La troisième édition de la « Semaine de l’intégration », qui se tient à partir de mi-octobre 2023 dans toute la France, est l’occasion de revenir sur le développement des politiques d’intégration des réfugiés ces dernières années. Une évolution notable, depuis la Stratégie nationale adoptée en 2018 jusqu’au déploiement actuel des programmes AGIR.

 

Pendant très longtemps, l’intégration des bénéficiaires de la protection internationale (BPI - réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire) constituait un angle mort des politiques d’asile. Le nombre de personnes protégées s’élevait à quelques milliers de personnes par an, et les pouvoirs publics considéraient généralement que l’intégration des BPI n’était pas un sujet à part entière des politiques publiques : les droits accordés à ces personnes étant proches de ceux des Français, leur situation relevait du droit commun et une orientation vers les dispositifs dédiés à l’ensemble de la population semblait suffisante.

Plusieurs acteurs accompagnant ce public avaient depuis longtemps alerté sur la nécessité de mettre en place des orientations et dispositifs spécifiques, et certains d’entre eux ont pris l’initiative de monter des programmes adaptés. C’est ainsi, par exemple, qu’est né en 2002 le programme Accelair de Forum réfugiés, en réponse à un appel à projet européen. Proposant un accompagnement global et personnalisé à tous les réfugiés d’un département, Accelair constituait une initiative assez inédite et isolée pendant très longtemps, avant d’inspirer largement le programme AGIR piloté par l’Etat à partir de 2022 et qui devrait être déployé sur l’ensemble du territoire d’ici 2024. Que s’est-il passé entre temps ?

Tout d’abord la question des réfugiés a changé de dimension d’un point de vue quantitatif en quelques années. Alors que la France enregistrait autour de 40 000 premières demandes d’asile et protégeait environ 10 000 personnes chaque année au début des années 2010, une hausse importante des demandes et des décisions accordant une protection a été constatée à partir de 2015. En 2016, plus de 60 000 premières demandes étaient enregistrées et la France accordait la protection au titre de l’asile à 36 553 personnes hors mineurs accompagnants (non comptabilisés par à cette période). Cette hausse s’est confirmée les années suivantes pour atteindre en 2022 le chiffre record de 56 276 personnes protégées (mineurs inclus) contre déjà 54 384 en 2021. Alors qu’à la fin de l’année 2012, 176 984 personnes étaient placées sous la protection de l’OFPRA, elles étaient 574 102 à la fin de l’année 2022 soit une hausse de 224% en dix ans !

Une prise de conscience a été constatée lorsque le Premier ministre Edouard Philippe a demandé au député Aurélien Taché de mener une large consultation et de rédiger un rapport sur la question de l’intégration des étrangers primo-arrivants. Dans une lettre de mission datée du 20 septembre 2017, il indique ainsi que « trop souvent par le passé, l’accueil des étrangers dont le droit au séjour a été reconnu ne s’est pas accompagné des mesures qui permettent leur pleine intégration dans la société française » et annonce que face aux « attentes de nos concitoyens à l’égard de la politique d’intégration » il est envisagé « une refonte ambitieuse de la politique d’intégration ».

Après la publication du rapport Taché le 20 février 2018, cette refonte sera concrétisée par l’adoption d’une « Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des personnes réfugiées » le 5 juin 2018. Elle décline sept priorités, afin de repenser et améliorer la politique d’intégration des étrangers en France, autour de la maîtrise de la langue, l’accès à l’emploi ou encore l’accès aux soins (voir notre article de septembre 2018 qui en résume le contenu).

Quelques années plus tard, les politiques d’intégration ont pris une nouvelle dimension. Une délégation interministérielle chargée de l’accueil et de l’intégration des réfugiés (DIAIR) a été instituée auprès du ministre de l’Intérieur au début de l’année 2018, le budget consacré à « l’intégration et l’accès à la nationalité française » est passé de 66 millions en 2013 à 543 millions en 2023 (+722%), et chaque réfugié devrait bientôt pouvoir bénéficier d’un accompagnement global sur l’ensemble du territoire grâce à AGIR.  Depuis 2021, les services de l’Etat organisent une « Semaine de l’intégration » qui permet la tenue de plusieurs centaines d’évènements (conférences, visites, expositions etc.) sur le territoire, signe de l’importance nouvelle de cet enjeu pour les pouvoirs publics.

Des difficultés d’intégration demeurent cependant. Des délais excessifs d’établissement des actes d’état civil qui freinent la délivrance d’un titre de séjour (voir notre article de juillet 2023) aux difficultés d’accès au logement dans les grandes métropoles en passant par les enjeux liés à l’emploi ou à la formation (notamment linguistique), sans oublier l’accompagnement en santé mentale, les défis sont encore nombreux pour permettre une insertion réussie dans la société française de toute personne protégée au titre de l’asile.