par la directive européenne 2103/33/UE dite ‘Accueil’. Elle établit des normes et des standards communs pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres. Une directive n’a cependant pas d’application directe et la mise en œuvre de ces normes diffère dans chaque État membre, tenus de transposer ce cadre dans leur droit national. Dans une note récente, le bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), nouvellement Agence européenne pour l’asile (EUAA), fournit une analyse comparative de de ces différents systèmes en place.
L’agence souligne tout d’abord que la majorité des États dispose d’une seule autorité en charge de l’accueil des demandeurs d’asile. Certains pays ont fait le choix d’impliquer plusieurs autorités au niveau national come Chypre, l’Estonie, la Lituanie, ou la Portugal, ou encore de mobiliser à la fois l’échelon national et régional (Autriche, Italie). L’Allemagne dispose d’une modèle unique où seules les autorités régionales (Länder) sont en charge de l’accueil. Il est à noter également que deux systèmes s’opposent de manière égale dans l’UE : l’autorité en charge de l’accueil est parfois identique à celle en charge d’étudier la demande d’asile, tandis que ces deux autorités sont parfois distinctes.
L’ensemble des États membres élabore la politique d’accueil au niveau des autorités centrales, sauf en Autriche et en Allemagne. De la même manière, la gestion de la capacité d’accueil et des places est centralisée dans la plupart des États à l’exception de l’Autriche et l’Italie où cette gestion est partagée au niveau local ou régional. Cependant, l’organisation opérationnelle des centres d’accueil est bien plus divergente entre les États membres. Certains États ont fait le choix d’une gestion directe par les autorités de l’État (Bulgarie, Croatie, Hongrie, République tchèque, Lettonie, Malte, Pays-Bas, Roumanie, Slovaquie, Slovénie), d’autres ont établi un système mixte avec une gestion partagée entre les autorités étatiques, locales, des organisations de la société civile ou du secteur privé sur la base d’appels d’offre, de conventions ou de contrats à durée variable (Autriche, Belgique, Chypre, Finlande, France, Grèce, Lituanie, Luxembourg, Pologne, Espagne, Suède). Il est à noter qu’en Pologne, les demandeurs d’asile sont encouragés à vivre en dehors des centres et qu’environ la moitié des demandeurs vivent en dehors des centres d’accueil en Finlande. Enfin, les autres États ont complètement décentralisé, sous-traité ou délégué la gestion opérationnelle des centres au niveau régional ou local, à des organisations de la société civile ou au secteur privé (Danemark, Estonie, Irlande, Italie, Portugal).
Les États abordent également l’accueil des demandeurs d’asile selon différentes approches pouvant inclure différentes phases – c’est le cas pour la majorité des États -, ou comme un processus unique sans étapes. La plupart des États divisent l’accueil en deux étapes avec un premier accueil puis l’accès à un hébergement. Une troisième étape peut être inclue pour les bénéficiaires d’une protection internationale. Dans une approche à plusieurs phases, certains États ont choisi de mettre en place tout d’abord des centres d’arrivée qui réunissent des acteurs de l’asile et de l’accueil sur un même site pour faciliter la communication et rationaliser le processus (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège). Cette première étape permet de définir le type de procédure d’asile et les conditions matérielles d’accueil. Les demandeurs sont ensuite orientés vers un centre d’hébergement après un délai maximum de 4 semaines. Dans d’autres États, les demandeurs peuvent dans des premières centres d’accueil le temps de l’identification et de l’enregistrement (Croatie, Chypre, France, Irlande, Italie, Malte, Norvège, Pologne Slovaquie, Suède). En Espagne, le système d’accueil prévoit une première phase d’évaluation et d’orientation de maximum 30 jours. En Autriche, Danemark, Lituanie, Norvège et Portugal, la phase de premier accueil dure jusqu’à l’émission d’une décision sur l’admissibilité de la demande d’asile, et peut aller jusqu’à l’organisation de l’entretien personnel en Finlande, ou jusqu’à l’émission d’une décision en première instance en Allemagne. Cependant, cette division n’est pas toujours nette en pratique et tous les demandeurs d’asile ne passent pas par les mêmes étapes d’accueil dans un État. Les demandeurs considérés comme vulnérables peuvent accéder plus rapidement aux dispositifs d’hébergement. La disponibilité de places peut également définir l’organisation de transferts de demandeurs d’asile pendant une même phase, ou au contraire maintenir des demandeurs dans la phase initiale du dispositif.
Des différences peuvent également être notées sur la répartition des dispositifs d’accueil sur le territoire et le système d’attribution des places. Cinq États disposent de systèmes de répartition pour les demandeurs d’asile (Autriche, France, Allemagne, Italie), et trois pour les bénéficiaires d’une protection internationale (Danemark, Estonie, Pays-Bas). Ces systèmes peuvent être définis par différents facteurs : la population de chaque province (Autriche), des municipalités et des régions (Italie), une combinaison basée sur la population et les revenus issus des taxes régionales (Allemagne), ou basée sur la population, le PIB par habitant, le taux de chômage et la capacité régionale d’accueil (France). La majorité des États utilise un système de répartition plutôt que de quotas, et l’assignement à une place spécifique dépend de la disponibilité et du profil du demandeur, ou du type de procédure d’asile.
Enfin, le type d’hébergement est relativement commun à tous les États avec des centres d’hébergement collectif. Des centres de petite taille ou des hébergements privés peuvent également être mis en place pour les demandeurs vulnérables ou dans les étapes suivantes du processus d’accueil. Cependant, les centres collectifs peuvent disposer de règles et de services distincts selon différents critères notamment sur les règles d’entrée et de sortie ou le type procédure d’asile appliquée. Par exemple, en Suède, les centres dédiés aux demandeurs d’asile sous procédure Dublin ou accélérée disposent de services de base, alors que les demandeurs ayant plus de chance d’obtenir une protection bénéficient d’un large éventail de services d’accueil et d’intégration. Par ailleurs, certains pays comme Chypre, la Grèce, l’Italie et l’Espagne s’appuient beaucoup sur des locations comme l’hôtel, les maisons ou les appartements privés.