Crise sanitaire : quelles adaptations du système d’asile ?
La propagation du coronavirus Covid-19 en France, comme dans l’ensemble du monde, a provoqué d’importants bouleversements dans de nombreux aspects de la vie quotidienne. L’épidémie a également entraîné une adaptation de la mise en œuvre de certains droits. Aussi, comment s’exerce le droit d’asile en France pendant cette période ?
La mise en place des mesures de confinement à partir du 17 mars 2020 a été précédée, la veille, d’une annonce portant sur une prolongation des titres de séjour en cours de validité, pour une période de trois mois. Les étrangers en possession d’une attestation de demande d’asile étaient alors assurés de ne pas perdre leur droit au maintien sur le territoire à l’expiration de ces attestations, dont les durées limitées (entre 1 et 9 mois selon les situations) nécessitent des renouvellements réguliers en préfecture.
Les premières attestations ne sont cependant plus délivrées pour les étrangers qui souhaitent introduire une demande d’asile. En effet le 23 mars, après quelques jours où des pratiques variables étaient constatées selon les territoires, la fermeture des Guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) - qui réunissent les bureaux de la préfecture et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) - a été annoncée. En pratique, une demi-douzaine de GUDA restent cependant ouverts.
Cette situation empêche l’accès aux droits afférents au statut de demandeur d’asile pour celles et ceux qui demandent protection à ce titre : droit au maintien sur le territoire grâce à l’attestation précitée, mais également accès aux droits sociaux et aux conditions matérielles d’accueil incluant notamment le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). Cette décision rendant impossible l’accès à la demande d’asile, sans précédent dans l’histoire du droit d’asile en France et non encore formalisée à ce jour, pourrait s’avérer contraire au droit international et européen – aucune dérogation dans la mise en œuvre du droit fondamental à demander l’asile n’étant prévue dans une telle situation.
L’accès à la demande d’asile à la frontière demeure également incertain. Le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a rappelé dans une déclaration du 19 mars 2020 que les mesures sanitaires « ne devraient pas avoir pour effet de fermer les voies d’accès aux régimes d’asile, ni de forcer des civils à retourner vers des situations de danger ». Cependant, dans une instruction du Premier ministre en date du 18 mars sur le contrôle des frontières mentionnant les exceptions aux refus d’entrée sur le territoire, il n’est fait aucune mention du droit d’asile.
Les demandeurs d’asile ayant enregistré leur demande sur le territoire avant la fermeture des GUDA continuent à bénéficier des conditions matérielles d’accueil. Des orientations ont lieu vers les quelques places disponibles au sein des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile, et les gestionnaires de ces lieux ont pour consigne de ne pas faire sortir les hébergés en fin de séjour (déboutés ou bénéficiaires de la protection internationale) pendant la crise sanitaire s’ils n’ont pas de solution d’hébergement. Le sous-dimensionnement du dispositif national d’accueil, qui héberge moins d’un demandeur d’asile sur deux, renvoie cependant l’essentiel des situations à la problématique plus générale des sans-abris : à ce titre, le ministère de la Cohésion territoriale a annoncé la mobilisation de plusieurs milliers de place d’hébergement d’urgence destinées aux personnes à la rue.
Concernant l’instruction des demandes d’asile, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) met à jour régulièrement une page dédiée de son site Internet où figurent les mesures adoptées : report des entretiens, suspension du délai d’instruction des demandes, renvoi de nouvelles notifications des décisions à l’issue de la crise sanitaire. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a également adopté plusieurs mesures, dont certaines sont issues des ordonnances sur l’état d’urgence sanitaire : suspension des délais liés aux recours et aux demandes d’aide juridictionnelle, suspension des audiences et report de la lecture des décisions.
Pour les demandeurs d’asile sous procédure Dublin, aucun dispositif spécifique n’a été annoncé : les procédures de transfert se poursuivent (avec cependant de nombreux obstacles à leur mise en œuvre en raison du blocage des transports aériens) et les demandeurs assignés à résidence sont toujours tenus de respecter leurs obligations de pointage régulier.
Les déboutés de l’asile ou les étrangers n’ayant pu enregistrer leur demande en raison de la fermeture des GUDA peuvent se voir notifier des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Cependant, la mise en œuvre des retours forcés est presque à l’arrêt. La demande de fermeture des centres de rétention administrative formulée par de nombreux acteurs associatifs et institutionnels n’a pas été entendue, mais les placements dans ces lieux sont peu nombreux en raison des décisions de libération prononcées par les juges des libertés et de la détention constatant l’impossibilité de mettre en place les mesures sanitaires dans ces lieux et/ou de mettre en œuvre l’éloignement.
Pour les bénéficiaires d’une protection internationale, l’OFII a indiqué la suspension des plateformes d’accueil des contrats d’intégration républicaine (CIR). L’OFPRA a également fermé son accueil dédié à ce public, en maintenant la possibilité de demander la délivrance d’actes d’état civil en ligne en cas d’urgence.
Comme dans de nombreux domaines, ces adaptations temporaires seront suivies d’autres enjeux liés à la sortie de la crise sanitaire, dans un contexte de grandes incertitudes.