Depuis la fermeture des ports italiens aux navires de sauvetage en juin 2018, chaque opération de secours fait l’objet de négociations longues et fastidieuses entre des États membres volontaires pour se répartir les quelques dizaines de migrants secourus. L’annonce d’un système de débarquement et d’accueil n’est pas nouvelle puisque les premières propositions ont été formulées en juillet 2018 par la Commission européenne avec les « centres contrôlés » dans UE et les « plateformes de débarquement » dans des pays tiers. Ces propositions ont surtout éveillé des inquiétudes sur le respect de l’obligation d’accueil de l’UE face aux besoins de protection internationale. D’un côté, le concept de « centre contrôlé » semble s’inspirer de l’approche hotspot mise en place en Italie et en Grèce alors que cette expérience ne peut être considérée comme un modèle de référence dans l’accueil et la prise en charge des migrants et des demandeurs d’asile. De l’autre, les « plateformes de débarquement » n’ont reçu aucun écho positif des États africains et ne font pas non plus l’unanimité dans l’UE.

Cette nouvelle proposition franco-allemande pour un mécanisme de répartition systématique basé sur le principe de relocalisation entre plusieurs États volontaires est en discussion depuis décembre 2018. Les négociations se sont poursuivies sous la présidence roumaine pour élaborer un document de travail intitulé « directives générales sur des arrangements temporaires de débarquement » et présenté en juin 2019. Ce document a été établi suite à plusieurs réunions au sein du Conseil de l’UE depuis le début de l’année 2019 et se base sur les « bonnes pratiques utilisées lors des précédents cas de débarquement, et s’appuie sur le rôle de coordination de la Commission et le soutien des agences compétentes ». Ce document propose un mécanisme temporaire sur la base du volontariat pour les États membres. L’objectif présenté est de « rationaliser la gestion des débarquements » tout en s’intégrant dans un cadre légal national, européen et international. Ces arrangements temporaires ne libèrent pas les États membres de leurs obligations légales existantes ou ne les modifient pas. Ils seraient développés en parallèle et sans préjudice de la réforme en cours du régime d’asile européen commun et en particulier au règlement Dublin. Si ce dispositif cherche à mieux gérer l’accueil et la répartition des migrants dans l’UE, plusieurs inquiétudes sont à relever, notamment la procédure de prise en charge, l’organisation des entretiens sur la demande d’asile, la privation de liberté et l’usage de la rétention avant le dépôt de la demande d’asile, le rôle des agence européennes, et les garanties en cas de procédure de retour. 

Au cours de sa déclaration conjointe avec le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, et le directeur général de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Antonio Vitorino, le président français Emmanuel Macron a appelé à une meilleure coordination des parties prenantes, à la responsabilité et à la solidarité des États membres de l’UE, et au respect des règles humanitaires et du droit maritime. Pourtant, des États membres clés sur cet enjeu migratoire comme l’Italie n’ont pas participé aux négociations. Avant l’enjeu de la répartition, le lieu du débarquement et de la gestion du premier accueil restent les principales incertitudes dans les mécanismes proposées. Comme Forum réfugiés-Cosi le rappelle dans une note sur la gestion des arrivées maritimes publiée en septembre 2018, le dispositif de répartition envisagé doit garantir le respect des droits fondamentaux des migrants et des réfugiés et s’intégrer pleinement dans le cadre du régime d’asile européen commun (RAEC), lequel prévoit des garanties en matière de privation de liberté, de droit au recours et d’instruction des demandes d’asile. Le réseau européen ECRE propose par exemple d’utiliser les dispositions prévues par le règlement Dublin pour faciliter la répartition des demandeurs d’asile, d’abord par le biais du critère familial puis l’utilisation de la « clause humanitaire »  prévue à l’article 17(2) qui permet de solliciter un État membre pour prendre en charge la demande d’asile, tout en respectant les garanties procédurales prévues par le RAEC.

En amont, les mécanismes envisagés doivent s’articuler avec des dispositifs permettant une bonne organisation du sauvetage en mer. Or, les capacités de sauvetage ont été fortement amoindries suite aux multiples actions judiciaires contre les navires d’ONG et la suspension des opérations européennes de secours. Le HCR a appelé à reconnaître le rôle crucial des ONG dans les opérations de secours en mer et à ce que l’UE reprennent ses opérations.