Agence unique de l’asile : que font les autres pays européens ?
Plusieurs médias français ont rapporté récemment les intentions de l’exécutif de proposer une réforme structurelle du système d’asile consistant notamment à fusionner plusieurs administrations existantes pour créer une agence unique de l’asile. Un tel modèle est déjà en place dans quelques pays européens mais demeure minoritaire.
Les premières réflexions liées à la création en France d’une « grande agence de l’asile » remontent à un rapport d’information de la Commission des lois du Sénat portant sur la procédure d’asile, publié en 2012. Constatant le nombre important d’acteurs intervenant dans le domaine de l’asile, particulièrement en matière d’accueil et d’hébergement, les rapporteurs s’étaient en effet interrogés sur l’opportunité de créer une agence unique, et invitaient à « engager une réflexion sur l’opportunité de confier l’ensemble de ces missions à une seule entité, qui pourrait être également compétente pour examiner le bien-fondé des demandes de protection et accorder les statuts de réfugié et les protections subsidiaires ».
La proposition de création d’une agence unique pour l’asile est réapparue dans un rapport publié en 2020 par un Collège de praticiens du droit des étrangers. Les rédacteurs du rapport proposaient en effet la création d’un Haut-Commissariat à l’asile et aux migrations, placé auprès du Premier ministre et ayant autorité sur l’ensemble des services de l’État concernés. Ce Haut-Commissariat exercerait la tutelle de deux établissements publics reconfigurés. D’une part, une Agence de l’asile, qui résulterait de la fusion de l’office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et des services du ministère de l’Intérieur consacrés à l’asile. Elle serait compétente pour l’ensemble du parcours des demandeurs d’asile (depuis l’entrée en procédure, la délivrance des conditions matérielles d’accueil, la détermination du statut, jusqu’à la délivrance des actes d’état-civil). Tout comme l’OFPRA, l’indépendance de la nouvelle Agence de l’asile serait garantie par la loi. Elle aurait également pour mission de développer des actions en faveur de l’asile en lien avec les collectivités locales, les travailleurs sociaux, le monde associatif et celui de la recherche. D’autre part, le rapport proposait de créer un Office de l’immigration et de l’intégration en charge de la migration économique, de l’intégration des primo-arrivants et de l’aide au retour volontaire.
Cette proposition a par la suite été reprise par la Commission d’enquête sur les migrations de l’Assemblée Nationale, dans un rapport publié en 2021. Les rédacteurs ont en effet proposé de transformer l’actuelle délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR) en Haut-commissariat aux migrations, doté de compétences renforcées, dans un objectif de gouvernance intégrée des politiques migratoires, en associant l’ensemble des acteurs ministériels (ministère de l’Intérieur, des Affaires étrangères, du Travail, du Logement et de la Santé) ainsi que les acteurs locaux, associatifs et les entreprises. Toutefois, l’idée d’une fusion de l’OFPRA et de l’OFII en une agence unique n’est pas reprise, les rédacteurs précisant que le Haut-commissariat aux migrations exercerait la tutelle de l’OFPRA et de l’OFII.
Les rapports nationaux publiés dans le cadre du projet AIDA (asylum information database) auquel Forum réfugiés est partenaire, permettent par ailleurs de connaître les dispositifs mis en place dans quelques pays européens. Seuls quelques pays ont choisi d’assurer le traitement des demandes de protection et la gestion de l’accueil des demandeurs par le biais d’une agence unique.
En Allemagne, le traitement des demandes d’asile et l’accueil des demandeurs relève de la compétence d’une autorité unique : l’Office fédéral des migrations et des réfugiés. Cet Office dispose d’antennes implantées dans l’ensemble des Landers, et est chargé de l’examen des demandes d’asile en première instance. L’Office gère également le système de répartition des demandeurs d’asile sur le territoire, en coopération avec l’État fédéral, et alloue des places d’hébergement selon un système de quota. En Suisse, un dispositif d’agence unique est également en place. Le Secrétariat d’État à l’immigration (rattaché au département fédéral de la Justice et de la Police) est en effet chargé de l’examen des demandes d’asile ainsi que de l’accueil des demandeurs d’asile. C’est également le cas en Suède où une agence unique, placée sous l’autorité du ministère de la Justice, a une compétence exclusive en matière de traitement des demandes de protection en première instance et est également responsable du dispositif d’accueil.
Dans les autres pays du projet AIDA, on constate une division des missions entre plusieurs administrations, sur un modèle globalement similaire à la France.
En Belgique, l’instruction des demandes d’asile relève de la compétence du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), placé sous l’autorité du ministère de l’Immigration et de l’asile mais dont l’indépendance institutionnelle est explicitement prévue par la loi. L’accueil et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent de l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil), qui est compétente pour la gestion des centres d’accueil, et en matière d’accompagnement social et juridique. En Espagne, les demandes de protection sont examinées par le Bureau chargé de l’asile et du refuge, placé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. L’examen des demandes d’asile s’achève par un projet de décision qui est ensuite soumis à la Commission interministérielle pour l’asile et les réfugiés, compétente pour prendre la décision d’octroyer ou non la protection internationale. La coordination et la gestion de l’accueil des demandeurs d’asile relève de la responsabilité du Secrétaire d’État pour l’Immigration, au sein du ministère de l’Inclusion, de la sécurité sociale et de l’immigration. En Italie, ce sont les Commissions territoriales pour la reconnaissance de la protection internationale (autorités placées sous l’autorité du ministère de l’Intérieur) qui sont chargées d’examiner les demandes d’asile. Le dispositif d’accueil est assuré via la mise en place de programmes mis en œuvre à la fois par le gouvernement et les collectivités locales, et placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur. En Grèce, les demandes d’asile sont examinées par le Service d’asile, organisé en offices régionaux d’asile, présents dans chaque région. Concernant l’accueil, c’est le Service d’accueil et d’identification ainsi que le Conseil pour la protection des demandeurs d’asile, placés sous l’autorité du ministère de l’Immigration et de l’Asile, qui en sont chargés. En Irlande, l’Office de protection internationale, placé sous l’autorité du Service d’immigration et de naturalisation du Département de la Justice, est chargé de l’enregistrement et de l’examen des demandes de protection. L’accueil est géré par le Service de la protection internationale, rattaché au même département ministériel. Aux Pays-Bas, l’examen des demandes d’asile relève de la compétence du Service d’immigration et de naturalisation tandis que l’Agence centrale pour l’accueil des demandeurs d’asile est responsable de l’accueil des demandeurs, et notamment de la gestion des centres d’accueil.