Pakistan : la liberté d’expression et la liberté religieuse menacées par le nouveau gouvernement.
Au Pakistan, un nouveau gouvernement a été constitué suite à l’élection du Premier ministre Shehbaz Sharif en mars 2024, après des élections législatives. Selon plusieurs organisations, il poursuit la répression de la liberté d’expression et de la société civile menée par le gouvernement précédent. Les journalistes et l’opposition politique sont pris pour cible, mais aussi les minorités religieuses.
Le 3 mars 2024, le Premier ministre Shehbaz Sharif a été élu par l’Assemblée nationale du Pakistan suite à des élections législatives. M. Sharif avait déjà exercé la fonction de chef du gouvernement entre avril 2022 et août 2024. Suite à sa nouvelle élection, un nouveau gouvernement a été constitué.
Depuis l’arrivée de ce nouveau gouvernement, les partis d’opposition, les militants et les journalistes continuent d’être réprimés et arrêtés, rapporte l’organisation Human Rights Watch en janvier 2025. L’ONG rapporte que des centaines de militants ont été arrêtés, certains étant accusés de violence, tandis que les journalistes sont aussi victimes d’intimidation, de harcèlement et de surveillance numérique et physique pour avoir été perçus comme critiques du gouvernement. En juin 2024, le gouvernement de la province du Pendjab oriental a promulgué une loi sévère sur la diffamation. La Cour suprême a engagé alors des poursuites judiciaires contre 34 médias.
Les menaces et les attaques du gouvernement créent un climat de peur parmi les journalistes, les médias et les groupes de la société civile, dont beaucoup ont recours à l’autocensure. Selon le Comité pour la protection des journalistes, au moins sept journalistes ont été tués au Pakistan en 2024, certains par des groupes militants. D’autres ont été victimes de disparitions forcées.
La société civile est aussi prise pour cible : les autorités pakistanaises ont bloqué par intermittence des plateformes de médias sociaux tout au long de l’année 2024.
De plus, une loi sur le blasphème permet aux autorités pakistanaises d’appliquer des arrestations, des poursuites arbitraires, et de la violence contre les minorités religieuses (chrétienne, ahmadie…). Ces violences se sont intensifiées en 2024 selon Human Rights Watch. Les Ahmadis sont particulièrement discriminés depuis des années. Cette communauté se considère comme musulmane, et représente plus de 500 000 personnes au Pakistan. Human Rights Watch avait déjà dénoncé, en décembre 2023, une loi discriminatoire à leur encontre, remontant à 2002 : le Pakistan avait alors décidé d’abolir un système électoral dans lequel les musulmans et les non-musulmans s'inscrivaient et votaient dans des catégories séparées. Cependant cette catégorie avec une liste unique de « non-musulmans » a été maintenue pour le vote des Ahmadis. Pour s’inscrire sur les listes électorales, ils doivent donc, soit officiellement renoncer à leur foi, soit accepter d'être inscrits sur cette liste électorale distincte les classant comme non-musulmans. Plutôt que de renier leurs croyances, la plupart des Ahmadis ne votent pas.
Selon le rapport mondial 2025 sur les droits humains de Human Rights Watch, depuis 2010, des centaines d'Ahmadis ont été blessés et tués dans des attentats à la bombe et d'autres attaques. En 2024, des dizaines d’entre eux ont été tués par des militants islamistes. En outre, les autorités se servent de ces attaques pour justifier l’expulsion des réfugiés afghans.
Amnesty International explique dans un communiqué de juin 2024, que la communauté ahmadie n’a ni le droit de se définir comme musulmane, ni le droit de pratiquer à sa guise leur religion, en vertu de ces lois relatives au blasphème. L’ONG dénombre 36 cas d’arrestation et de détention arbitraire, des dizaines de cas de harcèlement policier, des attaques de leurs lieux de culte, ainsi que la publication « d’ordonnances interdisant aux membres de ce groupe minoritaire de pratiquer des rites religieux ». Les victimes n’ont que rarement obtenu justice.
Les personnes transgenres sont aussi confrontées à une vague de violence, de harcèlement et de discrimination à la suite d’une campagne de désinformation malveillante et d’attaques contre la législation protégeant leurs droits.
De plus, en 2024, le gouvernement a utilisé sa politique de réglementation des ONG internationales au Pakistan pour entraver l’enregistrement et le fonctionnement de ces dernières. La montée de la pauvreté, l’inflation et le chômage mettent aussi en péril les droits des Pakistanais, notamment à la santé, à l’alimentation et à un niveau de vie décent.
Durant l’année 2023, les pays de l’Union européenne ont enregistré plus de 30 440 premières demandes d’asile de ressortissants pakistanais. En France, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré plus de 2 600 demandes cette même année, et 300 ont obtenu une protection.