Birmanie: l’armée au pouvoir réprime les opposants et affame la population
Plus d’un an après le coup d’État militaire qui a renversé Aung San Suu Kyi et mis fin à une parenthèse démocratique de dix ans, l’armée (la « Tatmadaw ») se livre à des violences et à des abus dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre des civils. Au printemps 2022, 14 millions de personnes avaient besoin d’aide humanitaire dans le pays.
En Birmanie (ou Myanmar), 13 mois après le coup d’état militaire, il n’y a pratiquement plus d’espace civique. La répression se traduit par une surveillance intense des opposants, notamment par des moyens numériques, des répressions de manifestations, des arrestations arbitraires, de la torture, mais également par des meurtres de civils et des massacres. Dans le cadre de sa guerre contre la résistance, l’armée bloque aux populations les accès aux ressources dans le but d’écraser toute opposition.
Il y a un an : arrivée de la junte au pouvoir et répression immédiate des opposants
Le 1er février 2021, les militaires prennent le pouvoir et arrêtent Aung San Suu Kyi ainsi que d’autres hauts responsables de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD). Les manifestations s’opposant à la junte sont immédiatement réprimées de manière très violente. Le 27 mars 2021, 163 manifestants sont tués.
L’opposition s’organise, d’abord au niveau politique. Un gouvernement d'unité nationale (NUG) nait quelques semaines après le coup d'État militaire dans l'objectif de rétablir la démocratie. Le NUG est qualifié d'organisation « terroriste » par la junte. L’opposition prend les armes. Le 5 mai 2021, le gouvernement d’unité nationale annonce la création des Forces populaires de défense (FPD) pour lutter contre la « violence contre la population et les attaques militaires ». Plusieurs groupes de résistances armées se forment alors dans différentes régions du pays et zones ethniques : organisations armées ethniques (OAE) et Forces populaires de défense (FPD).
Graves abus de l’armée contre les opposants et les civils
Les forces de sécurité usent de méthodes brutales contre les opposants comme des arrestations, des détentions et de la torture. « Des sources crédibles indiquent que les forces de sécurité ont détenu plus de 12 500 personnes, dont 9 500 sont toujours en détention, y compris au moins 240 enfants », a déclaré en mars 2022 la Haute-commissaire Michelle Bachelet devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
La guerre entre l’armée et les opposants provoque des déplacements de populations et des morts dans les populations civiles. En effet, dès le début de la répression, l’armée birmane lance des frappes aériennes aveugles et incendie des centaines d’habitations. Un rapport des Nations unies de mars 2022 évoque également des massacres, et détaille notamment celui de juillet 2021 dans la région de Sagaing où 40 personnes ont été tuées. Des villageois auraient trouvé les restes de certaines victimes avec les mains et les pieds encore attachés dans le dos. Dans l’État de Kayah, « des soldats auraient brûlé en décembre dernier les corps d’une quarantaine d’hommes, de femmes et d’enfants ». Selon l’ONG Human Rights Watch, un après le coup d’État, les forces de sécurité ont tué plus de 1 600 personnes et en ont arrêté plus de 12 000.
La stratégie des « quatre coupes » : couper les vivres et affamer la population
L’armée emploie des techniques de ripostes et d’étouffement des opposants en bloquant les accès aux ressources et aux soins, qui affectent directement les populations civiles
En décembre 2021, Amnesty international avait déjà alerté sur les agissements de l’armée qui affame délibérément la population et l’empêche d’accéder à des soins de santé, tout cela dans une volonté d’écraser la résistance armée au coup d’État. Amnesty international explique plus précisément dans son rapport annuel paru en mars 2022 que « l’armée a utilisé sa stratégie des « quatre coupes » pour barrer l’accès des organisations armées ethniques (OAE) et des Forces populaires de défense (FPD) au financement, au ravitaillement, aux renseignements et au recrutement, avec des conséquences dévastatrices pour la population civile. »
Depuis plus de 60 ans, l’armée applique cette stratégie des « quatre coupes » dans les zones frontalières du pays, barrant l’accès aux ressources essentielles afin de détruire la base de soutien des organisations armées ethniques qui luttent pour l’autodétermination. Aujourd’hui, elle étend cette tactique à des zones où sont apparues les groupes armés d’opposition. L’armée empêche les personnes de se procurer de la nourriture, de l’eau et des médicaments, en bloquant les routes et en arrêtant les convois d’aide vers les populations déplacées à cause des combats, qui se retrouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité.
La mise en œuvre de la stratégie des « quatre coupes » par l’armée a des conséquences dévastatrices pour la population civile. Au 25 avril 2022, selon les chiffres de l’Unicef, 578 200 personnes étaient déplacées à l’intérieur du pays en raison des affrontements armés et de l’insécurité depuis le coup d’État et au moins 14 millions de personnes ont désormais besoin d’assistance humanitaire.