Ukraine : des risques spécifiques pour les enfants placés en institution dans les zones de conflit
Un rapport publié en mars 2023 par l’organisation Human Rights Watch documente la situation des enfants ukrainiens placés en institution dans leur pays. Alors que 90% d’entre eux ont des parents et sont placés principalement en raison de leur pauvreté ou d’un handicap, ils sont menacés de transferts forcés vers la Russie.
Avant l’invasion de la Russie en février 2022, l’Ukraine comptait déjà plus de 700 institutions résidentielles pour enfants, dont la grande majorité a été construite avant 1991, sous l'Union soviétique. Plus de 105 000 enfants y vivaient, le chiffre le plus élevé d’Europe après la Russie. Près de la moitié étaient des enfants handicapés, d’après l’UNICEF.
Un rapport de Human Rights Watch intitulé « We Must Provide a Family, Not Rebuild Orphanages » (« Nous devons fournir un foyer familial, et non reconstruire des orphelinats »), publié le 13 mars 2023, est basé sur des recherches menées par l’ONG en Pologne et en Ukraine entre mars et mai 2022. Il documente les risques encourus par les enfants vivant dans des institutions situées dans les zones directement touchées par le conflit.
Human Rights Watch rappelle qu’au moins 100 institutions hébergeant plus de 32 000 enfants avant 2022 se trouvent aujourd’hui dans des régions partiellement ou totalement sous occupation russe, selon les chiffres fournis par le gouvernement ukrainien. Après le début des attaques russes, la plupart des enfants placés en institution ont été renvoyés dans leurs familles.
On peut lire dans ce rapport que « plus de neuf enfants sur dix hébergés dans des institutions ukrainiennes ont des parents qui jouissent de tous leurs droits parentaux et ont été placés en institution en raison de la pauvreté de leur famille, d’une vie difficile, ou parce que l’enfant souffre d’un handicap. ». Une étude nationale menée fin 2015 sur toutes les institutions pour enfants en Ukraine a révélé que seulement 9,3 % des enfants placés en institution étaient orphelins ou avaient des parents dont les droits parentaux avaient été annulés.
En mai 2022, le parlement russe a modifié la loi pour permettre aux autorités de donner la nationalité russe aux enfants ukrainiens, facilitant ainsi leur mise sous tutelle et leur adoption par des familles russes en Russie. Cette procédure devait concerner uniquement les mineurs considérés comme orphelins ou sans protection parentale. Les Russes qui adoptent des enfants ukrainiens reçoivent alors une allocation mensuelle supplémentaire.
En novembre 2022, un rapport d’Amnesty International documentait déjà la déportation et l’adoption forcée en Russie d’enfants ukrainiens. Les autorités russes affirmaient alors que ces mineurs étaient orphelins, ce que conteste l’ONG.
Le rapport de Human Rights Watch dénonce le transfert forcé par la Russie d’enfants d’institutions d’hébergement ukrainiennes vers la Russie ou vers les territoires occupés par la Russie : en effet, selon les déclarations des autorités russes, d’activistes et d’avocats ukrainiens, et des informations publiées dans la presse, plusieurs milliers d’enfants au moins ont été transférés de force vers la Russie, ou vers d’autres territoires occupés par elle. Au total, le Service national d'information ukrainien a signalé que plus de 16 000 enfants avaient été expulsés vers la Russie en janvier 2023, notamment par des camps de vacances en Russie où les enfants ne sont pas rentrés, ou y ont été inscrits de force.
En mars 2023, la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt contre le Président russe Vladimir Poutine, en lien avec les crimes de guerre présumés. : il est notamment fait mention de la déportation et du « transfert illégal » d’enfants de territoires occupés d’Ukraine.