Quelles perspectives pour les politiques d’asile et d’immigration suite aux élections européennes ?
Les élections européennes du mois de mai ont redéfini la répartition des forces politiques au sein de l’hémicycle européen. Une nouvelle Commission européenne sera prochainement élue, ainsi qu’un nouveau président du Conseil européen. Ce renouvellement des institutions de l’Union soulève plusieurs enjeux majeurs pour les politiques d’asile et de migration, marquées ces dernières années par de nombreux blocages politiques.
Alors que les sondages annonçaient une montée en force des partis d’extrême droite et populistes et nationalistes, les résultats présentent un nouvel équilibre des différents groupes politiques européens. Le parti PPE (Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens) reste majoritaire avec 182 sièges malgré une perte de 34 sièges. Le S&D (Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen) reste aussi le second parti européen avec 154 sièges avec une perte de 31 sièges. L’ALDE&R (Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe + Renaissance + USR PLUS) rebaptisé « Renew Europe » est le troisième groupe politique européen avec 108 sièges contre 69 auparavant. Les Verts/ALE (Groupe des Verts/Alliance libre européenne) se hissent à la quatrième place avec 74 sièges (22 nouveaux sièges). L’ECR (Conservateurs et réformistes) tombe à la cinquième place avec 62 sièges contre 77. Un autre vainqueur de ces élections est l’ENL (Groupe Europe des Nations et des Libertés) transformé en un nouveau groupe nommé « Identité et démocratie » (ID) avec 73 sièges soit 36 nouveaux sièges. L’un des grands perdants est le GUE/NGL (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique) avec 41 sièges soit 11 sièges perdus. 57 députés européens ont choisi de ne pas faire partie d’un groupe politique et sont appelés « non-inscrits ». Les groupes peuvent se constituer à tout moment durant la législature.
Les eurodéputés français disposent de 74 sièges : 22 sièges sont attribués au Rassemblement national au sein du groupe « Identité et démocratie », 21 à la coalition La République en Marche/MoDem/Agir/Mouvement radical, social, et libéral au sein du groupe « Renew Europe », 12 sièges à Europe Ecologie/Les Verts au sein du groupe Les Verts/ALE, 8 sièges au parti Les Républicains au sein du groupe PPE, 6 sièges à la France Insoumise au sein du groupe GUE/NGL, et 5 sièges à la coalition Parti socialiste/Radicaux de Gauche/Place publique/Nouvelle Donne au sein du groupe S&D.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker arrive à la fin de son mandat. Selon le Traité de Lisbonne, le président de la Commission européenne est choisi par le Conseil européen, mais il doit prendre en compte les résultats des élections européennes dans leur choix. En 2014, le système « Spitzenkandidaten », qui établit que le candidat du parti arrivé en tête lors des élections européennes sera le prochain président de la Commission européenne, s’était appliqué pour nominer Jean-Claude Juncker. Après plusieurs réunions marquées par d’importantes divisions, le Conseil européen s’est accordé sur la candidature de l’Allemande Ursula von der Leyden. Lors de la deuxième session plénière du 15 au 19 juillet, le Parlement devra se prononcer sur cette proposition par un vote à la majorité absolue. Sans majorité, le Conseil européen devra, à la majorité qualifiée, proposer un autre candidat dans un délai d’un mois. Le poste de Haut-représentant pour les Affaires étrangères a été proposé au ministre socialiste espagnol Josep Borrell. Le mandat du Président du Conseil européen arrive également à échéance. A partir du 1er décembre 2019, le Belge libéral Charles Michel prendra la suite de Donald Tusk pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois.
Cette nouvelle répartition des forces politiques au sein du Parlement européen pourrait influencer la poursuite des travaux en cours relatifs à la réforme du régime d’asile européen commun (RAEC) qui n’a pas pu aboutir lors la précédente mandature. Selon l’article 229 du règlement intérieur du Parlement européen relatif aux questions en instance : « À la fin de la dernière période de session précédant les élections, toutes les questions en instance devant le Parlement sont réputées caduques, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa. Au début de chaque législature, la Conférence des présidents statue sur les demandes motivées des commissions parlementaires et des autres institutions concernant la reprise ou la poursuite de l'examen de ces questions en instance. » Puisque les rapports liés au RAEC n’ont pas pu être adoptés en première lecture en assemblée plénière du Parlement européen, c’est la Conférence des présidents, réunissant le Président du Parlement européen – l’italien socialiste David Sassoli, élu lors de la session inaugurale du Parlement - et les présidents des groupes politiques, qui devra statuer sur la procédure à suivre pour chaque révision entamée et en instance dans chaque commission.
Les nouvelles institutions européennes devront probablement reprendre les dossiers en cours relatifs aux questions migratoires incluant la réforme du RAEC en cours depuis plus de deux ans. Aucun accord n’a pu être atteint entre les législateurs européens alors que les divisions se sont exacerbées sur les questions migratoires tant au niveau européen que national. Les débats autour de la réforme du règlement Dublin ont notamment démontré les failles de la solidarité européenne et de la politique d’asile commune. Les législateurs européens et la Commission européenne devront également atteindre un accord sur le sauvetage et le débarquement des migrants secourus en mer Méditerranée, qui appelle à la fois l’UE et les États membres à respecter leur obligations en matière de recherche et de sauvetage, de non-refoulement et droit d’asile, mais aussi à développer des voies légales d’accès pour les personnes en besoin de protection internationale. Enfin, la politique extérieure migratoire européenne s’est avant tout axée sur le renforcement du rôle et des capacités de l’Agence européenne des garde-frontières et des garde-côtes, la politique de retour et de réadmission avec les pays tiers et le contrôle des flux migratoires dans les pays d’origine et de transit. Cependant, si la baisse des arrivées irrégulières a souvent été mise en avant par la Commission européenne, les besoins de protection ont atteint un nouveau record selon les Nations unies. Cette situation devrait placer le respect du droit d’asile et des droits fondamentaux consacrés par le droit européen et international au cœur des futures politiques européennes d’asile et d’immigration (voir les propositions de Forum réfugiés-Cosi à destination des députés européens).