Nouvelles routes migratoires, nouveaux obstacles vers la protection ?
Selon les chiffres de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), 204 719 personnes ont été interceptées dans leur route migratoire vers l’Europe en 2017, un chiffre en baisse de 60% par rapport à l’année précédente. Par ailleurs, plus de 2 300 personnes ont probablement trouvé la mort en tentant de traversée la Méditerranée en 2017, d’après l’organisation internationale pour les migrations (OIM).
Sur la route de la Méditerranée orientale, l’application de la déclaration entre l’UE et la Turquie de mars 2016 avait entrainé une baisse considérable des arrivées constatée dès 2016. Frontex a néanmoins relevé 42 305 détections à cette frontière de l’UE en 2017. Syriens, Afghans et Irakiens sont les plus représentées des arrivants. La route de la Méditerranée centrale se terminant en Italie, a été la plus empruntée (118 962 détections), principalement par des Nigérians, des Guinéens et des Ivoiriens. Le nombre de personnes ayant débarqué sur les côtes italiennes a surtout baissé considérablement dans la seconde partie de 2017. Cette tendance peut s’expliquer par situation en Libye, où les exactions à l’encontre des migrants de plus en plus nombreuses et documentées (voir notre article de newsletter d’avril 2018) incitent les migrants et réfugiés à éviter ce pays, et par le développement de la politique extérieure de l’Union européen (UE) visant à freiner les arrivées depuis la Libye.
Cette situation a entraîné une évolution notable des routes migratoires pour l’année 2017 avec une forte augmentation des arrivées par la Méditerranée occidentale, menant vers l’Espagne. 23 143 franchissement irréguliers de la frontière ont été détectés par cette route, soit plus du double par rapport à l’année précédente (+ 131%) Les personnes empruntant cette route sont majoritairement d’origine algérienne ou marocaine, mais la plus forte augmentation des arrivées concerne les ressortissants d’Afrique subsaharienne. Pour emprunter cette nouvelle route, les migrants et réfugiés sont amenés à rejoindre le Maroc, la Tunisie ou l’Algérie. Au cours de cette route migratoire, les personnes fuyant les persécutions font face à de nouveaux obstacles dans l’accès à une protection internationale.
En février 2018, l’organisation Human rights watch (HRW) indiquait que des migrants étaient arrêtés par les autorités algériennes puis expulsés vers le Niger ou le Mali sans avoir la possibilité de contester cette mesure. Depuis 2014, un accord entre l’Algérie et le Niger permet l’arrestation et le retour des Nigériens en situation irrégulière dans leur pays d’origine. Cependant, HRW souligne que les personnes expulsées ne sont souvent pas des Nigériens, les autorités visant les personnes en fonction de leur couleur de peau et non de leur nationalité. Les arrestations ont lieu dans les rues, sur des chantiers de construction où les victimes ont été employées ou même à leurs domiciles. Les renvois ont visé également des personnes très vulnérables – des femmes enceintes, des familles avec nouveau-nés ou des mineurs non accompagnés. Ces personnes sont généralement retenues dans des salles surchargées, sans nourriture suffisante, ni matelas, avant d’être renvoyées vers le Niger.
Dans un rapport d’avril 2018, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés a également souligné la situation des enclaves espagnoles de Ceuta et Melila. Les Syriens sont la nationalité la plus représentée à cette frontière terrestre entre l’Union européenne et le Maroc. Des retours sommaires y sont pratiqués, en négation du droit à un recours effectif. Au regard de cette situation, et des nombreux autres dangers auxquels les migrants et réfugiés font face pour arriver en Europe, l’instance onusienne plaide pour le développement de voies légales et sûres d’accès (sur ce thème voir notre article de newsletter de janvier 2018).