Suspension du programme de réinstallation des États-Unis : quel impact pour les réfugiés dans le monde ?
Le premier jour de son second mandat, Donald Trump a suspendu le programme national de réinstallation des États-Unis. Cette décision justifiée par « l’intérêt du pays », rompt avec la tradition d’accueil des réfugiés dans ce pays leader de la réinstallation à l’échelle internationale et impacte directement des milliers de réfugiés dans le monde.
La réinstallation est le fait d’accueillir des réfugiés, particulièrement les plus vulnérables, depuis un pays de premier asile dans lequel le soutien dont ils ont besoin n’est pas assuré vers un pays où une intégration durable est envisageable. La réinstallation constitue une voie sûre et légale vers une protection effective, ainsi qu’une forme de solidarité avec des pays tiers accueillant un grand nombre de personnes fuyant les guerres et les persécutions.
Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime qu’environ 2,9 millions de réfugiés auront besoin d’être réinstallés en 2025, ce qui est plus du double par rapport en 2021. Les besoins de réinstallation augmentent ainsi d’année en année.
Les États-Unis ont souvent été les leaders mondiaux de la réinstallation et ont établi un dispositif très élaboré pour mettre en place ces programmes autour de grandes ONG qui accompagnent les personnes depuis les pays de premier asile jusqu’à leur insertion aux États-unis. Au cours de l’exercice financier qui s’est terminé le 30 septembre 2024, plus de 100 000 réfugiés ont été réinstallés aux États-Unis, soit le plus grand nombre en près de trois décennies (les chiffres les plus bas correspondant au premier mandat de Donald Trump).
Le 20 janvier 2025, soit le jour de la seconde investiture de Donald Trump, ce dernier a signé un décret suspendant le programme d’admission des réfugiés (U.S. Refugee Admissions Program - USRAP), débuté en 1980, à partir du 27 janvier 2025.
Le décret explique que « les États-Unis n’ont pas la capacité d’absorber un grand nombre de migrants, et en particulier de réfugiés, dans ses communautés d’une manière qui ne compromet pas la disponibilité des ressources pour les Américains, qui protège leur sécurité, et qui assure l’assimilation appropriée des réfugiés » et précise que « cet ordre suspend [donc] le USRAP jusqu’à ce que l’entrée de réfugiés aux États-Unis soit conforme aux intérêts des États-Unis. »
Le Secretary of State et le Secretary of Homeland Security (ministre des Affaires étrangères et ministre de la Sécurité intérieure) peuvent décider conjointement, au cas par cas, à leur discrétion, d’admettre des étrangers aux États-Unis comme réfugiés, mais seulement dans la mesure où ils déterminent que l’entrée de ceux-ci est « dans l’intérêt national et ne constitue pas une menace pour la sécurité ou le bien-être des États-Unis ». C’est sur cette base que repose le décret signé par D. Trump, qui s’écarte cependant de l’approche individuelle initialement envisagée pour proposer une suspension générale de la réinstallation.
Dans les 90 jours suivant la date du décret, le ministre de la Sécurité intérieure, en consultation avec le ministre de l’Intérieur, doit soumettre un rapport au président par l’intermédiaire du conseiller à la sécurité intérieure, pour déterminer si la reprise de l’entrée des réfugiés aux États-Unis en vertu du USRAP serait dans l’intérêt du pays. Il soumettra ensuite des rapports tous les 90 jours jusqu’à ce que « je [Donald Trump] détermine que la reprise du USRAP est dans l’intérêt des États-Unis ».
Il est à noter que le programme de réinstallation a considérablement stimulé l’économie américaine, contribuant à un impact positif net de 124 milliards de dollars de 2005 à 2019, d’après le ministère américain de la Santé et des Services sociaux (U.S. Department of Health and Human Services).
De plus, la suspension concerne également le programme de parrainage Welcome Corps, lancé en 2023, qui vise à améliorer le USRAP en permettant aux Américains et aux résidents permanents admissibles de parrainer directement les réfugiés pour leur réinstallation ; les parrains travaillant en groupe d’au moins cinq personnes pour soutenir un réfugié ou une famille de réfugiés pendant ses premiers mois aux États-Unis, recueillir des ressources privées pour assurer et préparer le logement initial, assurer le transport, inscrire les enfants à l’école et aider les adultes à trouver du travail, et, in fine, s’insérer.
Suite à ce décret, près de 1 660 Afghans autorisés par le gouvernement américain à se réinstaller aux États-Unis, y compris des membres de la famille de militaires américains, des mineurs non-accompagnés qui attendent la réunification avec leurs familles aux États-Unis, des parents d’enfants déjà aux États-Unis, ainsi que des Afghans qui risquent d’être persécutés par les talibans parce qu’ils se sont battus pour l’ancien gouvernement afghan soutenu par les États-Unis ont vu leurs vols annulés. De surcroît, des milliers d’autres attendent l’examen de leur demande de réinstallation.
Au vu des besoins identifiés par le HCR, une compensation et une augmentation des engagements d’autres États est nécessaire. L’Union européenne devrait particulièrement promouvoir la réinstallation auprès des États membres ne s’engageant pas dans cette voie légale (voir notre article sur le sujet).