Liban : vers un retour des réfugiés syriens ?
Le Liban est le pays du monde qui accueille le plus de réfugiés par habitant, principalement Syriens. Ceux-ci ne bénéficient cependant pas d’un véritable statut protecteur, et leur présence est vécue par une partie de la population comme un facteur de déstabilisation de la société. Dans ce contexte, certains responsables politiques souhaitent encourager le retour des réfugiés en Syrie.
Alors que la population du Liban est estimée à 6 millions d’habitants par la Banque mondiale, 1,5 million d’entre eux seraient des réfugiés originaires de pays voisins, essentiellement de Syrie. Confronté à une pression démographique et sociale croissante, le gouvernement libanais envisage depuis avril 2018 d’organiser le retour en Syrie des réfugiés. Le 20 août, la Russie a par ailleurs annoncé la mise en place d’un plan pour aider le Liban à organiser les rapatriements vers la Syrie.
L’accueil des réfugiés et leur intégration au Liban sont des enjeux majeurs alors même que le pays n’a pas ratifié la Convention de Genève 1951 relative au statut de réfugié. Des règles de résidence strictes ont été imposées par le Liban en janvier 2015 pour encadrer le droit au séjour des Syriens, mais la plupart d’entre eux n’ont pas été en mesure de répondre à ces exigences : 74 % des réfugiés syriens interrogés âgés de 15 ans ou plus n’ont pas de permis de séjour au Liban selon une enquête de 2018 du Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR).
Dans des discours parfois fortement hostiles aux réfugiés, l’Etat libanais fait part de son souhait d’organiser des rapatriements vers la Syrie. Le Président libanais Michel Aoun demandait dès le printemps 2018 de l’aide à l’Arabie Saoudite, l’Egypte et les Emirats arabes unis pour organiser les retours des Syriens dans leur pays, déclarant craindre une déstabilisation politique si ces réfugiés s’implantent durablement, à l’instar des réfugiés palestiniens. Selon le Premier ministre libanais, les infrastructures pour les camps représentent un coût financier important, les services sont dépassés et les infrastructures saturés. La présence des réfugiés est également vécue par une partie de la population comme un facteur susceptible de déséquilibrer la société. Les réfugiés, main d’œuvre bon marché, sont notamment perçus comme une concurrence importante sur le marché du travail.
Sept ans après le début du conflit syriens, les réfugiés au Liban ont de plus en plus de difficultés liées à leurs conditions de vie, à la pauvreté et à l’absence de statut et de protection. Ils sont ainsi extrêmement vulnérables aux expulsions réclamés par le gouvernement libanais.
Les Nations Unies ont fait état dans un rapport d’avril 2018 , de 3 664 expulsions de syriens entre 2016 et le premier trimestre de 2018. En 2017 des expulsions menées par des municipalités ont été relatées dans le rapport d’Human Rights Watch . Les autorités locales libanaises ont fait de vagues déclarations selon lesquelles les expulsions seraient fondées sur des infractions à la réglementation du logement, mais HRW a déterminé que les mesures prises par ces municipalités visent exclusivement les ressortissants syriens. Selon cette organisation non gouvernementale, les motifs d’expulsion de la part des autorités, « incohérents et discriminatoires », mettent en lumière le harcèlement et le racisme subis par les syriens.
Outre les expulsions forcées par les autorités, quelques rapatriements volontaires ont eu lieu également au printemps 2018 sous la menace d’une nouvelle loi syrienne d’expropriation des biens laissés à l’abandon. Cette nouvelle loi nommée « le décret n° 10 » est un texte signé en avril 2018 par le Parlement syrien qui prévoit la possibilité pour les collectivités locales de s’emparer de terrains privés pour des constructions et des programmes de rénovation urbaine. Les propriétaires avaient 30 jours pour faire valoir leurs droits. Mais beaucoup de personnes réfugiées ont perdu leurs documents dans leur fuite et se sont vu priver de leurs terres, ce qui rend encore moins envisageable un retour dans leur pays d’origine.
Dans une déclaration du 31 août 2018 , le chef du HCR a rappelé que « le rapatriement doit être volontaire et durable », ce que ne permet pas la situation actuelle en Syrie où les conditions de sécurité restent très critiques. A court terme, il appelle donc « les donateurs à continuer d’apporter une assistance financière aux pays hôtes de la région où vit la grande majorité des réfugiés syriens ».