L’allocation pour demandeurs d’asile, versée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) aux demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil, vise à répondre aux besoins de subsistance durant l’instruction de leur dossier. Le montant de l’ADA, qui varie selon la composition familiale, est de 6,80€ par jour pour un adulte isolé. En complément, un montant additionnel fixe de 7,40€ par jour et par ménage (indépendamment de la composition de celui-ci) est accordé lorsque le demandeur n’est pas orienté vers un hébergement dédié par l’OFII (et n’est pas hébergé par ailleurs à titre gratuit). S’agissant des modalités de versement de l’ADA, elles ont évolué en novembre 2019. La carte ADA, autrefois carte de retrait, est devenue une carte de paiement ne permettant ni de disposer d’argent liquide, ni d’effectuer des achats sur internet, ce qui a suscité de nombreuses inquiétudes (voir notre article de newsletter de septembre 2019).  

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 prévoit d’accorder une enveloppe budgétaire à hauteur de 459,3 millions d’euros au financement de l’ADA, soit une hausse de 11,5 millions par rapport à la loi de finances initiales pour 2020.

Dans un rapport relatif à ces crédits, les députés M. Jean-Noël Barrot (Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) et Mme Stella Dupont (La République en Marche), ont souligné un effort de sincérité budgétaire de la part du Gouvernement, qualifiant la dépense prévue au titre de l’ADA d’« optimiste » mais de « plausible ».  Optimiste, d’abord, car il est à noter que depuis 2015, les dépenses réelles sont supérieures aux prévisions de la loi de finance : en 2020, les dépenses réalisées pour l’ADA devraient atteindre 500 millions d’euros d’après le rapport précité. La dotation prévue pour 2021 constituerait donc une baisse d’environ 10% par rapports aux dépenses réelles de 2020. Toutefois, les rapporteurs jugent la dépense « crédible » dans la mesure où le PLF (détaillé dans un précédent article de newsletter) se fonde sur l’hypothèse d’une stabilisation du nombre de demandes d’asile et d’une réduction du délai de leur traitement par l’OFPRA, principaux leviers pour limiter la progression des dépenses au titre de l’ADA. Aussi, ils avancent que l’augmentation des places d’hébergement prévue et une meilleure gestion des versements effectués par l’OFII devraient contribuer à réduire la dépense.

Lors des débats en séance publique à l’Assemblée nationale, tandis que les députés de la majorité se félicitaient de l’augmentation du budget consacré à l’ADA, plusieurs groupes politiques ont fait connaitre leur opposition à cette revalorisation jugée trop importante pour les uns, insuffisante pour les autres.

Un député du groupe La France Insoumise a exprimé des inquiétudes sur le montant du budget ADA qu’il estime encore en-deçà des besoins réels. Il a alerté les rapporteurs, rappelant que la sous-dotation des crédits affectés à l’ADA lors des derniers exercices avait été pointée du doigt par beaucoup d’institutions, dont la Cour des comptes. À l’inverse, les députés du groupe Les Républicains (LR) ont demandé de revoir à la baisse le budget de l’ADA. Ils considèrent que le montant de l’allocation versée aux demandeurs d’asile en France est trop « attractif » (421€ en moyenne) par rapport à celui accordé en Allemagne, d’un tiers inférieur – comparaison sommaire qui ne prend cependant pas en compte l’ensemble des conditions matérielles d’accueil.


La transformation de la carte ADA a également été abordée par les auteurs du rapport précité. Mme Dupont et M. Barrot notent un taux de consommation de l’allocation supérieur à l’année précédente qui résulte selon eux de la possibilité d’utiliser l’entièreté des sommes disponibles sur la carte (là où les retraits étaient plafonnés à un minimum de 10€). Par ailleurs, ils relèvent que cette nouvelle carte a montré des avantages pendant la période d’urgence sanitaire où les demandeurs d’asile ont pu procéder à des paiements dématérialisés alors que le retrait et l’utilisation d’argent liquide étaient parfois difficiles.

Cependant, les rapporteurs regrettent l’impossibilité offerte aux demandeurs d’asile de pouvoir disposer librement de liquidités, notant que certaines dépenses de la vie courante (achats au marché, boulangerie, paiements de titres de transport à l’unité, laverie, sommes parfois nécessaires pour disposer d’un hébergement etc.) ne peuvent pas être réglées par carte bancaire. Ils conviennent à ce titre que le recours au cash back, avancé par l’OFII comme un moyen pour les demandeurs d’asile de disposer d’argent liquide, est très peu développé. Conscients de ces limites, les rapporteurs tirent donc un bilan « contrasté » de la réforme et plaident pour que la carte de paiement soit transformée en une carte mixte permettant des paiements dématérialisés et un ou plusieurs retraits dans la limite d’un plafond mensuel à déterminer.

Les rapporteurs ne sont pas revenus sur les économies réalisées pour le budget de l’État grâce à la nouvelle carte ADA. En effet, bien qu’aucun élément public n’ait été communiqué en ce sens, il semble que la raison d’être de la réforme de 2019 ait été principalement budgétaire. Avant la réforme, une partie – non connue - des frais de gestion payés par l’OFII était constituée par les frais bancaires supplémentaires facturés à chaque retrait et tentative de retrait. En supprimant les possibilités de retrait, l’OFII souhaitait supprimer ces coûts additionnels. Or, aucun élément ne permet de confirmer la réalisation d’une économie en ce sens : les crédits dédiés aux frais de gestion de l’ADA enregistrent même une hausse notable, passant de 4,7 millions en 2020 à 7,3 millions d’euros en 2021.