Kosovo : des tensions inquiétantes dans le nord du pays
Le 17 février 2023, le Kosovo a fêté ses 15 ans d’indépendance. Les Serbes du Kosovo s'opposant toujours à cette indépendance et demandant le rattachement du Kosovo du Nord à la République de Serbie, des violences ressurgissent dans le nord entre Serbes et forces gouvernementales depuis fin 2022
Le Kosovo, autrefois province autonome au sein de la République serbe de la Fédération socialiste de Yougoslavie, connait toujours de vives tensions avec la Serbie et des conflits interethniques au sein de la population, entre Kosovars d’origine albanaise et serbe. Les récents affrontements entre Serbes et Albanais dans les régions du nord en mai 2023 témoignent de la persistance du conflit historique avec la Serbie.
Le 31 juillet 2022 une première crise éclate entre le gouvernement du Kosovo et la minorité serbe du nord, à propos de l’interdiction des plaques d’immatriculation serbes. 50 000 Serbes du Kosovo doivent changer leurs plaques d’immatriculation pour celles délivrées par le gouvernement central de Pristina. Des centaines de policiers serbes intégrés à la police kosovare, ainsi que des juges, procureurs et autres fonctionnaires serbes, quittent leurs postes pour protester contre cette décision. Les populations protestent également, elles bloquent avec des barricades les points de passage entre le Nord et le Sud du pays. Des manifestations, des barrages routiers ainsi que des échanges de tirs et des explosions ont lieu dans la ville de Mitrovica en décembre 2022. C’est l’intervention de la KFOR (Force pour le Kosovo, mise en œuvre par l’OTAN sur mandat des Nations unies) qui met fin à ce début d’escalade en janvier 2023. Les barrages routiers sont retirés.
En avril 2023, le gouvernement organise des élections municipales, qui sont remportées par des Albanais, en raison d’un important taux d’abstention des Serbes du Kosovo. Fin mai 2023, à l’occasion de l’entrée en fonction des maires controversés, des manifestations dans les villes du Nord se transforment en affrontements entre la population serbe, la police kosovare et les soldats de l’OTAN. En tout, 90 personnes sont blessées lors de ces derniers affrontements.
Fin juin 2023, les tensions sont toujours très vives entre les Kosovars d’origine serbe et les autorités. Le site d’informations Euractiv rapporte des explosions et des attaques visant des institutions gouvernementales. D’après cette même source, plus de 30 journalistes, principalement d’origine albanaise, ont déclaré avoir été attaqués par des Serbes alors qu’ils tentaient de couvrir les manifestations et les affrontements dans le nord du Kosovo, depuis le début des tensions dans la région.
Malgré des dialogues et des efforts de stabilisation menés depuis plus de 10 ans entre le Kosovo et la Serbie, le Kosovo reste le théâtre de multiples affrontements entre Kosovars et Serbes. Pour Edward P. Joseph, spécialiste de la politique étrangère et Florent Marciacq, docteur en sciences politiques, les tensions ethniques et historiques du Kosovo ont des points communs avec le conflit en Ukraine. D’après certains chercheurs, les regains de tension pourraient profiter à Vladimir Poutine, qui, en soutenant la Serbie, crée des divisions au Kosovo mais également des troubles à l’ordre européen. Le Kosovo va-il replonger dans un conflit armé ? Si les tensions entre la Serbie et le Kosovo sont récurrentes depuis 2008, la menace d’une nouvelle guerre en Europe est réelle.
Ce contexte pourrait amener davantage de personnes à quitter le Kosovo pour chercher une protection en Europe, alors que les demandeurs d’asile originaires de ce pays étaient peu nombreux l’année dernier. En 2022, 1 062 Kosovars ont enregistré une première demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le Kosovo fait partie de la liste des « pays d’origine sûrs » (POS) de l’Ofpra, ce qui a pour principale conséquence que les demandes d’asile sont majoritairement traitées en procédure dite accélérée. Malgré ce statut de POS et les garanties procédurales moindre qui y sont attachées, le taux global de protection des Kosovars (incluant l’OFPRA et la Cour nationale du droit d’asile) s’élevait à 20,9% en 2022.