Haïti est depuis longtemps confronté à de multiples crises, mais la situation sécuritaire a pris une ampleur nouvelle ces derniers mois. La prolifération et l’extension des gangs fait notamment régner un climat de terreur, ce qui a amené la Cour nationale du droit d’asile en France à qualifier la situation de « conflit armé interne ».

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a estimé dans une décision datée du 5 décembre 2023 que la situation prévalant actuellement en Haïti constitue un « conflit armé interne » permettant l’octroi du droit d’asile (plus précisément de la protection subsidiaire). La Cour considère ainsi qu’à Port-au-Prince, dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite « la violence aveugle est à un degré exceptionnel ouvrant la voie à l’octroi d’une protection sans personnalisation » et « tout civil haïtien de retour relève du champ de la protection subsidiaire puisqu’il serait contraint de transiter par Port-au-Prince, où sévit une violence aveugle d’intensité exceptionnelle, tout asile interne étant exclu. »

La Cour s’appuie sur des sources d’information mettant en lumière un « triple phénomène de prolifération des gangs en Haïti, de « fédéralisation criminelle » et de sophistication de leur équipement depuis ces dernières années, ainsi qu’une intensification du ciblage des civils. ». Un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, paru en novembre 2023, explique ce phénomène des alliances entre gangs et leur expansion notamment dans des zones rurales auparavant considérées comme sûres.

Selon ce rapport, 300 gangs font régner un climat de terreur en Haïti. Les groupes criminels constituent des alliances afin d’augmenter leur puissance d’action. Ces alliances sont opportunistes, éphémères ou durables, et des rivalités entre les coalitions en découlent, ce qui augmente encore les violences.

Près de 80 % de la région de la capitale Port-au-Prince est sous influence, voire sous le contrôle direct, de gangs armés. Mais la violence des gangs s’étend aussi en dehors de la capitale. La coalition criminelle nommée « G-Pèp » contrôle une partie de territoire le long de la côte entre Port-au-Prince et la région Artibonite, ainsi qu’une partie de la route nationale n°1. Les villes sont isolées et des personnes sont enlevées dans les villages ou sur la route nationale n°1 pour forcer leurs familles à payer les rançons (plus de 1 118 personnes concernées entre janvier 2022 et octobre 2023).

Le trafic d’armes sophistiquées prolifère, comme le souligne l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) dans une communication du 25 janvier 2024.

Dans la région du Bas-Artibonite (au nord de Port-au-Prince), les populations locales sont exécutées lors d’attaques de villages considérés comme « rivaux ». Entre janvier 2022 et octobre 2023, au moins 110 attaques de ce type ont été documentées dans 17 localités de l’Artibonite, il y a eu au moins 350 victimes de meurtres, 226 victimes de blessures et 1 118 victimes d’enlèvements uniquement dans l’Artibonite. Au niveau national, de janvier à octobre 2023, plus de 8 000 personnes ont été tuées, blessées ou enlevées par des gangs. Si la majorité des victimes de meurtre sont des hommes, les femmes et les enfants sont les principales victimes, au sens plus large, des violences des gangs. En effet, les gangs recrutent des mineurs pour leurs opérations, notamment comme informateurs ou comme gardiens des personnes kidnappées. Ils ont aussi recours au viol contre les femmes comme arme de guerre.

Les crimes demeurent impunis, en raison de la faiblesse du système judiciaire. La police et la justice manquent de moyens pour lutter contre les gangs, et sont également la cible des violences.

D’après les chiffres les plus récents de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en décembre 2023, plus de 310 000 personnes étaient déplacées à l'intérieur du pays. Le pays est confronté à de multiples crises : outre la violence des gangs, Haïti est régulièrement touchée par les risques naturels, tels que les tremblements de terre, les tempêtes et les inondations. Le système de santé haïtien est au bord de l'effondrement, en raison d'un manque de financement et d'un exode du personnel qualifié.