Au Bangladesh, les conditions de vie déplorables des Rohingyas.
En mars 2021, l’incendie d’un camp accueillant des centaines de milliers de Rohingyas au Bangladesh a entraîné le déplacement de 48 000 d’entre eux. Cet évènement met en lumière les difficultés auxquelles est confrontée cette minorité musulmane ayant fui la Birmanie, dans le cadre de son accueil dans les pays voisins.
Le 23 mars 2021 un incendie massif détruit une partie des camps de réfugiés de Kutupalong-Balukhali situés dans le district de Cox’s Bazar au Bangladesh où vivent des centaines de milliers de Rohingyas ayant fui la Birmanie. Douze personnes sont décédées et au moins 48 000 personnes ont été déplacées par la destruction d'au moins 10 000 abris selon un communiqué du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). L’incendie a fait perdre à des milliers de personnes le peu qu’il leur restait, des papiers d’identité, des documents officiels pour pouvoir travailler, et obligé des familles à de nouveau chercher refuge ailleurs. Les réfugiés Rohingyas sont dans une situation très précaire au Bangladesh et subissent des relocalisations de force de la part des autorités.
Le district de Cox's Bazar est une zone transfrontalière de la Birmanie, dans le sud-est du Bangladesh. C’est dans cette région que des milliers de Rohingyas ont trouvé refuge, fuyant les exactions de l’armée birmane depuis plus de 20 ans. Cette minorité musulmane apatride de l’État d’Arakan est en proie depuis des années à la répression et aux violences en Birmanie. Au fil des décennies, les politiques gouvernementales birmanes ont privé les Rohingyas de leur citoyenneté et ont imposé un système semblable à l'apartheid dans lequel ils sont isolés et marginalisés. Durant l’été 2017, une explosion de violences de la part de l’armée birmane et de milices a provoqué l’exil massif et soudain de près de 710 000 personnes, qui ont rejoint les milliers de réfugiés déjà installés de l’autre côté de la frontière, dans les camps officiels ou des camps de fortune.
À ce jour, près d’un million de Rohingyas vivent au Bangladesh. La majorité s’entasse dans des camps dont la densité de population est inférieure à 15 mètres carrés par personne - bien en deçà des directives internationales minimales pour les camps de réfugiés (30 à 45 mètres carrés par personne). Le risque de propagation de maladies est élevé dans ces conditions de surpeuplement. De plus, avec les risques liés à la pandémie de Covid-19 depuis 2020, le gouvernement bangladais a limité les services et a restreint l'accès des ONG aux camps. C’est notamment le cas pour les services dédiés aux femmes et aux filles, ce qui a provoqué une augmentation de la violence sexiste.
Outre les conditions de vie précaire dans ces abris de bambous, soumis aux risques d’incendies, d’inondations et de glissements de terrain, les réfugiés sont dans une grande insécurité et subissent des violences de la part des forces de l’ordre. Amnesty International rapporte qu’au moins 45 réfugiés rohingyas à Cox’s Bazar auraient été exécutés de manière extrajudiciaire par des membres de différentes forces de l'ordre au cours de l'année 2020, principalement au cours d'opérations dans le cadre de la «guerre contre la drogue». Plus de 100 réfugiés rohingyas ont été victimes d'exécutions extrajudiciaires dans le pays depuis 2017.
Le gouvernement du Bangladesh avait décidé dès 2017 de relocaliser environ 100 000 réfugiés à Bhasan Char, une île isolée du golfe du Bengale. En décembre 2020, les autorités avaient transféré presque 2 000 Rohingyas sur l’île. Ces transferts sont généralement mis en œuvre contre la volonté des personnes. L'île est de surcroît sujette à des inondations régulières, en particulier pendant la saison des pluies, et est vulnérable aux cyclones fréquents. En 2021, le gouvernement bangladais continue de transférer des réfugiés rohingyas à Bhasan Char malgré les préoccupations de la communauté internationale concernant les conditions humanitaires et de protection sur l'île. Ils sont désormais plus de 10 000 à résider sur l’île.
L’Inde, quant à elle, accueille environ 6 500 réfugiés rohingyas sur son sol, qu’elle ne compte pas régulariser. Au contraire, le gouvernement indien a réitéré sa volonté ferme d’expulser tous les Rohingyas, malgré les risques qui pèsent sur leur vie.
Pour ceux qui sont restés en Birmanie (environ 470 000 vivent toujours dans l'État de Rakhine selon les Nations unies), ils font face à de lourdes restrictions quant au travail, à la scolarité et à l'accès aux soins de santé. Les taux de malnutrition sont importants.
En l'absence de résolution en vue en Birmanie et de sombres perspectives au Bangladesh, un nombre croissant de femmes et d'enfants rohingyas empruntent des itinéraires de contrebande autrefois dormants pour se rendre dans des pays comme la Malaisie. La Malaisie abrite environ 102 000 réfugiés rohingyas enregistrés par le HCR ou non-enregistrés. Ils travaillent dans le secteur informel, où l'exploitation et les bas salaires seraient courants et la xénophobie grandissante.
Depuis le début de l’année 2021, plus de 80 incendies se sont déclarés et menacent à tout instant de détruire les abris de fortune des camps de Cox’s Bazar. Le risque dans ces camps densément peuplés et confinés est énorme, et avec des incendies qui éclatent presque quotidiennement dans les camps, une autre catastrophe mortelle pourrait bien se produire.