En 2024, plus de 70 000 personnes protégées au titre de l’asile
Plusieurs statistiques rendues publiques au début du mois de février 2025 permettent de dresser un tableau de la mise en œuvre du droit d’asile en France en 2024. La situation est notamment marquée par une baisse des premières demandes d’asile en préfecture et un nombre record de personnes protégées par les instances de l’asile.
Le ministère de l’Intérieur a publié le 4 février 2025 des statistiques provisoires sur les demandes d’asile en 2024, dans un format plus complet et détaillé que les années précédentes.
On y apprend que les préfectures ont enregistré 130 952 premières demandes au sein des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) en 2024, soit une baisse de 9,8% par rapport à l’année précédente (145 160) qui constituait un niveau record. Malgré cette tendance à la baisse, 2024 est la 4ème année où la France a enregistré le plus de primo-demandeurs derrière 2023 (145 160), 2019 (138 420) et 2022 (136 724).
Ces premières demandes ont été enregistrées principalement par des personnes originaires d’Ukraine (13 353), d’Afghanistan (10 376), de RDC (9 294), de Guinée (7 989) et de Côte d’Ivoire (6 974). L’évolution la plus significative dans le top 10 concerne l’Ukraine, qui n’y figurait pas l’année précédente (+294%), mais on remarque aussi l’entrée d’Haïti (7ème), tandis que la Russie et le Sri Lanka sortent du top 10.
La hausse de la demande ukrainienne s’explique par le souhait pour ces réfugiés de bénéficier d’une protection durable qui facilite leur accès à l’emploi et au logement, et permet de se projeter sur un avenir en France. Le dispositif de protection temporaire, prévu par le droit européen et activé en 2022, permet aux réfugiés d’Ukraine de bénéficier rapidement d’une autorisation provisoire de séjour (APS) qui donne notamment droit au travail et aux aides sociales, mais l’APS doit être renouvelée tous les 6 mois et on ne sait pas si ce dispositif européen sera prolongé au-delà de mars 2026. Fin 2024, le ministère recensait 56 314 APS (qui ne sont remis qu’aux adultes) en cours de validité. À défaut d’avoir prévu le basculement vers des statuts plus durables notamment en termes de droit au séjour, on se retrouve donc avec une demande ukrainienne qui commence à impacter fortement le système d’asile classique alors que le dispositif de protection temporaire visait justement à éviter cela.
Sur l’ensemble des premières demandes en GUDA, 20% ont été placées sous procédure Dublin (25 875) au moment de l’enregistrement, le reste (80%) étant enregistré en procédure normale ou accélérée.
À cela il faut ajouter 12 281 autres premières demandes d’asile qui sont instruites par la France sans passer par les GUDA :
- 8 846 demandes requalifiées suite à des procédures Dublin entamées les années précédentes (comptabilisées à ce titre dans les stats GUDA des années n-1) et « éteintes » car le transfert ne s’est pas réalisé
- 1 054 demandes issues de personnes réinstallées d’après le HCR (loin de l’engagement de la France portant sur 3 000 personnes).
- 2 381 demandes d’asile enregistrées en centre de rétention (donnée obtenue par déduction des précédentes).
Au total, la France a donc enregistré 143 233 premières demandes d’asile (dont 130 952 en GUDA et 12 281 en dehors). À ces premières demandes s’ajoutent 26 995 réexamens enregistrées en GUDA : ces derniers ont donc enregistré au total 157 947 demandes d’asile en 2024 (-5,5% par rapport à 2023).
Les demandes placées en procédure normale ou accélérée sont ensuite enregistrées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lorsqu’il reçoit le formulaire de demande d’asile envoyé par voie postale. L’OFPRA enregistre également en 2024 des demandes enregistrées en GUDA sous procédure Dublin les années précédentes et dont la responsabilité revient finalement à la France car le transfert n’a pas été mis en œuvre. Ces procédures Dublin « éteintes » expliquent l’écart entre les statistiques GUDA et OFPRA.
L’OFPRA a enregistré 129 440 premières demandes de protection internationale en 2024 (+4,3%), dont 440 demandes de statut d’apatridie. En incluant les réexamens, 153 596 demandes ont été enregistrées par l’Office en 2024, le plus haut niveau jamais enregistré (+7,7% par rapport à 2023).
Les principaux pays d’origine des demandeurs enregistrés à l’OFPRA en 2024 sont l’Afghanistan (12 400 premières demandes), l’Ukraine (11 800), la Guinée (10 300), la RDC (9 500) et la Côte d’Ivoire (8 800).
141 842 décisions ont été prises par l’OFPRA (un niveau jamais atteint), dont 54 369 ont attribué une protection au titre de l’asile ce qui représente un taux d’accord (historiquement haut) de 38,3% À la Cour nationale du droit d’asile, juridiction qui traite des recours en matière d’asile, 61 593 décisions ont été prises en 2024, dont 13 106 ont attribué une protection au titre de l’asile pour des adultes ce qui représente un taux d’accord de 21,3%.
Si l’on ajoute les mineurs accompagnants aux données CNDA précitées, les instances de l’asile ont protégé au total 70 225 personnes en 2024 soit 15,3% de plus qu’en 2023 : jamais la France n’avait protégé autant de personne au titre de l’asile.
Concernant les délais d’instruction, une actualité publiée par l’OFPRA le 4 février 2025 nous indique que le délai moyen de traitement par l’Office était de 138 jours en 2024 (contre 127 jours en 2023). D’après le rapport d’activité de la CNDA publié le 3 février 2025, le délai moyen constaté auprès de la Cour était de 5 mois et 9 jours en 2024 (contre 6 mois et 3 jours en 2023). Au total, une décision définitive était rendue dans un délai moyen de près de 10 mois (9 mois et 27 jours), contre 10 mois et 10 jours en 2023.
En 2024, l’OFPRA a reconstitué le nombre record de 77 300 actes d’état civil (+19% par rapport à 2023) avec un délai moyen de 10 mois et demi pour cette démarche.