Macédoine du Nord : un nouveau partenaire de l’Union européenne dans la gestion des migrations
Depuis le 1er avril 2023, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex a la capacité d’aider la Macédoine du Nord, pays candidat à l’adhésion à l’UE depuis 2005, dans la gestion des flux migratoires, grâce à des activités opérationnelles sur son territoire. L’accord conclu avec ce pays comporte plusieurs dispositions préoccupantes.
En 2019, Frontex a vu son mandat s’élargir, notamment en matière de coopération avec les pays tiers. Le nouveau mandat permet à l’agence d’apporter un soutien aux pays qui le souhaitent sur l’ensemble de leur territoire, et non uniquement dans les régions limitrophes de l’UE, comme c’était le cas précédemment. Il permet également d’établir des antennes dans ces pays et permet au personnel de Frontex d’exercer des pouvoirs exécutifs, tels que des contrôles aux frontières et des enregistrements de personnes.
Frontex avait conclu des accords de coopération en matière de gestion des frontières avec l’Albanie (2019), le Monténégro (2020) et la Serbie (2020) en vertu de ces règles. En novembre 2022, le Conseil a autorisé l’ouverture de négociations avec ces pays pour élargir ces accords. Il est également convenu d’ouvrir des négociations en vue d’un accord avec la Bosnie-Herzégovine. En juillet 2022, le Conseil a aussi autorisé l’ouverture de négociations avec la Mauritanie et le Sénégal.
Un accord avec la Moldavie, sous les nouvelles règles, est entré en vigueur le 1er novembre 2022 à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et, le 1er avril 2023, est entré en vigueur un accord avec la Macédoine du Nord.
Ce dernier dispose qu’une opération est lancée par décision écrite du directeur exécutif de Frontex sur demande écrite des autorités compétentes de la République de Macédoine du Nord.
Si le directeur exécutif estime que l’activité opérationnelle demandée entraînerait ou entraînerait vraisemblablement des violations graves ou persistantes des droits fondamentaux ou des obligations de protection internationale, ce dernier ne lancera pas l’activité opérationnelle.
Si l’activité sollicitée ne pose pas, a priori, de problèmes, un plan opérationnel détaillé contenant un mécanisme de signalement et d’évaluation, ainsi que des instructions générales sur la manière d’assurer la sauvegarde des droits fondamentaux, sera élaboré. De plus, le responsable des droits fondamentaux de l’agence devra affecter au moins un contrôleur des droits fondamentaux à chaque activité opérationnelle pour, entre autres, assister et conseiller le coordinateur.
Malgré ces garanties, l’article 12 pose une sérieuse question de responsabilité en cas de violations dédits droits. Celui-ci dispose que les agents déployés « jouissent de l’immunité de juridiction pénale, civile et administrative de la République de Macédoine du Nord pour tous les actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions officielles ». De surcroît, c’est au directeur exécutif de Frontex de déterminer si les actes relèvent de l’exercice des fonctions et il est précisé que « la qualification du directeur exécutif lie la République de Macédoine du Nord, qui ne peut la contester ». Une disposition similaire est présente dans l’accord avec l’Albanie de 2019. Si les actes ne relèvent pas de la fonction, une procédure peut être engagée, mais « les membres de l’équipe ne sont pas tenus de témoigner dans les procédures judiciaires en République de Macédoine du Nord ».
Au vu des récentes accusations à l’encontre de Frontex, et du flou entourant la responsabilité, des abus de ces dispositions protectrices envers les agents de Frontex suscitent une certaine inquiétude.