Plusieurs groupes armés rivaux liés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique sévissent dans la région du nord du Burkina Faso, à la frontière avec le Mali et le Niger (zone dite « des trois frontières »). Cette zone désertique, enclavée, est habitée par des populations pauvres, nomades, coupées des services publics comme l’éducation ou la santé. Massivement rurale (plus de 90 % de la population), partagée entre l’agriculture traditionnelle (mil, sorgho, riz), la pêche et l’élevage traditionnel, la population des trois frontières est très vulnérable aux risques climatiques et sanitaires. En outre, des rivalités entre agriculteurs et éleveurs se sont multipliées ces dernières années. La raréfaction de l’eau et l’arrivée de milliers de Maliens réfugiés au Burkina, ont augmenté la compétition pour les ressources dans la région. Ces conditions sont particulièrement favorables pour les groupes djihadistes qui attaquent les mines d’or de la région, exploitent l’or, recrutent dans les populations jeunes et pauvres et se greffent sur les conflits de pouvoir et d’accès aux ressources entre les groupes ethniques (des combats sont réguliers entre Peuls, Dozos, Dogons et Bambaras sur la frontière Mali-Burkina).

Comme au Mali ou au Niger voisins, l’armée du Burkina Faso peu formée et peu équipée n'arrive pas à faire face. De l’aveu même du Premier ministre, le gouvernement n’a aucune stratégie de lutte contre le terrorisme. Des volontaires civils ont été armés (avec notamment la formation du groupe Volontaires pour la défense de la patrie-VDP) mais cela a eu comme effet d’entrainer des représailles qui ont ciblé des civils, premières victimes de ce conflit. Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, des hommes armés ont tué au moins 160 habitants de la ville de Solhan (province de Yagh). De nombreuses sources estiment que cette attaque est surtout une action punitive contre les VDP en poste à Solhan (suite à leur coopération avec les autorités burkinabè). Alors que les djihadistes visaient auparavant surtout les militaires, ils s’en prennent désormais indistinctement aux populations dans les villages, hommes et femmes, jeunes et adultes.

En juin 2021, le Burkina Faso comptait déjà plus d’un million de personnes déplacées internes et Human Rights Watch dénombrait plus de 500 civils tués depuis le début de l’année 2021. Le 18 août 2021, quatre-vingts personnes, dont 65 civils et 15 gendarmes, ont été tuées lors d’une attaque djihadiste contre un convoi militaire escortant des civils à Arbinda.

Depuis quelques mois, les observateurs relèvent que les violences djihadistes ont tendance à descendre de plus en plus vers l’Est du pays, comme l’indique les cartes et les chiffres cités dans un document du Centre de documentation et de recherches (Cedoca) du Commissariat belge aux réfugiés et apatrides datant de juin 2021. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés décrit pour sa part dans un document du 30 juillet 2021 des « violations graves des droits humains » qui « comprennent les exécutions et les meurtres extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; les disparitions forcées ; les détentions arbitraires ; torture et enlèvements par des groupes extrémistes islamistes, contre à la fois les forces de sécurité gouvernementales et les civils ». Le rapport souligne que « les victimes comprennent à la fois des fidèles chrétiens et musulmans, attaqués dans des mosquées et des églises » et alerte sur les risques particuliers auxquels sont soumis les enfants dans ce contexte (mariage forcé, grossesse, recrutement forcé par les groupes armés, travail forcé etc.). Il conclut en appelant les États « à ne pas renvoyer de force au Burkina Faso toute personne originaire des régions suivantes : Boucle du Mouhoun, Cascades, Centre-Est, Centre-Nord, Est, Hauts-Bassins, Nord et Sahel. ».

 

Photo d'illustration : © UNHCR/Anne Mimault