Budget 2025 : non à la suppression de 6 500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile
© Guillaume Fauveau/Hans Lucas pour Libération
Nous comptons de longue date parmi les principaux acteurs de l'accueil des personnes étrangères et notamment de celles qui y sollicitent la protection de notre pays en application du droit d'asile. Aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de demandeurs d’asile et de réfugiés sont accueillis et accompagnés dans nos associations. Cette mission est le fruit de l’engagement commun de nos associations, des agents des différentes administrations de l’Etat et des collectivités locales, et nous sommes honorés de mettre en œuvre ce droit constitutionnel au nom de l’ensemble des Français.es.
Nous exerçons cependant cette mission dans un contexte qui se dégrade depuis quelques années en dépit des efforts budgétaires passés. Alors que l’évolution des normes et pratiques ne cesse de complexifier notre système d’asile, le projet de loi de finances pour 2025 actuellement étudié suscite une forte inquiétude en ce qu’il risque d’affaiblir l’exercice de ce droit fondamental. Le texte en discussion prévoit en effet la fermeture de 6 500 places d’hébergement destinées à accueillir les demandeurs d’asile, fermeture à laquelle s’ajoute la fin du financement de 2 895 places prévues en 2024 mais non-ouvertes, ou de places non-reconstituées en 2024, ce qui revient à diminuer de 9 324 places la capacité du dispositif national d’accueil (DNA) pour les demandeurs d’asile.
Ces propositions, reviennent à diminuer de près de 9% la capacité du DNA pour les demandeurs d’asile et interviennent alors même que plusieurs dizaines de milliers de personnes en demande d’asile n’accèdent déjà pas aujourd’hui à un centre d’hébergement dédié à leur situation, faute de places en nombre suffisant, et qu’une autre partie d’entre elles sont privées du droit d’y accéder.
Ces restrictions constituent par ailleurs une économie en trompe-l’œil car elle aurait, en plus d’aggraver la situation des personnes, des répercussions financières sur d’autres domaines du budget de l’asile ou d’autres missions du budget de l’État – notamment l’hébergement d’urgence de droit commun - ainsi que sur le budget d’autres collectivités ou organismes.
Supprimer 6 500 places d’hébergement, c’est prendre le risque de remettre autant de personnes à la rue. Un nombre croissant de personnes nouvellement arrivées seraient ainsi privées de l’accès à un hébergement accompagné, qui constitue pourtant un élément structurant du système d’asile et participe des conditions nécessaires à une instruction de qualité, tant pour les demandeurs que pour les instances de détermination de l’asile. Elles seraient ainsi exposées à une dégradation de leur état de santé, à des agressions, à des risques d’exploitation - à l’ensemble des violences que représente la vie à la rue ou dans les campements. Cette proposition d’économies est donc court-termiste et contre-productive.
Garantir des conditions d’accueil dignes aux hommes, femmes et enfants qui demandent la protection de la France est non seulement, et en premier lieu, vertueux, mais aussi s’agissant de l’efficacité de nos politiques publiques. Bien accueillir les demandeurs d’asile, c’est garantir l’efficacité de notre système d’asile et se donner l’opportunité d’aborder au mieux les défis de l’intégration auxquels seront confrontées par la suite les personnes qui obtiennent une protection.
Les personnes que nous accompagnons font aujourd’hui face à de nombreux blocages, que les restrictions budgétaires pourraient aggraver. Les possibilités de sorties des centres d’hébergement à l’issue des décisions sur les demandes d’asile ne cessent de d’être obstruées faute de logements pour les personnes bénéficiaires d’une protection internationale et de solutions durables pour les personnes. Il est ainsi indispensable dans ce contexte de travailler prioritairement à chercher les voies d’une meilleure « fluidité » du système de prise en charge, ce qui, dans sa gestion opérationnelle par l’État, passe par le dialogue respectueux et exigeant avec les associations et les possibilités de sorties.
C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de François Bayrou et aux parlementaires de consacrer à la pleine mise en œuvre du droit d’asile les moyens nécessaires au titre de la loi de finances en discussion, en ne donnant pas suite aux baisses de nombre de places et de moyens envisagés.
Il est encore temps de suspendre les instructions actuellement mises en œuvre par les préfectures concernant les fermetures de places d’accueil pour les demandeurs d’asile et de préserver le budget permettant d’assurer des missions qui contribuent au respect de droits fondamentaux indispensables à l’équilibre de notre société, dans l’intérêt de l’ensemble des habitants du pays.
Signataires :
Sylvie Guillaume, Présidente de Forum Réfugiés
Pascal Brice, Président de la Fédération des acteurs de la solidarité
Najat Vallaud-Belkacem, Présidente de France Terre d’Asile