Le Tigré est une région du nord de l’Ethiopie, voisine du Soudan, et dirigée depuis 1994 par le Front de libération du peuple tigré (FLTP). Représentant la minorité ethnique tigréenne, le FLTP a longtemps dominé le paysage politique éthiopien, notamment durant les années de guerre avec l’Erythrée. Depuis 2018 et l’arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed qui a œuvré pour un retour à la paix avec l’Erythrée, le FLTP accuse le gouvernement éthiopien de marginaliser les Tigréens. Le FLTP devient séparatiste à partir de la décision de reporter les élections législatives, prise en mars 2020 par le Premier ministre. La région du Tigré tient ses propres élections en septembre 2020, allant à l’encontre de la directive du gouvernement fédéral. Le 4 novembre 2020 le FLTP lance une attaque contre des bases des Forces de défense nationale éthiopiennes à Mekele, la capitale du Tigré, et à Dansha, une ville de l’ouest de la région. En réponse à ces attaques, Abiy Ahmed ordonne à l'armée nationale de lancer des opérations visant à supprimer le FLTP.

Depuis le début de la guerre, la région est coupée et isolée du fait de l’interruption des télécommunications et d’Internet, et des difficultés d’accès dans les zones de conflit des humanitaires et des journalistes. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) fait part d’informations « extrêmement préoccupantes » sur des d’atrocités commises contre des civils depuis le déclenchement de l’opération par le gouvernement éthiopien.

Amnesty international rapporte dans un communiqué du 1er décembre 2020 que dans la nuit du 9 novembre 2020, un terrible massacre a été commis dans le centre-ville Maï-Kadra, une localité de l’ouest du Tigré. Le 23 décembre 2020, 207 personnes ont perdu la vie en une journée à la suite d'une attaque par des groupes armés non identifiés.

Bien qu’Abiy Ahmed ait annoncé la fin du conflit le 28 novembre 2020, des combats meurtriers sont toujours en cours dans la région du Tigré à ce jour. Selon les derniers rapports de la situation humanitaire par l’OCHA, les humanitaires continuent de recevoir, plus de 100 jours après le début du conflit, des informations inquiétantes faisant état de crimes, tels que des meurtres, des pillages et des violences sexuelles, qui ont également affecté les travailleurs humanitaires qui se trouvaient dans la région pendant les trois mois et demi de combats. Au moins 108 cas de viol ont été signalés aux établissements de santé de Mekelle, Adigrat, Wukro et Ayder, selon la Commission éthiopienne des droits humains.

Cette situation entraîne d’importants déplacements de population. A la date du 19 février 2021, plus de 61 415 personnes avaient traversé les frontières depuis le début du conflit, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Le HCR alerte également sur la situation très vulnérable des réfugiés érythréens dans les camps de Mai Aini et Adi Harush, coupés d’approvisionnement en eau et menacés par divers groupes armés.

 

L’Éthiopie est un État fédéral divisé en régions, établies sur des bases ethniques. Dans ce pays qui compte plus de 80 groupes ethniques, les conflits et les tensions sont nombreux, et les zones rurales sont encore largement en proie à la guérilla, comme le démontre le dernier rapport de l’organisation Human Rights Watch de janvier 2021. L’ONG indique dans son bilan de la situation en 2020 que dans plusieurs régions des campagnes de contre-insurrection du gouvernement contre les groupes rebelles armés se sont soldées par de graves violations des droits de l'homme et des abus contre les communautés locales commis par toutes les parties.

Quatre mois après le début des affrontements au Tigré, les observateurs s’inquiètent de l’ingérence des armées érythréennes et soudanaises dans le conflit, ainsi que de l’escalade de tensions dans d’autres régions dissidentes et groupes ethniques.