Suite à la conférence-partage sur le Soudan, organisée par Forum réfugiés-Cosi et animée par Nordine Drici, le 16 mars 2022 (vidéo disponible en ligne), nous proposons ici un complément d’informations sur la situation économique et sociale du pays ainsi que sur les droits humains qui expliquent notamment l’exil des populations depuis ce pays. Les causes majeures de l’exil sont la violence politique, les confits périphériques, l’appartenance à une ethnie ou une minorité ethnique, religieuse ou sexuelle, ou l’engagement politique ou associatif, les problèmes d’accès à l’eau, aux biens de première nécessité, à la nourriture et à  la santé et le risque de mutilation  génitale féminine. Fin 2021, 2,5 millions de personnes étaient déplacées. En France, 1 222 demandes d’asile de Soudanais (hors mineurs accompagnants) ont été déposés en 2020 et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a accordé la protection à 54% des décisions concernant les Soudanais cette même année.  

Contexte 

Après la destitution du président Omar el Béchir en 2019, le gouvernement de transition avait réussi à avancer sur certains dossiers de réformes attendus de longue date. Ainsi, la législation sur les châtiments corporels a été modifiée, et les mutilations génitales féminines étaient désormais sanctionnées pénalement.

Cependant, le 25 octobre 2021, l’armée organise un coup d’État et s’empare du pouvoir à Khartoum. Elle dissout le gouvernement civil et impose l’état d’urgence dans tout le pays. Des manifestations éclatent alors en représailles. L’armée ouvre le feu sur les manifestants, faisant au moins sept morts et plus de 140 blessés. L’état d’urgence est rétabli. Un accord est signé par l’armée le 21 novembre 2021 afin de réintégrer le Premier ministre évincé, mais la crise persiste : le peuple reste hostile et méfiant face à l’armée et ses agissements, malgré les initiatives de médiation des Nations unies.

Plusieurs groupes sont responsables des conflits et violences dans le pays : des milices armées qui agissent en toute impunité dans des zones géographiques identifiées, comme le Darfour. Mais aussi d’autres acteurs gouvernementaux (armée soudanaise, services de renseignements etc.)

Un pays en difficulté économique et sociale

Grâce à la mise en place d’importantes réformes économiques, le Soudan a obtenu des institutions financières internationales un allègement de sa dette de 20,5 milliards de dollars des États-Unis. Mais, un grand nombre d’organisations internationales ont suspendu leurs programmes d’aide économique à la suite du coup d’État, ce qui a mis en péril les résultats obtenus auparavant.

Selon Le Monde, quatre mois après le coup d’Etat, tous les indicateurs économiques sont au rouge : inflation galopante, effondrement des exportations, risques de pénurie etc. Les autorités cherchent désespérément des soutiens, notamment auprès de la Russie (presque 50 % du blé consommé au Soudan provient de la Russie). Les réserves diminuent à vue d’œil et les boulangeries soudanaises s’attendent à encore augmenter le prix du pain, alors que l’inflation pesait déjà sur les habitants.   L’insécurité alimentaire grandit  et l’accès à la santé se complique : depuis 2015, un tiers des établissements de santé publique n’étaient pas entièrement opérationnels, en raison du manque de personnel et d’infrastructures physiques déficientes.

Selon Nordine Drici, les progrès sociaux restent très fragiles, notamment sur les droits des femmes : les mariages précoces sont autorisés par la loi soudanaise, qui fixe à 10 ans l’âge minimum du  mariage pour les filles. La volonté de fixer l’âge minimum du mariage à 18 ans se heurte à l’opposition des conservateurs religieux. La traite des femmes et le travail forcé, notamment des ressortissantes éthiopiennes, érythréennes et somaliennes persistent.

Des violations majeures des droits fondamentaux

Pour Amnesty International, les modestes progrès réalisés par le gouvernement de transition en vue de l’amélioration de la situation des droits humains ont été réduits à néant après ce coup d’État militaire d’octobre.

Entre 2020 et 2021, des violations majeures des droits fondamentaux de la part de l’armée et du gouvernement ont été relevées. Les forces de sécurité ont utilisé toutes formes de violence, parfois meurtrière, pour stopper les protestations contre le coup d’État. Les autorités militaires ont eu recours à la détention arbitraire de longue durée. Elles ont arrêté et maintenu au secret des dizaines de responsables et militants politiques de la société civile. Internet et les services de télécommunications ont été régulièrement interrompus, et des journalistes ont été attaqués. Des enfants ont été recrutés de forces par les groupes armés.  De plus des violences sexuelles par des membres de milices armées et des forces de sécurité du Soudan ont été révélées.

 

Photo d'illustration : © EU/ECHO/Anouk Delafortrie