Un rapport parlementaire publié le 1er avril 2025 évoque de nombreux manquements de la politique publique de protection de l’enfance. Concernant les mineurs non accompagnés, il rappelle l’application souvent défaillante du cadre juridique entourant la phase de mise à l’abri et d’évaluation de l’âge par les départements, et souligne une prise en charge à deux vitesses pour ceux qui accèdent à l’aide sociale à l’enfance.

Suite à de longs travaux, entamés début 2024 puis relancés à l’automne dans le cadre de la nouvelle législature, une commission d’enquête sur les manquements de la politique publique de protection de l’enfance présidée par Laure Miller (Ensemble pour la République) a publié le 1er avril 2025 un rapport d’enquête piloté par la rapporteure Isabelle Santiago (Socialistes et apparentés).

Une partie du rapport porte sur la situation des mineurs non accompagnés (MNA), des enfants étrangers présents en France sans représentant légal et donc dans une situation de danger nécessitant une prise en charge par les services d’aide sociale à l’enfance (ASE).

Le rapport rappelle le cadre juridique applicable lorsque ces jeunes sollicitent une telle protection, avec notamment un dispositif de mise à l’abri et d’évaluation sociale consacré par la loi en 2016 et complété ensuite par plusieurs normes législatives ou règlementaires. Il cite aussi les précédentes interpellations adressées à la France à sujet, notamment par le Défenseur des droits en 2022 ou le Comité des droits de l’enfant en 2023.

L’évaluation sociale actuellement en vigueur est discutée dans sa mise en œuvre, le rapport soulignant que le cadre juridique fait souvent l’objet d’une application défaillante : des jeunes ne sont pas considérés isolés sous prétexte qu’ils ne sont pas seuls (alors que l’isolement est normalement constitué par l’absence de représentant légal), l’évaluation de santé est réalisée de manière hétérogène, des évaluateurs pas toujours bien formés, la pluridisciplinarité est souvent non respectée, et des accueils provisoires d’urgences (mises à l’abri) ne sont pas toujours assurés malgré leur caractère obligatoire. Plus généralement, des « lacunes dans l’organisation de cette évaluation » sont soulignées, et les conseils départementaux (CD) qui n’appliquent pas le cadre légal exigeant en la matière ne sont pas inquiétés. Le manque de pilotage de l’État sur le contenu de cette évaluation de l’âge par les CD demeure un problème majeur, les préfets n’usant jamais de leur pouvoir en cas de carence pour ces situations.

Bien qu’aucun passage du rapport ne conteste le bien-fondé d’une évaluation sociale ni même les textes exigeants qui l’encadrent actuellement (complétés par des guides ou autres outils permettant de dresser un tableau précis du contenu attendu), le focus étant à juste titre porté sur l’application souvent défaillante ou incomplète de ce cadre, le rapport se contente sur ce sujet de recommander d’« actualiser le référentiel d’évaluation de la minorité ».Il est souligné par ailleurs que le jeune est « souvent très seul et mal outillé juridiquement » au cours de cette phase, ce qui plaide pour la mise en place d’un dispositif d’accompagnement voire de représentation légale à ce stade mais aucune recommandation en ce sens n’est prévue.

La défaillance de protection pour les jeunes reconnu majeurs par les départements mais sollicitant une protection auprès du juge pour enfants (voir notre article de septembre 2023) est également rappelée, les auteurs du rapport recommandant de « garantir la présomption de minorité d’une personne se présentant comme mineur non accompagné jusqu’à la décision de justice le concernant, lorsqu’il conteste la décision du département sur l’évaluation de sa minorité ».

Une autre partie concerne la prise en charge des MNA une fois qu’ils ont été admis durablement à l’ASE. Sur ce sujet, ces jeunes sont considérés comme « victimes d’une protection de l’enfance à deux vitesses », ils font l’objet d’ « inégalité de traitement entre départements » et « bénéficient souvent de conditions de prise en charge dégradées par rapport aux autres enfants ». Certains conseils départementaux continuent de placer ces jeunes dans des hôtels en contradiction avec la loi ou les orientent vers « d’autres types d’hébergement précaire ou indigne » tandis que les risques de traite comme les besoin en santé (notamment mentale) mais aussi en éducation sont généralement mal pris en compte.

La prise en charge des jeunes majeurs ex-MNA souffre de lacunes similaires. Il est notamment souligné que l’obtention d’un titre de séjour représente souvent « une grande difficulté et un facteur majeur d’incertitude, les empêchant d’envisager sereinement leur avenir », une situation aggravée par un cadre légal durci par la loi du 26 janvier 2024.

Le rapport préconise ainsi de « renforcer l’égalité de traitement entre les jeunes MNA et les autres enfants et jeunes majeurs pris en charge par la protection de l’enfance : en évaluant le niveau scolaire du jeune dès son accueil ; en renforçant son suivi en santé, notamment en santé mentale, grâce à du personnel spécialement qualifié ; en permettant aux MNA ou aux MNA devenus jeunes majeurs pris en charge par l’ASE de bénéficier d’un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ; en lui assurant une prise en charge identique à celle des autres jeunes dans le cadre du projet d’accès à l’autonomie ».

Reste à savoir quelles suites seront données par les autorités en charge de la mise en œuvre de ces politiques publiques. En conclusion de son audition dans le cadre de ce rapport, la ministre Catherine Vautrin a promis une « refondation » de l’ASE, plus que jamais nécessaire au regard des constats alarmants qui sont dressés.