En 2021, près d’1,5 millions de réfugiés vulnérables auront besoin d’être réinstallés
Le dernier rapport du HCR fait une nouvelle fois état d’une hausse des besoins en termes de réinstallation des réfugiés les plus vulnérables à travers le monde. Ces nouvelles estimations sont inquiétantes alors que la crise sanitaire a entraîné une suspension des programmes de réinstallation et que l’engagement des Etats pour cette solution durable demeure limité.
La réinstallation consiste à transférer des réfugiés d’un premier pays d’asile vers un pays tiers qui accepte de les admettre en tant que réfugié et de leur accorder un séjour permanent. Ce programme encadré par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) permet d’apporter une protection et une solution durable aux réfugiés dont la vulnérabilité et les besoins spécifiques ne peuvent être pris en charge dans les pays où ils bénéficient d’une protection. C’est aussi une manière pour les Etats de partager les responsabilités de l’accueil alors que 85% des réfugiés dans le monde sont accueillis dans des pays en développement et voisins des zones de conflit ou des persécutions.
Selon le rapport du HCR publié le 24 juin, 1 445 383 réfugiés dans le monde nécessitent une réinstallation dans un pays tiers en 2021, dont 616 958 en Afrique, 99 470 en Asie/Pacifique, 423 600 en Europe, 275 981 au Moyen-Orient et Afrique du Nord, et 29 374 en Amérique. Le HCR a identifié plusieurs priorités clés dans ces estimations. En premier lieu, 349 710 réfugiés sont en besoin de réinstallation dans 15 pays le long de la Méditerranée centrale, dont une majorité d’Erythréens, Somaliens, Sud-Soudanais, Soudanais et Centrafricains. Ensuite, cinq pays (Egypte, Irak, Jordanie, Liban et Turquie) regroupent 46% des besoins globaux soit 669 999 réfugiés en besoin de réinstallation. Les vulnérabilités des réfugiés sont particulièrement exacerbées dans ces pays de premier asile. Enfin, la mise en œuvre des cadres d’action globale pour les réfugiés (CRRF) issus du Pacte mondial pour les réfugiés permettent de coordonner et de faciliter l’accueil et l’accès à des solutions durables dans les pays qui reçoivent le plus grand nombre de réfugiés. Quinze cadres sont mis en œuvre dans le monde. Parmi ces pays, 353 000 réfugiés nécessitent une réinstallation.
Si les besoins ne cessent de croître ces dernières années, le nombre de réfugiés effectivement réinstallés reste cependant limité. En 2019, 63 696 réfugiés ont été réinstallés dans le cadre des programmes du HCR dans 29 Etats. Sur les dossiers transmis par le HCR, 50% concerne des femmes et des jeunes filles, et 52% des enfants. Entre janvier et mai 2020, le HCR a soumis 18 800 dossiers de réinstallation. 21 Etats ont accepté les propositions du HCR, et 9 884 départs ont étaient organisés. 20% des cas concernent des procédures d’urgence. Parmi les dossiers présentés par le HCR, 60% concernent des femmes et des jeunes filles, et 51% des enfants. Les premiers pays à avoir reçu des dossiers de la part de l’agence onusienne sont le Canada (3 858), l’Australie (3 169), la France (1 879), la Suède (1 779) et l’Allemagne (1 548). En termes de départs effectifs, se classe en premier les Etats-Unis (2 779) puis le Canada (1 471), la Suède (1 337), l’Allemagne (1 113) et l’Australie (958).
Cette période a cependant été marquée par la crise sanitaire qui a fortement impacté les programmes de réinstallation. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le HCR ont annoncé le 17 mars la suspension temporaire des départs liés à la réinstallation suite aux restrictions du transport aérien international. Ainsi, 10 000 réfugiés ont vu leur départ retardé. Le HCR et l’OIM ont continué d’examiner les dossiers de candidature, et à procéder à la réinstallation d’urgence pour des dizaines de cas depuis le Kenya, la Thaïlande et le Mexique. Le 18 juin, les deux agences onusiennes ont annoncé la reprise des voyages de réinstallation. Au niveau européen, dans le cadre de la crise sanitaire, la Commission européenne a publié le 17 avril des recommandations relatives à l’asile et notamment sur les programmes de réinstallation. Elle y encourage les Etats à envisager de nouvelles méthodes de travail pour que les programmes de réinstallation continuent de fonctionner, d’accepter des demandes sur dossier, d’utiliser les entretiens vidéo, et d’adapter les plans opérationnels afin d’intégrer les préoccupations sanitaires. Elle affirme également son soutien financier aux Etats membres dans la mise en œuvre de leurs engagements pour 2020 (près de 30 000 places) en faisant preuve de souplesse pour la période d’accueil afin que les Etats membres disposent de suffisamment de temps pour honorer leurs engagements sur cette année. Une inquiétude se pose donc sur l’engagement des Etats en 2021 qui pourraient réduire ou ne pas proposer de nouvelles places afin de clôturer le programme de l’année 2020.
La publication de ces nouvelles estimations s’intègre également dans un cadre international dynamique pour répondre aux besoins de protection internationale. La consultation annuelle tripartite sur la réinstallation (ATCR) co-organisée cette année par le HCR, le Canada, et le Conseil canadien pour les réfugiés, s’est tenue sous forme d’évènements en ligne au cours des mois de mai et juin. En plus de l’impact de la crise sanitaire et des enjeux de sélection et d’intégration des réfugiés réinstallés, la participation des réfugiés a été particulièrement débattue. Pour la deuxième année consécutive, une déclaration commune des réfugiés a été présentée au côté de celle des associations. Un processus de réflexion s’est engagé pour restructurer l’ATCR et renforcer la participation et l’intégration des réfugiés dans les débats et le processus décisionnel.
Quelques mois auparavant, le Forum mondial sur les réfugiés qui s’est tenu en décembre 2019 fut l’occasion pour de nombreux Etats, organisations internationales, associations et acteurs du secteur privé de s’engager dans l’accueil et la prise en charge des personnes en besoin de protection. Plus de mille engagements ont été pris, dont 78 relevant de la réinstallation et des voies complémentaires. Malgré cette mobilisation, le HCR souligne que les engagements des Etats de réinstallation ont été largement inférieurs aux années précédentes. Le HCR regrette également qu’il n’y ait pas eu plus d’engagements de la part du secteur privé. Pourtant, la stratégie pour renforcer les programmes de réinstallation et de voies complémentaires présentée en juillet 2019 par le HCR vise à atteindre un million de réfugiés réinstallés en 2028 et deux millions de réfugiés accueillis grâce aux voies complémentaires et ce dans 50 pays. Si cette stratégie et le plan d’action développés par le HCR sont à la hauteur des besoins, leur mise en œuvre reste complexe et conditionnée à l’engagement des Etats.