Élections européennes : quels sont les enjeux en matière d’asile ?
Les élections européennes 2024 auront lieu le dimanche 9 juin en France. C’est l’occasion, pour les citoyens de l'Union européenne, d’élire leurs représentants au Parlement européen. En France, 81 eurodéputés seront élus pour un mandat de 5 ans et leur rôle sera important pour la définition et la mise en place des politiques d’asile.
Les politiques d’asile sont largement décidées au niveau de l’Union européenne (UE). Bien que le domaine de l’asile et de l’immigration soit une compétence partagée entre l’UE et les États membres, conformément aux traités, le principe de subsidiarité rend l’action de l’UE légitime. Ce principe dispose que, lorsqu’une compétence est partagée, l’UE ne peut intervenir que si une action au niveau national, régional ou local, ne permettrait pas de réaliser les objectifs de l’action de manière suffisante. En l’espèce, l’espace de libre circulation, ainsi que les bénéfices de la coopération, rendent la portée des actions individuelles des États membres limitées et justifient des mesures au niveau européen. Par conséquent, il existe aujourd’hui un régime d’asile européen commun (RAEC), sur le point d’être modifié en profondeur avec le Pacte sur l’asile et la migration (voir notre conférence sur le sujet).
Le Parlement européen (qui représente les citoyens de l’UE) étant l’une des quatre grandes institutions décisionnelles de l’UE, aux côtés de la Commission européenne (qui possède l’initiative législative et est l’exécutif de l’UE), du Conseil de l’UE et du Conseil européen (qui représentent les États membres, au niveau technique, et des ministres et des chefs d’État), il possède un certain nombre de pouvoirs dans les compétences partagées et exclusives de l’UE, notamment en matière de :
- Codécision dans la procédure législative ordinaire (voir notre article sur la procédure ordinaire du Pacte);
- Demande de soumission de propositions législatives à la Commission européenne;
- Contrôle des actes délégués de la Commission européenne;
- Constitution de commissions d’enquêtes;
- Rôle dans la procédure budgétaire qui s’apparente à la codécision avec le Conseil;
- Contrôle de l’exécution du budget; et
- Approbation d’accords internationaux les domaines relevant de la procédure législative ordinaire (dont fait partie l’asile et la migration).
Alors que de nouvelles normes vont être mises en place, que le nombre d’arrivées sur le territoire de l’UE est en hausse, que les décès en mer Méditerranées augmentent, que la protection des frontières se renforce, que les allégations de refoulements (renvois contraires au droit international) se multiplient, que les violations des droits fondamentaux par l’agence des gardes-côtes et gardes-frontières de l’UE Frontex persistent, que les voies légales continuent d’être résiduelles, que les accords de coopération avec des pays tiers ne respectant pas les valeurs de l’UE se développent, et que les États peinent à héberger tous les demandeurs d’asile et à offrir les conditions d’une intégration rapide et aisée aux bénéficiaires de la protection internationale, et au vu des compétences du PE, les enjeux des élections de juin 2024 sont importants.
Afin de préserver une politique d’asile et d’immigration protectrice, solidaire et responsable les eurodéputés devraient s’attaquer à un certain nombre de dossiers ces cinq prochaines années.
En matière de frontières, le Parlement pourra continuer à jouer un rôle en matière de surveillance du fonctionnement de Frontex via le groupe de travail créé à cet effet. Les eurodéputés devraient aussi faire usage du pouvoir de questionner, avec demande de réponse écrite, les représentants des autres institutions européennes sur la coordination des opérations de recherche et de sauvetage en mer.
En ce qui concerne le RAEC, les eurodéputés devront contrôler la mise en œuvre du Pacte et utiliser le recours en manquement contre un ou des États si nécessaire. Ils devraient faire usage de toutes les dispositions du Pacte permettant des examens et demander des évaluations ou informations aux différentes institutions de l’UE.
Concernant les enjeux budgétaires, lors de l’approbation du cadre financier pluriannuel, ils devraient veiller à ce que des ressources suffisantes soient destinées à une mise en œuvre efficiente du droit d’asile par les États membres mais aussi les acteurs de la société civile.
À l’égard de la politique étrangère, les membres du Parlement ont la capacité de refuser des accords internationaux permettant une forme d’externalisation de l’asile et des accords de contrôle des migrations avec des pays ne respectant pas les droits humains, et ils peuvent demander l’avis préalable de la Cour de justice de l’UE sur la compatibilité de potentiels accords internationaux avec les traités. Ils devraient aussi lutter contre « Team Europe », qui est une forme de conclusion d’accords sans consultation du Parlement qui n’est pas prévue dans les traités, comme c’est le cas dans la présente législature.
Le contrôle du Parlement européen pourra également porter sur la mise en œuvre d’autres aspects des politiques d’asile et d’immigration comme le cadre pour la réinstallation ou la transposition de la nouvelle directive contre la traite des êtres humains. Il sont également la capacité d’utiliser le mécanisme de l’article 7 du Traité sur l’UE, pouvant aboutir à des sanctions si nécessaire (le Parlement, avec deux tiers de l’hémicycle, peut demander au Conseil de constater qu’il existe un risque clair de violation grave des valeurs de l’UE de l’article 2, telles que le respect de la dignité humaine, de la liberté, le respect des droits de l’Homme, etc.).
En outre, un autre enjeu important des élections européennes est le renouvellement de la Commission européenne, composée de 26 commissaires dirigés par un président, qui gère les politiques de l’UE prévues dans les traités, met en œuvre le budget et veille à la bonne application du droit de l’UE. En effet, le Conseil européen, c’est-à-dire les chefs d’État et de gouvernement, a la tâche de proposer un président de la Commission au Parlement nouvellement élu, en tenant compte des résultats des élections. Il est ainsi coutumier pour le Conseil de proposer une personne issue du groupe politique arrivé en tête.
Il est, par conséquent, essentiel que les parlementaires votent en faveur d’un exécutif prônant, par exemple, des relocalisations dans le cadre du mécanisme de solidarité, l’augmentation des engagements en termes de réinstallation et de voies complémentaires, ou encore le dépôt d’une proposition législative établissant un visa humanitaire européen.