Loi de finances 2021 : un budget stable pour l’asile, l’immigration et l’intégration
Le projet de loi de finances, qui doit être voté avant la fin de l’année par les parlementaires, est marqué par une augmentation du nombre de places d’hébergement pour demandeurs d’asile. Dans les autres domaines, le gouvernement propose un budget globalement stable en prenant pour hypothèse un niveau constant de demandes d’asile.
Le processus législatif autour du projet de loi de finances (PLF) permet chaque année de connaître les orientations de l’année suivante dans l’ensemble des domaines de compétence de l’État. L’annexe consacrée aux crédits de la mission « immigration, asile, intégration », publiée début octobre après la présentation de l’ensemble du texte en Conseil des ministres le 28 septembre 2020, nous éclaire sur les objectifs et indicateurs visés par le gouvernement dans ce domaine.
Le budget global de la mission « immigration, asile, intégration » passe de 1,81 milliards d’euros à 1,85 d’€ (+36,8 millions d’euros / + 2%). Comme les années précédentes, la réduction des délais de traitement de la demande d’asile, l’amélioration des conditions d’accueil et d’intégration des étrangers et l’amélioration de l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière sont présentés comme les principaux objectifs poursuivis.
Le projet de loi de finances prend pour hypothèse une stabilisation des demandes d’asile adressées à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en 2021 au niveau constaté en 2019 (la crise sanitaire en 2020 ne permettant pas de considérer cette année comme significative). Dans un rapport relatif à ces crédits publié au nom de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, les députés Jean-Noël Barrot et Stella Dupont soulignent que « de 2015 à 2020, les six hypothèses d’évolution de la demande d’asile retenues dans le PLF ont été infirmées par les faits, parfois de manière importante ».
La légère augmentation des dépenses en 2021 s’explique principalement par la création de places en lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. La dynamique de création de places entamée en 2012 avait été stoppée en 2020 malgré l’importance des besoins. En 2021, 4 500 places seront créées dans des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile dont 3 000 places de CADA et 1 500 places de CAES (500 d’entre elles figurant dans les crédits du « plan de relance »). La part des demandeurs d’asile hébergés fin 2020, parmi ceux éligibles aux conditions matérielles d’accueil (la loi prévoyant que certains peuvent en être privés dans certaines situations), devrait être de 51% (contre 48% fin 2019) alors qu’il était prévu d’atteindre 63%. L’objectif pour 2021 est fixé à 65% et une « cible » à 90% est évoquée pour 2023, grâce à « plusieurs leviers » : réduction des délais d’instruction, création de places d’hébergement, renforcement de la fluidité du parc d’hébergement, et renforcement de la logique d’orientation dans le dispositif national d’accueil.
La dotation pour l’ADA prévue en 2021 est de 452,1 millions d’euros, soit 2,6% de plus que la loi de finances initiale 2020. À cela s’ajoute des frais de gestion de l’ADA à hauteur de 7,4 millions d’euros. Cependant, les dépenses réelles sont généralement supérieures aux prévisions de la loi de finances : en 2020, les dépenses réalisées pour l’ADA devraient atteindre 500 millions d’euros d’après le rapport précité des députés Barrot et Dupont. La dotation prévue pour 2021 constituerait donc une baisse d’environ 10% par rapports aux dépenses réelles de 2020.
En matière d’instruction, la demande d’asile à l’OFPRA a diminué de 33% sur les sept premiers mois de l’année 2020 par rapport à la même période de 2019. Le nombre de décisions rendues par l’Office a diminué de 38% sur cette période.
Aucun recrutement n’est prévu pour 2021. Il est précisé que les recrutements décidés pour 2020 (200 ETP supplémentaires donc 150 dédiés à l’instruction) dans la précédente loi de finances et effectifs depuis septembre, devraient permettre de traiter 170 000 à 180 000 dossiers en 2021. Si la demande d’asile se situe au niveau de 2019, cela devrait permettre d’atteindre l’objectif visé d’un traitement des demandes dans un délai moyen de deux mois.
Alors qu’il était prévu d’atteindre un délai moyen de traitement de 150 jours à l’OFPRA en 2020, cette prévision a été actualisée à 275 jours. Pour 2021, un objectif de 112 jours est fixé. Le délai de 60 jours, qui figurait dans le « plan migrants » de 2017, est à atteindre pour la fin de l’année 2023 (alors qu’il était initialement à atteindre pour 2019 puis 2020). Au niveau de la Cour nationale du droit d’asile, le délai moyen constaté pour le jugement des dossiers devrait être à la fin de l’année de 20 semaines pour les procédures accélérées et 11 mois pour les procédures normales. Pour 2021, il est prévu d’atteindre 7 semaines et 7 mois, puis d’arriver au délai légal de 5 semaines et 5 mois fin 2023. Il est rappelé que « l’objectif de délai global de la procédure devant l’OFPRA et la CNDA a été fixé à six mois » (sur cet objectif, voir notre article de newsletter de septembre 2020). A ces délais d’instruction s’ajoutent le délai pour accéder à la procédure d’asile : à ce titre, il est indiqué que les délais d’enregistrement sont passés de 18 jours en 2017 à 4,9 jours au premier semestre 2020.
Concernant l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale, le budget qui avait fortement augmenté en 2020 reste stable pour l’année prochaine. Il n’est pas prévu de créer de nouvelles places de centres provisoires d’hébergement, dont le parc s’élève à 8 710 places, ni de développer les programmes d’intégration malgré les manques constatés sur certains territoires.
Enfin, les enjeux liés à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière sont également évoqués. Il est indiqué que 8 858 retours forcés de ressortissants de pays tiers, vers des pays tiers, ont eu lieu en 2019, contre 7 105 l’année précédente. Le rapport parlementaire Barrot-Dupont précise que le nombre total d’éloignements forcés réalisés de janvier à juillet 2020 s’établit à 6 831 en métropole dont 1 333 transferts Dublin réalisés par la France vers des États européens. De janvier au 31 août 2020, 2 690 retours aidés ont été exécutés (dont 699 en faveur de ressortissants de pays soumis à visa) contre 5 119 sur la même période de 2019.
La capacité d’accueil des 21 CRA de métropole est de 1 664 places. Les opérations entamées en 2018 et visant à s’achever en 2021 porteront un accroissement des CRA de 480 places. Pour 2020, un objectif de taux d’éloignement depuis les centres de rétention administrative (CRA) est fixé à 60 % (nouvel indicateur non disponible les années précédentes). La prévision pour 2021 est de 68 %, et la cible pour 2023 est de 70%. Dans le dernier rapport inter-associatif sur la rétention publié en septembre 2020, il est fait état d’un taux d’éloignement de 49% pour les personnes placés en rétention en métropole en 2019.
Le volet « éloignement » abordé également les enjeux liés au retour volontaire. Les dispositifs de préparation au retour (DPAR), des lieux d’hébergement accompagné pour des personnes souhaitant rentrer dans leur pays, sont financés à hauteur de 8,6 millions d’euros pour 2021 sur les crédits de la mission « immigration asile intégration », pour 1 100 places. 1 500 nouvelles places de DPAR sont financées pour 2021 au titre du plan de relance. En 2019, 93% des personnes hébergées en DPAR ont été éloignées (92% au titre du retour volontaire).
Ce budget a été adopté en séance publique à l’Assemblée nationale le 5 novembre 2020. Le processus législatif se poursuit actuellement devant le Sénat.