Syrie, l’impasse
Lors d’une conférence organisée par Forum réfugiés-Cosi en partenariat avec la mairie du 7ème arrondissement de Lyon, Akram Kachee, chercheur et chargé de cours à l’IEP de Lyon et à l’université de St-Etienne, a fait le point sur la situation en Syrie, décrivant une situation d’impasse politique dont les civils paient un lourd tribut. Retour sur quelques éléments clés de son intervention.
Le conflit syrien est entré dans sa huitième année en mars 2018. Déclenché en 2011 par le régime syrien pour réprimer les manifestations, il s'est complexifié avec les interventions étrangères. Plus de 350.000 personnes ont déjà perdu la vie. Ce conflit a poussé plus de 5,1 millions de personnes à fuir leur pays, dont une majorité s’est réfugiée dans les pays voisins, tandis que la demande d'asile syrienne en France a été multipliée par huit entre 2012 et 2016.
Akram Kachee est revenu sur l’historique des interventions de puissances extérieures et les nombreux conflits qui se jouent désormais sur le territoire syrien. Dès le lendemain de la révolution en 2011, le régime de Damas a fait appel au soutien de la Russie et de l’Iran. Aujourd’hui, plusieurs guerres sont en cours : la guerre du régime syrien contre les rebelles, la guerre menée par les Etats-Unis contre Daesh, les conflits sous-jacents entre Arabes et Kurdes réveillés par l’intervention turque contre les Kurdes, le conflit entre Arabie Saoudite et l’Iran, et celui entre l’Iran et Israël.
Aujourd’hui, le territoire est extrêmement morcelé et fragilisé, il est devenu le champ de bataille d'une somme d'intérêts intérieurs, régionaux et internationaux. Selon Akram Kachee, la fragmentation des intérêts, des stratégies de tous les acteurs, des jeux des alliances, rend pour l'heure impossible l'élaboration d'un compromis. Les processus de négociations sont également dans l’impasse, les quinze décisions du Conseil de sécurité ne sont pas respectées, les russes y opposent leur véto, et trois commissaires des Nations unies ont déjà démissionné.
Ces années de conflit ont détruit le pays : les infrastructures publiques sont détruites, cela fait sept ans que les enfants ne vont plus à l’école, les industries ne fonctionnent plus et ont déménagé vers les pays voisins. A la facture économique, il faut ajouter les dégâts environnementaux (la terre est devenue sèche, appauvrie, inexploitable) et la destruction du patrimoine. Akram Kachee évoque le chiffre de 500 milliards de dollars, la somme nécessaire à la reconstruction matérielle du pays, une facture qu’aucune des puissances impliquées dans le conflit n’est capable de payer.
La dernière partie de cette conférence a porté sur la situation des Syriens. Un Syrien sur deux n’est plus chez lui. Les habitants se déplacent sans cesse de zone à zone, à la recherche d’un refuge. Les traumatismes de guerre, physiques ou psychiques, rendent impossible la reprise de projets de vie. Pour subvenir à leurs besoins, les jeunes hommes n’ont que le trafic, le pillage, le kidnapping, l’intégration d’un groupe armé, des activités illégales, pour assurer un minimum de revenus. Il n’y a plus de liens sociaux, plus de réseau, les villes sont coupées géographiquement entre elles, les Syriens sont séparés, divisés, il n’y a plus de vision commune, de culture commune. Il y a davantage de méfiance, de rejet des institutions. Il n’est plus question de projet politique, de révolution, de changement. Les Syriens sont las, et ne souhaitent que la fin des violences.