Il est 09h10, lorsque nous arrivons à l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry ce jeudi 21 avril. L’avion en provenance de Paris est annoncé à 09h25. A son bord plusieurs personnes réinstallées y ont trouvé place dont une famille soudanaise composée d'un couple avec quatre enfants. Cette famille arrive d’Egypte, son pays de premier refuge après avoir fui le Soudan. Suite à un temps d’isolement, et plusieurs tests PCR, cette famille a pu finalement embarquer sur le vol réservé par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à destination de Paris.

Le ménage fait partie de la communauté Moro, ethnie peu connue et étudiée sur le plan ethnologique. Nous avons peu d’information sur les causes de l’exil de cette famille et sur le temps qu'elle a passé sur le territoire égyptien. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’OIM nous ont communiqué leurs noms, âges et certaines informations sur leur état de santé général. Tout comme nous, la famille sait très peu de choses sur ce qui les attend : qui nous sommes et là où ils seront réinstallés.

09h30… l’attente commence, nous recherchons des visages que nous connaissons via des photos présentes dans les dossiers de l’OIM, nous essayons de voir des sacs estampillés OIM parmi ceux portés par les voyageurs.

09H55, les voilà enfin, nous les reconnaissons immédiatement, grâce à leurs chariots remplis de sacs, dans lequel chacun des membres a tenté d’emporter ses souvenirs. Nous nous présentons brièvement en échangeant les quelques mots d’arabe que nous connaissons. Nous leurs indiquons que nous partons pour un trajet de 40 minutes, direction l’Arbresle, petite ville des Monts du Lyonnais. Le trajet se passe bien, nous leur montrons sur le chemin les villes et endroits emblématiques. Arrivés à l’Arbresle, nous faisons de même jusqu’à entrer dans le logement.

Dans le cadre du programme de réinstallation, les familles sont en bail de sous-location et l’ensemble des logements sont équipés avec des biens essentiels (nourriture, meubles). Cet équipement est financé par le Fonds Asile Migration Intégration (FAMI). A l’entrée dans le logement, c’est le temps des premiers échanges, des premiers sourires, mais aussi des premiers questionnements : comment se sert-on de la machine à laver, de la cuisinière ? Ici c’est la sonnette, là, la lumière. L’utilisation de l’ascenseur ou de l’électricité n’est-elle pas dangereuse ? Qu’est-ce que cet aliment ?

C’est à ce moment-là qu'émergent subitement les différences culturelles. Les arrivées via la réinstallation réduisent le temps de transition entre le pays de premier asile et le pays d’installation pérenne. Les personnes ont un parcours d’exil très réduit par rapport à d’autres réfugiés, le choc culturel est dès lors bien plus grand, en tenant compte que ces personnes se sont initialement réfugiées dans un pays voisin où les cultures sont souvent similaires.

Nous finissons la phase d’accueil dans le logement, nous installons une carte SIM sur le portable familial et indiquons nos numéros professionnels et le 112 en cas d’urgence. Nous leur installons une application de traduction pour faciliter leurs premiers échanges avec des personnes françaises. Ces échanges seront rares en cette période de pandémie, car l’ensemble des membres sont soumis à un isolement de sept jours qui se terminera par un test PCR. Nous reviendrons en fin de journée pour nous assurer que tout se passe bien et pour leur donner rendez-vous dès le lendemain, pour une réunion collective de cadrage de la prise en charge et pour enclencher les démarches administratives (dossier OFPRA, ouverture des droits etc.). Ce temps se déroulera avec une traductrice en langue arabe.