En juin 2024, l’Union européenne s’est parée d’une version améliorée de la directive relative à la prévention, à la lutte contre la traite des êtres humains et à la protection de ses victimes. Cette nouvelle directive renforce notamment le cadre juridique au regard des nouvelles technologies de l’information et de la communication et pour les personnes exilées.

D’après les dernières données Eurostat disponibles, environ 10 093 victimes de la traite des êtres humains ont été enregistrées dans l’Union européenne (UE) en 2022. Ce chiffre est cependant certainement inférieur à la réalité, les victimes n’étant pas toujours identifiées. Selon les données Eurostat, près des deux tiers de ces victimes (63%) étaient des femmes et des jeunes filles. Le même pourcentage représentait les victimes ressortissantes de pays tiers. L’exploitation sexuelle était la forme prédominante de traite, suivie de près par l’exploitation par le travail.

La menace est élevée pour les personnes vulnérables, tels que les demandeurs d’asile. En effet, le trafic de migrants, extrêmement présent sur les routes vers l’Europe, est souvent mêlé à d’autres formes de criminalité organisée, comme la traite. Le plan d’action contre le trafic de migrants, par exemple, indique que les centres d’accueil pour demandeurs d’asile sont ciblés par des passeurs afin de recruter des personnes prêtes à se livrer à des mouvements non autorisés au sein de l’UE ou susceptibles d’être victimes d’exploitation. Le nombre de personnes internationalement déplacées augmentant, les risques de traite augmentent également.

De surcroît, les réseaux criminels adaptent rapidement leurs modus operandi grâce aux nouvelles technologies pour contourner les restrictions. Dans le cas de l’exploitation sexuelle, par exemple, diverses plateformes sont utilisées, tels que les réseaux sociaux pour capter de potentielles victimes, Vinted pour proposer des services, ou AirBnB pour les réaliser, parfois pour des tournées européennes (sex tour).

La directive concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes de 2011 (2011/36) a donc été amendée en juin 2024 par la directive 2024/1712.

La directive s’actualise au vu de la criminalité en ligne. « Les États membres [devront] prendre les mesures appropriées, telles que l’éducation, la formation et des campagnes, en tenant compte des spécificités des différentes formes d’exploitation, et en accordant une attention particulière aux aspects liés à l’environnement en ligne, le cas échéant, pour décourager et réduire la demande qui favorise toutes les formes d’exploitation liées à la traite des êtres humains. » Ils devront également engager « les actions appropriées, y compris par l’internet, telles que des campagnes d’information et de sensibilisation, des programmes de recherche et d’éducation, y compris la promotion de l’habileté et des compétences numériques, le cas échéant en coopération avec des organisations pertinentes de la société civile et d’autres parties intéressées comme le secteur privé, afin de sensibiliser l’opinion à ce problème et de réduire le risque que des personnes, en particulier des enfants et des personnes handicapées, ne deviennent victimes de la traite des êtres humains ».

De plus, la réforme a pour but de veiller à ce que les autorités chargées de la lutte contre la traite et  celles de l’asile coordonnent leurs activités, afin que les victimes qui aient également besoin d’une protection internationale bénéficient d’un soutien - y compris psychologique et en termes d’information et d’indemnisation -  et d’une protection appropriée - qu’elles coopèrent ou non aux enquêtes - , grâce, entre autres, à l’obligation d’établir des plans nationaux de lutte, un mécanisme d’orientation, des coordinateurs nationaux, ainsi que suffisamment de refuges et d’hébergements sûrs. Cette obligation de prévoir des hébergements sûrs a été renforcée par rapport à la version de 2011.

Le considérant numéro 22 dispose par ailleurs que « les apatrides sont davantage exposés au risque de devenir victimes de la traite des êtres humains. Dans le cadre de l'application de la présente directive, il importe d'accorder une attention particulière à ce groupe vulnérable ».

Les amendements élargissent en outre les formes d’exploitations, en ajoutant à l’exploitation sexuelle et par le travail, le mariage forcé, l'adoption illégale et l'exploitation de la maternité de substitution.

Ils renforcent également l’obligation pour les États de prévoir des formations, notamment pour les juges, qui pourront choisir de ne pas poursuivre les victimes pour des actes criminels qu’elles ont été contraintes de commettre.

Comme auparavant, les entreprises pourront être sanctionnées, par l’impossibilité d’obtenir des subventions par exemple. De surcroît, l’utilisation des services fournis par une victime de traite, lorsque l’utilisateur sait que la personne est exploitée, devra désormais être sanctionnée.

Enfin, les États devront collecter des données anonymisées pour des statistiques sur les victimes, les suspects, les personnes poursuivies et les personnes condamnées, dans le but de contrôler l’efficacité des systèmes de lutte.

Les États ont désormais 2 ans pour transposer ces dispositions en droit national.

Malgré quelques points négatifs, comme l’absence de mention du principe de non-refoulement, et le fait que les coordinateurs nationaux n’aient pas à être indépendant, il s’agit d’une réforme à applaudir. Son effet pourrait toutefois rester limité, puisque comme dans toute directive, une large marge de manœuvre est laissée aux États membres.

En France, des formations et des campagnes de sensibilisation existent déjà, notamment par la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF). En revanche, un mécanisme d’orientation, prévu dans le deuxième et troisième - l’actuel – plan d’action contre la traite, n’existe toujours pas. Il est également incertain que suffisamment de refuges avec un accompagnement spécialisé existent. Concernant les sanctions des utilisateurs, la France impose déjà une contravention aux clients de la prostitution, et une peine d’emprisonnement accompagnée d’une amende lorsque la victime de la prostitution est mineure ou particulièrement vulnérable. Pour finir, le pays collecte déjà certaines données administratives.