Un rapport, paru le 31 août 2022 et intitulé « OHCHR Assessment of human rights concerns in the Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Republic of China », présente les conclusions des investigations du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH / OHCHR) sur le traitement des minorités musulmanes dans le Xinjiang de 2017 à 2019 : il conclut que de « graves violations des droits de l’homme » sont commises à l’encontre des Ouïghours et d’autres communautés majoritairement musulmanes. A l’occasion de la parution du rapport, Michèle Bachelet, Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a indiqué que « l’ampleur des détentions arbitraires à l’encontre des Ouïghours et d’autres personnes » peut constituer « des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité », dans un contexte de « restrictions et privations plus générales des droits fondamentaux individuels et collectifs ».

Le Xinjiang est la plus grande région de Chine, située à l’ouest, avec une population de 25,85 millions d'habitants.

En 1953, plus de 75 % de la population totale de la région était constituée de Ouïghours, qui sont majoritairement musulmans sunnites, les Chinois Han ne représentant alors que 7 % de la population. Aujourd’hui, il y aurait environ 45% d’Ouïghour et 42% de Chinois. « Ces changements semblent être en grande partie la conséquence de la migration ethnique des Han vers les régions occidentales, suite aux incitations des politiques gouvernementale », peut-on lire dans le rapport du HCDH. Les autres groupes ethniques à prédominance musulmane vivant dans la région comprennent les Huis, les Kazakhs, les Kirghizes, les Mongols et les Tadjiks.

De 1990 à fin 2016, le Xinjiang est le théâtre d’attentats terroristes menés par des forces séparatistes. En juillet 2009, des émeutes entre Ouïghours et Hans éclatent dans la capitale régionale Urumqi, faisant de nombreux morts et blessés. Le gouvernement chinois met en place une politique sécuritaire sévère et qui vise directement les Ouïghours. Des attaques terroristes perpétrés par des Ouïghours à Pékin en 2013 puis à Kunming et Urumqi en 2014, ne font que renforcer les mesures extrêmes prises par le gouvernement pour oppresser la population ouïghoure.

Fin 2017, le HCDH commence à recevoir de plus en plus d'allégations de la part de divers groupes de la société civile selon lesquelles des membres de la communauté musulmane ouïghours et d'autres communautés ethniques minoritaires musulmanes avaient disparus.

Le 16 novembre 2019, le New York Times dévoile des documents officiels chinois qui exposent la politique répressive menée par le gouvernement à l'encontre des Ouïghours. Ces documents montrent que dès 2014, après l'attaque d'une gare par des militants ouïghours qui avait fait 31 morts, le président chinois Xi Jinping a donné l’ordre d’être « sans aucune pitié contre le terrorisme et le séparatisme ». La Chine lance la campagne « Frapper fort », pour lutter contre « le terrorisme, l’extrémisme religieux et le séparatisme ».

Dans ce contexte, des camps officiellement appelés “camps de rééducation politique” servent de prisons. Les personnes interrogées par les enquêteurs du HCDH ont déclaré avoir été arrêtées puis intégrées de force dans ces lieux. Aucune personne n’a pu avoir un avocat pour contester l’intégration dans ces « établissements de formation », aucune n’a été informée de la durée du séjour. Ce séjour durait entre 2 et 18 mois, les personnes ne pouvaient pas sortir de l’établissement. Les rares visites et appels téléphoniques étaient surveillés. Le rapport indique ainsi que « sur la base des informations examinées, il est raisonnable de conclure qu'un schéma de détention arbitraire à grande échelle s'est produit dans les établissements, au moins entre 2017 et 2019, affectant une proportion importante des Ouïghours et d'autres minorités ethniques à prédominance musulmane ».

Deux tiers des vingt-six anciens détenus ont déclaré avoir été soumis à des traitements équivalant à de la torture et/ou à d'autres formes de mauvais traitements, soit dans les établissements eux-mêmes, soit dans le cadre de processus d'orientation vers des établissements. Certains ont également évoqué diverses formes de violences sexuelles, dont certains cas de viol, touchant principalement les femmes.

Parallèlement à l'orientation massive de personnes vers ces centres, il semble qu'il y ait eu une augmentation marquée des arrestations criminelles, des condamnations et de l'imposition de longues peines de prison.

Le gouvernement a mis également en place des systèmes de surveillance généralisée et de nombreux points de contrôle limitant les libertés de circulation des personnes dans le Xinjiang. 

Plusieurs femmes ouïghoures et également kazakhes, interrogées par le HCDH, ont parlé de contraception forcée, en particulier de poses forcées de dispositifs de contraception, et de stérilisations forcées. Certaines femmes ont évoqué le risque de sanctions sévères, notamment «l'internement» ou «l'emprisonnement» pour « violation de la politique de planification familiale ». 

En 2021, Amnesty International avait publié un rapport sur l’emprisonnement, la torture et la persécution – systématiques, de masse et organisés par l’État chinois. Les révélations portées jusqu’alors par la société civile (chercheurs, journalistes, ONG) sur les internements massifs, la campagne de rééducation idéologique, de stérilisations et de contraceptions forcées, de travail forcé, de torture et de violences sexuelles dont sont victimes les Ouïgours sont donc aujourd’hui confirmées et documentées par l’ONU.