Dès le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 des milliers de Russes sont descendus dans la rue pour protester. Près de deux mille manifestants ont été arrêtés par la police dans la même journée.

L’organisation OVD-Info, basée à Moscou, recense sur son site internet 16 437 détentions liées à des actions contre la guerre en Ukraine depuis le 24 février 2022 (site internet consulté le 29/08/2022). La plupart des personnes ont été arrêtées lors des rassemblements du 6 mars 2022 (plus de 5 558 personnes dans 77 villes de Russie). Parmi elles, au moins 94 journalistes. D’après l’ONG Human Rights Watch, les avocats et les défenseurs des droits qui tentent de soutenir les personnes persécutées pour leur position anti-guerre sont soumis également à des menaces, à des violences physiques de la part des policiers, des arrestations, des fouilles des appartements.

Le rapport Russian Federation: Political protests and dissidence in the context of the Ukraine invasion publié par l’ONG ACCORD en mai 2022 montre à quel point l’espace démocratique est complètement réduit à néant en Russie. Plus personne ne peut s’exprimer librement et publiquement, sur le gouvernement et la guerre en Ukraine. La presse est muselée. Depuis plusieurs années déjà, les médias indépendants subissent un contrôle croissant avec des pressions directes sur les rédactions ou des rachats par des investisseurs proches du pouvoir. Le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine, le service de régulation a ordonné à tous les médias de n’utiliser que des sources d’information officielles, approuvées par l’État, au risque de s’exposer à de graves sanctions pour diffusion de « fausses informations ». Les termes « guerre », « invasion » et « attaque » étaient tous interdits pour décrire les actions militaires de la Russie en Ukraine. Le régime surveille également depuis plusieurs années les réseaux sociaux. Les plateformes internet les plus utilisées (Facebook, Twitter, Instagram) ont été interdites dès mars 2022, et les anciennes publications sont encore surveillées.

L’ONG Freedom House décrit dans son rapport sur la liberté sur internet en 2021 comment le gouvernement russe a accru la pression sur les activités sur Internet, notamment en ce qui concerne l'organisation de manifestations. La loi russe oblige les entreprises nationales et étrangères à stocker les données personnelles des citoyens sur des serveurs physiquement situés dans le pays. Les fournisseurs de télécommunications doivent fournir au ministère de l'Intérieur et au FSB (Service fédéral de sécurité) un accès à distance continu aux bases de données des clients, y compris les communications téléphoniques et électroniques, leur permettant de suivre les communications privées et de surveiller l'activité Internet à l'insu du fournisseur.

D’après les sources citées dans le rapport d’ACCORD précité, les personnes critiquant le régime sont accusées de diffamation et de diffusion d’informations fausses sur l’armée. Les lois russes érigent en crime la diffamation depuis 2012. Les premières lois sur le « manque de respect à l’État » et la diffusion de « fausses informations » datent de 2019. Une nouvelle loi adoptée le 4 mars 2022 criminaliste encore plus la diffusion de «fausses informations» discréditant l’armée russe ou les fonctionnaires russes à l’étranger, une opinion antiguerre est susceptible désormais non seulement de déclencher une amende de plusieurs milliers de dollars, mais aussi une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison ferme, voire jusqu’à quinze an. 

En dix ans, 60 000 procédures judiciaires ont été ouvertes contre des opposants ou des voix critiques, dont 16 000 au cours des deux derniers mois, selon le calcul de la rédaction du journal indépendant russe Novaïa Gazeta cité dans Le Monde du 8 mai 2022.

Le blocage des sites Internet et la menace de poursuites pénales ont donné lieu à un exode de journalistes de Russie. Des milliers de Russes ont quitté le pays depuis la guerre. Il s’agit principalement des acteurs politiques et de la société civile, des journalistes indépendants, ainsi que de nombreux individus politiquement inorganisés qui ne voient pas d'avenir pour eux-mêmes dans le pays et peuvent se permettre de partir. Les jeunes hommes fuient pour éviter le service militaire.