Rétention et zones d’attente : le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe publie un rapport sur la France
Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a publié le 24 mars 2020 un rapport relatif à sa visite effectuée en France fin novembre 2018. L’objectif de la visite était d’examiner la façon dont sont traitées les personnes retenues en vertu de la législation sur l’immigration et le droit d’asile ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont privées de liberté.
Le CPT est un organe du Conseil de l’Europe qui vise à contrôler le respect de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants sur le territoire des États signataires. Il est composé d’experts indépendants et impartiaux qui visitent régulièrement des lieux de détention à travers l’Europe afin d’évaluer la manière dont les personnes privées de liberté sont traitées.
Dans son dernier rapport sur la France publié le 24 mars 2020, la délégation du Comité a indiqué avoir visité un local de rétention administrative (LRA), quatre centres de rétention administrative (CRA) et quatre zones d’attente (ZA). Elle s’est également rendue à la frontière franco-italienne afin d’examiner la situation des personnes non admises sur le territoire français.
Le Comité a constaté peu de progrès s’agissant des formations spécialisées dont devrait bénéficier le personnel appelé à travailler au contact des personnes privées de liberté en vertu de la législation sur l’immigration, « une mission qui exige pourtant des qualités humaines et relationnelles particulières ainsi que des compétences spécifiques (psychologiques, interculturelles, linguistiques) ». Le CPT regrette également qu’il n’y ait toujours pas d’examen de santé systématique à l’admission des personnes placées dans un lieu de rétention ou une zone d’attente, en dépit de ses recommandations réitérées à ce sujet, et qu’aucune consultation de psychologue est prévue.
Quant aux conditions matérielles dans l’ensemble des CRA visités, le Comité a indiqué que, malgré les efforts faits en vue d’offrir des conditions acceptables, l’austérité des lieux (dans les zones d’hébergement et les espaces extérieurs) et la présence ostensible de dispositifs de sécurité créaient la nette impression d’un environnent carcéral. Un aspect positif a toutefois été souligné en relevant que, dans tous les CRA et dans la majorité des zones d’attente visitées, à l’exception du LRA de Choisy-le-Roi et de la zone d’attente de l’aéroport de Marseille, les personnes privées de liberté bénéficiaient d’un large accès aux cours extérieures.
Par ailleurs, la délégation a relevé un certain nombre de facteurs susceptibles d’exacerber les tensions entre personnes placées en rétention dans les CRA, notamment l’absence quasi-totale d’activités dans tous les lieux visités et le peu de contacts avec le personnel.
S’agissant des garanties procédurales, si toutes les personnes avec lesquelles la délégation s’est entretenue avaient été informées de leurs droits (avec l’assistance d’un interprète si nécessaire), les notices d’information sur les droits n’existaient souvent qu’en langue française et elles n’étaient pas toujours laissées en possession des personnes concernées.
Le Comité constate une diminution dans le nombre de mineurs, accompagnant des personnes majeures, placés en rétention en 2018 (197 mineurs, pour une durée moyenne de rétention de 40 heures) par rapport à 2017 (303 mineurs, pour une durée moyenne de 31 heures). Il rappelé également que le placement en rétention des mineurs, ainsi que la séparation des familles, devrait être évité en privilégiant les mesures alternatives.
De sérieuses réserves sont ainsi portées quant au maintien de mineurs non accompagnés dans les zones d’attente, seuls lieux de privation de liberté où ces enfants seuls peuvent être placés du fait de leur statut migratoire : en 2018, leur nombre s’était élevé à 222 en France métropolitaine, pour une durée moyenne de maintien de neuf jours environ.
La délégation a porté une attention particulière au placement en chambre d’isolement dans les CRA. S’il se félicite que ces placements soient à présent consignés dans des registres spécifiques, il a également observé que ces derniers n’étaient pas toujours bien tenus (plusieurs mentions importantes, comme l’heure à laquelle il était mis fin aux placements, manquaient). Le Comité rappelle en outre qu’il n’est pas acceptable qu’une personne retenue soit menottée et les menottes fixées à un objet fixe (par exemple un lit) lors de son placement en chambre d’isolement, une pratique à laquelle il semble être parfois recouru au CRA de Marseille-Le Canet.
En réponse à la déclaration des autorités françaises sur la possible intégration de l’utilisation de pistolets à impulsion électrique dans les CRA, le Comité a émis de sérieuses réserves quant à l’usage de ces armes dans des lieux de privation liberté sécurisés, tels que les CRA.
Concernant la situation des personnes non admises sur le territoire français, à la frontière franco-italienne, la visite dans les locaux de « mise à l’abri » à Menton-Pont-Saint-Louis a révélé des conditions matérielles très mauvaises, susceptibles de porter atteinte à la dignité des personnes qui y étaient placées. Le Comité émet de sérieuses réserves quant à la possibilité des personnes qui se voient refuser l’entrée sur le territoire de connaître leurs droits et d’être en mesure de les exercer.